Exit donc Wahid Bouabdallah, le rondouillard PDG d'Air-Algérie qui, dit-on, aurait trop arrondi les ongles avec le SNPNCA, le syndicat du personnel navigant commercial. C'est à-dire les hôtesses et les stewards, dont la grève d'une journée avait cloué au sol les avions de la compagnie. Air Couscous, comme l'appellent affectueusement ses clients fidèles, était alors dans la chorba et son ex-PDG pédalait dans la semoule. L'ancien patron d'Air-Algérie, hiérarque du FLN, aurait fait des promesses exorbitantes d'augmentation de salaires. Elles auraient provoqué un appel d'air au sein de l'entreprise où d'autres syndicats auraient surenchéri en matière de hausse générale des salaires. 35%, selon des sources syndicales bien intentionnées. Ce qui aurait fait entrer la compagnie dans un profond trou d'air financier ! Cette embardée de son premier pilote lui aurait ainsi coûté son fauteuil qu'il chauffait depuis 2008. Mohamed Salah Boultif, ancien mais éphémère PDG de Tassili Airlines (joint-venture avec Sonatrach), lui a succédé dans la pure tradition d'opacité caractérisant les conditions de limogeage et de remplacement des PDG d'Air-Algérie. En la matière, les voies aériennes de l'Etat, actionnaire à 100 % de la compagnie, sont peu navigables, mais qu'importe ! M. Bouabdallah, qui n'est pas surpris lui-même de sa destitution, sans en connaitre pour autant les vraies raisons, a pour remplaçant un connaisseur du transport aérien national. M. Boultif, paisible quinquagénaire, est un ancien de la boite qui a dirigé par ailleurs l'EGSA, l'Etablissement de gestion des services aéroportuaires d'Alger (18 aéroports). Son prédécesseur, qui a quand même rajeuni la flotte (26 appareils nouveaux sur 33), modernisé en partie les procédures certifiées, mêmes si elles restent loin des normes internationales, et entamé la filialisation de la société, laissera quand même beaucoup de «restes à réaliser». Le nouveau PDG atterrit ainsi sur un vaste chantier où beaucoup est encore à faire, notamment en termes de part de marché sur les vols internationaux depuis l'Algérie. En 2009, la part d'Air-Algérie ne dépassait guère les 53%, loin de l'objectif des 60% fixé par l'actionnaire unique. Mais la compagnie ne souffre pas seulement de la concurrence qui lui taille régulièrement des croupières. L'entreprise, dont le très modeste site Internet la présente comme une société «résolument tournée vers la modernité […] et la satisfaction de sa clientèle» pèche justement sur ces deux points que sa communication web vante le mieux. Depuis toujours, elle est décriée par ses clients pour la qualité de ses prestations, la ponctualité, l'information et l'indemnisation des voyageurs. En matière de conditions de voyage, le transporteur national est probablement le seul au monde dont des personnels de bord fument en plein vol, tolèrent que des passagers grillent une clope dans les WC et interviennent rarement pour faire cesser le bruit qui emplit souvent ses avions lors des dessertes ! Mais il y a bien pire : en 2009, Air-Algérie a frôlé l'inscription sur liste noire. Cette année, les contrôles, dits SAFA, effectués par des inspecteurs des aviations civiles européennes lors des escales, ont montré des «manquements dans les domaines de la sécurité du transport de marchandises, de la navigabilité et de l'exploitation des appareils et des licences du personnel navigant». Heureusement, ce ne fut pas le cas, mais le boulet est passé de près ! Et pour ne plus négliger la menace d'être un jour sur une black list, le nouveau PDG devra se souvenir du crash du Boeing 737 du vol AA 6289 qui a fait 102 morts à Tamanrasset, en 2003, et celui du cargo Lockheed L-100-30 qui s'est écrasé à Piacenza en Italie, en 2006 ! M. Boultif a manifestement du pain sur la planche et du souci à se faire. Il connait sans doute les autres insignes faiblesses de la compagnie : mauvaise stratégie de déploiement, manque de réactivité, sous-dimentionnement de la flotte par rapport à la demande, malgré l'effort de renouvellement ; piètre qualité des services, médiocre qualité de la maintenance malgré la mise en place d'une nouvelle base d'entretien. De même, la fidélisation de la clientèle, l'absence d'un centre de contrôle opérationnel, et l'emplacement des agences dans des quartiers à loyers ultra-chers à l'étranger. Et, last but not least, une politique estivale de leasing des avions et de leurs équipages peu rentable, l'externalisation de la formation des pilotes en dépit de l'achat de simulateurs de vols… Tout d'un vol long courrier, harassant, qui risque de connaître des zones de turbulences, offert en guise de bienvenue au nouveau pilote Boultif. Question pour le prix d'un billet low cost en aller-simple : une hirondelle fera-elle la compagnie ? Pas sûr, car depuis toujours c'est Air-Algérie qui a brisé les ailes de ses nombreuses hirondelles qui n'ont pas pu réaliser son printemps. Question de système, bien évidement. N. K.