Photo : Riad Par Karima Mokrani D'ores et déjà, des familles pensent à renoncer à leurs vacances. Ni les plages du pays ni celles de Tunisie ne semblent les intéresser, désormais. Méfiance, insécurité Et pour cause ! «Depuis un certain temps, on ne se sent plus en sécurité. Ni dans le pays ni chez nos voisins tunisiens ou autres… Trop de manifestations, trop de révoltes populaires», lance une femme, une cinquantaine d'années environ. La dame fait allusion aux révolutions populaires dans le monde arabe mais aussi aux mouvements de protestation des travailleurs de tous les domaines d'activité en Algérie. Des contestations qui atteignent les chômeurs, les supporters des équipes de football… et même les retraités. Ainsi, peu de familles évoquent les vacances en Tunisie, cette année, arguant de l'instabilité politique du pays. L'année dernière déjà, leur nombre était nettement inférieur que d'habitude, mais c'était à cause du Ramadhan. «L'Algérien ne peut passer le Ramadhan ailleurs que chez lui… C'est sacré !», commente un homme, père de deux filles, âgées respectivement de 16 et 12 ans.Opter pour d'autres destinations, toujours loin du pays, ce n'est pas chose facile. «C'est trop cher !... Ce n'est pas donné», affirment d'autres pères de famille. Reste la Turquie, avec les promotions faites dernièrement par les différentes agences de voyages. Ce sont plutôt les jeunes qui y montrent de l'intérêt : «Nous partirons en groupe… C'est ce que nous avons fait l'année dernière. Ça revient moins cher… Et la vie n'est pas chère chez eux. Nous pourrions partir avec un petit pécule et y passer des moments très agréables», indique une étudiante. Pour d'autres, il y a les plages et les villes touristiques des 14 wilayas du littoral. Cela permet l'évasion et la détente, loin du stress et de la pression du travail. Y trouveront-ils leur plaisir ? Pas sûr.En effet, le 1er juin dernier, à partir de Skikda, le ministre du Tourisme, Smaïl Mimoun, a donné le coup d'envoi de la nouvelle saison estivale mais sans annonces importantes sur la gestion des plages, encore moins l'infrastructure hôtelière qui fait toujours défaut dans les wilayas du littoral. La semaine dernière, le ministre était en visite de travail à Béjaïa, une ville prisée par de nombreux estivants de toutes les wilayas du pays. Là, il n'était pas du tout content. Il l'a clairement dit aux responsables du tourisme au niveau local et aussi à ses collaborateurs au niveau de l'administration centrale. Smaïl Mimoun n'a pas apprécié l'état d'hygiène qui laisse à désirer dans la wilaya. «Le ministre était très en colère. Il a trouvé les plages sales… Il a donné instruction de remédier à cette situation», rapportent des proches de son secteur. Des ordures partout et défaut de gestion Pourtant, il y a quelque trois semaines, une opération de nettoyage des plages, intitulée «Eboueurs de la mer», a été organisée, dans toutes les wilayas côtières, à l'initiative de la radio nationale, en collaboration avec les directions de wilaya de l'entreprise Sonelgaz. Elle a donné de bons résultats sur le terrain. L'adhésion des jeunes, des enfants et d'autres personnes de la société civile, de façon générale, a fait que cette opération a eu un écho favorable auprès de tous. Comment se fait-il que la wilaya de Béjaïa n'a pas enregistré le même résultat ?Le problème d'hygiène dans les différentes plages du pays est un problème récurrent qui revient chaque année, malgré les efforts des autorités locales et autres organismes publics et privés pour améliorer les choses. «Les gens jettent leurs ordures partout… Aucun civisme», dénoncent des femmes, indignées par le nombre croissant des bouteilles d'eau minérale, des boîtes de glace… et autres déchets qui s'amoncellent dans différents coins de la plage. Ajoutée à cela la présence de conduites d'assainissement qui demeurent dans un état de délabrement total. Cela ne peut que susciter l'indignation. «On finit pas s'habituer aux saletés et aux odeurs nauséabondes. Là où on va, on les trouve devant nous et derrière nous…», s'indigne un médecin à Alger-Centre. «J'ai ramené des jeunes et je les ai payés moi-même pour nettoyer cette cour… Une cour qui appartient à tous les voisins, qui doivent donc veiller tous à son entretien… Ce n'est pas le cas. Personne ne bouge le petit doigt. Ils préfèrent marcher, matin et soir, sur les saletés plutôt que de s'organiser, à tour de rôle, pour la nettoyer», regrette-il.Aussi, des jeunes et des moins jeunes continuent d'accaparer de grands espaces de plages publiques, se plaignent des citoyens, imposant des prix élevés pour des prestations médiocres et un stationnement pas tout à fait sécurisé. L'Etat promet d'arrêter cette concession non rentable des plages mais continue de laisser faire faute d'une bonne organisation par ses services. Pour avoir les pieds dans l'eau, des citoyens nombreux n'hésitent pas à vider leurs poches… bon gré mal gré. «On a beau dénoncer cela mais rien à faire… L'Etat est défaillant et nous, les simples citoyens, nous en avons déjà assez des problèmes que nous vivons au quotidien.» Et comme chaque année, au niveau des plages, les unités de la protection civile, celles de la gendarmerie nationale et autres organismes chargés de la sécurité des estivants sont à pied d'œuvre… mais cela ne suffit pas, estiment des citoyens. Tout le problème réside dans l'organisation, dans la répartition des espaces loués. «Il faut confier cela à des gens spécialisés… Laisser tout pour ces jeunes n'est pas une solution… Combien de fois des bagarres se sont éclatées entre ces jeunes et les vacanciers, parfois même entre les jeunes eux-mêmes pour un problème de place !», affirment deux jeunes femmes. La famille, c'est sacré D'autres citoyens attendent les vacances estivales rien que pour retrouver les leurs. Passer plus de temps en famille, sous un même toit, autour d'un même sujet de discussion, un même repas et peut-être un même programme de télévision. Cela manque terriblement… aux familles algériennes. Par ailleurs, est-il nécessaire de souligner, dans le cadre des campagnes de sensibilisation et de promotion du tourisme en Algérie, le ministère du Tourisme a décidé de lancer, le 25 juin prochain, une caravane qui fera le tour des 14 wilayas du littoral. C'est à l'occasion de la Journée nationale du tourisme.