Le retour du président Ali Abdallah Saleh, annoncé par la télévision d'Etat, a surpris les protagonistes de la crise yéménites. Très contesté depuis janvier dans la rue, Saleh a été hospitalisé le 4 juin à Ryadh, au lendemain d'une attaque contre son palais à Sanaâ au cours de laquelle il a été blessé. Son retour survient alors que la capitale est secouée par de violents combats, entre partisans et adversaires du chef de l'Etat, qui ont fait près de 100 morts. Huit mois après le déclenchement d'un large mouvement de contestation la situation politique est dans blocage total. Hier de violents accrochages ont eu lieu à Sanaâ entre tribus rivales pro et anti-Saleh. Ce dernier, au pouvoir depuis 33 ans, refuse de céder. Il signera même un plan de sortie de crise initié par les monarchies du Golfe. Le président Saleh était officiellement en convalescence à Ryadh depuis qu'il a quitté, début août, l'hôpital militaire saoudien où il était soigné pour de graves blessures et des brûlures subies lors de l'attaque du 3 juin. Plusieurs hauts responsables du pays, dont le Premier ministre, ont été blessés lors de cette violente attaque qui a fait 11 morts. Après une éclipse particulière, Saleh était apparu pour la première fois à la télévision le 7 juillet, le visage brûlé, recouvert de bandages. L'image a choqué et renforcé le doute sur son éventuel retour aux affaires. Mais celui qui reste toujours officiellement président s'accroche au pouvoir en dépit de la contestation populaire. Homme politique réputé d'une grande intelligence, Saleh, âgé de 69 ans, est accusé par ses détracteurs de népotisme et de corruption. Son fils aîné, Ahmed, et ses frères et neveux contrôlent les principaux organes de sécurité et se sont opposés à tout transfert de pouvoir pendant son absence. Celui qui a souvent dit que gouverner le Yémen équivalait à «danser au-dessus des serpents» est à la tête de ce pays pauvre, seule république de la péninsule arabique, depuis 1978. De par sa gestion il s'est mis à dos, à partir du déclenchement du mouvement de contestation populaire, en janvier, les multiples composantes de la société, notamment les puissantes tribus. Le coup le plus dur lui a été porté par la défection, en mars, du général Ali Mohsen Al-Ahmar, considéré comme l'homme le plus puissant du Yémen. En 1978, Saleh sera choisi par une assemblée constituante pour remplacer le président nord-yéménite Ahmad al-Ghachmi, assassiné dans un attentat organisé par le Sud. Depuis, il va œuvrer à la réunification du pays et deviendra en 1990 le premier président du Yémen unifié, avant d'écraser, quatre ans plus tard, une tentative de sécession sudiste. L'aîné de ses fils, Ahmed, était considéré comme son successeur potentiel. Mais le printemps arabe est passé par là. La tentation de faire hériter le pouvoir à son fils lui a valu l'inimité de larges pans de la population yéménite, exigeant son départ. M. B.