La déflagration, qui a provoqué des morts et des blessés, a créé un mouvement de panique favorisant le regroupement des jeûneurs à l'extérieur du mess. C'est alors qu'un second terroriste, embusqué à quelques mètres de la popote des officiers, est accouru avec une moto qu'il poussait comme s'il allait l'enfourcher. Rapidement arrivé sur le lieu d'attroupement des militaires et de quelques civils voisins, il a fait exploser sa moto qui était piégée. C'est cette seconde bombe qui a fait le plus de dégâts. Mis à part quelques vitres cassées de maisons et d'immeubles mitoyens, rien ne révèle sur les lieux qu'un double attentat-suicide s'est produit à un jet de pierre de l'entrée principale de l'Académie militaire. Tout a été nettoyé et le mess des officiers, partiellement endommagé à l'intérieur, a gardé intacte sa façade extérieure. Dans le périmètre de sécurité de l'AMIA, l'atmosphère était paradoxalement paisible et rien n'indiquait qu'un double attentat a eu lieu, si ce n'est les témoignages des habitants qui l'évoquaient comme un cauchemar bref et évanescent. Pourtant, deux jeunes amants de l'apocalypse étaient passés par là. Tôt le matin sur les lieux du drame, au cœur même d'Aïn Queciba, la petite casbah andalouse, on constate que le périmètre de sécurité de l'académie militaire est un intitulé sans contenu réel. Sur place, la RN 11 était encore ouverte à la circulation et toutes les voies perpendiculaires d'accès n'étaient pas encore fermées. On pouvait donc circuler à sa guise et approcher des militaires à l'air grave mais bonhomme, avenants et débonnaires. On pouvait interroger aussi, à loisir, des riverains qui affirment qu'un système de protection et de contrôle des accès a existé quelque temps avant d'être levé, dit-on, à l'approche du Ramadhan. En effet, on a pu constater in situ, l'absence de chicanes, de cordons sanitaires, de herses et autres chevaux de frise. Cette absence de rigueur, cousine du relâchement laxiste, a probablement permis aux terroristes de reconnaître les lieux et de s'approcher plus tard du mess des officiers, en toute quiétude. On a pu constater d'autre part l'absence de caméras de surveillance en haut du mur d'enceinte de l'AMIA qui fait front au mess, situé sur le trottoir d'en face. Ce n'est que vers dix heures de samedi matin que des soldats, notamment des éléments de la police militaire, ont bouclé les périmètres, notamment les voies d'accès perpendiculaires à l'académie. Auparavant, on avait même pu entrer au poste de police de l'entrée principale pour demander des nouvelles d'un élève officier de l'armée de terre. A ce niveau aussi, point de barrage filtrant, sauf une logique interpellation par des gardes bienveillants. Selon des riverains, des habitants d'Aïn Queciba, cité en contrebas de l'AMIA, avaient signalé aux policiers des mouvements suspects d'étrangers à la vieille citadelle. Ces jeunes appartiendraient à un groupe terroriste qui se serait formé dans l'axe régional Médéa-Tipasa-Cherchell. Cette information n'a pas été recoupée de source policière ou militaire. Le double attentat-suicide de l'AMIA n'est pas le premier acte ciblant un symbole fort de l'armée algérienne. Il fait suite à l'attentat ayant pris pour cible, ces trois dernières années, la caserne du Lido, siège emblématique de la Garde républicaine, dans la banlieue est d'Alger. Il intervient aussi après un autre attentat terroriste qui a pris pour objectif l'école supérieure de la gendarmerie des Issers dans la wilaya de Boumerdès. Dans les deux cas, le périmètre de sécurité n'était pas si sécurisé que ça, les terroristes ayant pu s'approcher de son cercle fatidique sans être repérés. La portée symbolique du double attentat kamikaze de Cherchell, dont le mode opératoire (ceinture d'explosif et moto piégée) rappelle le plasticage du commissariat de Bordj Ménaeil au début de l'été, est telle que le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah s'est déplacé vendredi soir sur les lieux du drame. Le chef d'état-major de l'ANP venait juste de rentrer d'une tournée d'inspection du dispositif de sécurité militaire le long de la frontière avec la Libye.