Beaucoup de révélations sont faites depuis l'éclatement du conflit libyen : soutien acharné de Paris contre contrats pétroliers, armement des extrémistes et des membres de l'AQMI au Mali grâce aux rançons payées par les occidentaux, intérêts conjoncturels entre les forces mondiales pour un repositionnement dans le monde arabe … Des démentis sont faits ici et là, mais une seule vérité est indéniable: aujourd'hui, la Libye est un pays détruit, déstabilisé. Un territoire livré à lui-même, un grand marché à ciel ouvert où les armes circulent librement et où des règlements de comptes ont commencé. Sur le sol libyen, les rebelles qui avaient lancé un ultimatum aux pro-Khadafi, qui prend fin aujourd'hui, avant de lancer la «bataille finale» sur Syrte, ont décidé de le repousser d'une semaine. Selon la rébellion, les négociations entamées avec des chefs tribaux sont toujours en cours. Des renforts sont arrivés toute la semaine depuis Benghazi, fief des rebelles dans l'Est. A cela va s'ajouter le soutien de l'Otan qui a annoncé la poursuite des ses bombardements. Déjà, à Oum Gandil, pour la quatrième journée consécutive, les rebelles ramenaient vers l'arrière leurs éléments les plus avancés, afin d'éviter tout dommage collatéral, alors que résonnaient le vrombissement des avions de l'Alliance et le fracas épisodique de leurs bombardements. Les politiques, quant à eux, annoncent le début du processus de transition malgré la poursuite des combats. Le représentant en Grande-Bretagne du Conseil national de transition (CNT), Guma al-Gamaty, a déclaré hier que des élections seront organisées dans environ huit mois dans le pays pour élire une assemblée constituante ainsi que des élections présidentielle et législatives d'ici 20 mois. «Durant huit mois, le CNT dirigera la Libye avant qu'une assemblée élue par le peuple» ne prenne les commandes du pays pour rédiger une constitution, et «au bout d'un an (...), des élections seront organisées», a-t-il dit ajoutant que «le processus de transition a débuté». D'ailleurs, la rébellion à Tripoli a appelé les combattants des provinces à rentrer chez eux car «Tripoli est libre» et ses combattants «sont capables de la protéger». Mouammar Kadhafi, toujours activement recherché, ne voit les choses du même œil. L'ex-homme fort libyen a affirmé vouloir lancer «une guérilla» pour combattre les rebelles, excluant totalement de se rendre, dans deux messages sonores diffusés en l'espace de quelques heures, jeudi dernier, par la chaîne de télévision Arrai. «Préparez-vous à une guerre de gangs et de guérilla, à la guerre urbaine, et à une résistance populaire dans chaque ville (...) pour vaincre l'ennemi partout», a-t-il dit. Il a accusé les pays participant aux opérations de l'Otan de «vouloir coloniser la Libye et mettre la main sur ses ressources pétrolières et hydrauliques (…) La lutte continue, nous sommes prêts à une guerre longue, longue, longue jusqu'à ce que nous vous vainquions. Ne vous attendez pas à ce que l'on quitte notre terre (...) et sans aucun doute nous sortirons vainqueurs de cette guerre, de cet acte diabolique». Ces appels à résister lancé par Mouammar Kadhafi à ses partisans, est qualifié de «désespéré et misérable», par Ahmed Darrat en charge de l'Intérieur dans l'exécutif du CNT. Désespéré ou pas, il n'en demeure pas moins que la poursuite des hostilités a décidé l'Union africaine à refuser la reconnaissance du CNT comme représentant légitime de la Libye. A l'issue de la conférence sur l'avenir de la Libye tenue à Paris, jeudi dernier, le président de la commission de l'UA, Jean Ping, a déclaré que l'Union africaine n'est pas prête à reconnaître le CNT «les choses ne se passent pas comme ça. Le CNT nous a donné des assurances concernant le bon traitement des travailleurs africains en Libye. Nous attendons» avant d'ajouter «l'UA attend toujours la fin des hostilités». Mais pour les pays occidentaux qui ont participé activement dans le conflit, l'heure est au déblocage des avoirs libyens. La France, accusée d'avoir passé un contrat avec le CNT pour son armement et sa reconnaissance contre 35% de son pétrole, a annoncé le dégel immédiat de 15 milliards de dollars au profit des nouvelles autorités du pays. Nicolas Sarkozy a également confirmé le principe d'une visite en Libye, une fois le CNT installé. La chancelière allemande, Angela Merkel, qui participait à la conférence, a de son côté annoncé à la presse qu'un milliard d'euros sur des comptes allemands avait été «débloqués par l'ONU». Les Pays-Bas ont déclaré jeudi, de leur côté, qu'ils voulaient débloquer deux milliards de dollars d'avoirs libyens. La Suisse a, pour sa part, soumis une demande d'exemption au Comité des sanctions pour que des fonds à hauteur de 420 millions de dollars soient débloqués. H.Y./agences