C'est un spectacle désolant et pathétique que nous a livré le Théâtre national algérien, Mahiédine Bachetarzi (TNA), mercredi soir dernier. Une pièce théâtrale était à l'affiche pour cette soirée, et pas plus d'une dizaine de personnes peuplait les lieux dans l'attente de la représentation, qui devait débuter à 22 h. Une dizaine de personnes, ce qui représente un chiffre dérisoire lorsqu'on prend en compte les capacités d'accueil du TNA. Un désintérêt effectivement désolant et pathétique qu'il est difficile d'expliquer, si ce n'est l'absence de promotion et de communication du TNA qui continue à tourner comme une administration… Le public algérois a boudé le quatrième art et c'est donc dans une salle presque vide que les trois comédiens programmés pour la soirée ont interprété leurs rôles. Au menu : l'adaptation de la Grotte éclatée, roman de Yamina Mechakra, mise en scène par Ahmed Benaïssa. C'est Hayder Ben Hassen, auteur et comédien, qui a partiellement traduit le texte pour proposer une version différente du roman mais qui reste tout de même fidèle au sens originel. Ainsi, cette version met en scène une femme tourmentée, vivant seule et repliée sur elle-même. Une femme écrivaine qui se réfugie dans un monde irréel peuplé de personnages de son invention. Exacerbée par la solitude et des doutes en tout genre, très vite, les frontières qui séparent sa réalité des fictions qu'elle se plaît à inventer se brouillent. Ses personnages fictifs se mettent à lui dicter sa conduite. Le réel et l'imaginaire s'entrelacent alors jusqu'à la faire sombrer dans la folie. Les trois comédiens sur scène se mettent alors à discourir dans un arabe dialectal recherché qui correspond aux effusions abstraites des trois protagonistes qui ne sont en fait que deux en réalité, étant donné que le troisième personnage n'est autre que le double de la femme tourmentée. En bref, peu d'actions dans la pièce et beaucoup de métaphores et de discours abstraits qui peuvent facilement indisposer le spectateur. Fort heureusement, la pièce a été courte, 45 minutes et certaines personnes du rare public n'ont même pas attendu la fin pour quitter la salle. Cela même si les trois comédiens qui ont fait vibrer les planches, Malika Belbaye, Hayder Ben Hassen et Amel Manghad, ont tout de même joué de façon quelque peu convaincante. Pour rappel, Yamina Mechakra est une écrivaine algérienne, originaire des Aurès, qui a su allier sa passion d'écrivaine à ses études de médecine accomplies à Constantine, devenant médecin psychiatre. «A l'heure actuelle, dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant d'or.» C'est sur cette phrase restée célèbre que Kateb Yacine terminait la préface de la Grotte éclatée de Yamina Mechakra qui a été éditée par l'ENAG, en 1979. Vingt-deux ans après, Yamine Mechakra est revenue à l'écriture avec un autre roman, Arris, (édition Marsa, collection Algérie-Littérature-Action) qui est fidèle, en forme et en fond, à l'esprit de la Grotte éclatée. F. B.