Moins d'une semaine sépare les Tunisiens d'un rendez-vous important avec l'histoire : Le vote de leur première assemblée constituante démocratique. La Tunisie avait déjà, faut-il le souligner, élu une assemblée constituante le 25 mars 1956, quelques jours après la proclamation de son indépendance. Une assemblée qui a aboli le régime monarchique et proclamé la république un certain 25 juillet 1957. La convocation du scrutin de cette nouvelle assemblée fait suite à la chute du régime du président Zine el-Abidine Ben Ali le 14 janvier dernier. Les manifestations de rue qui ont suivi l'immolation de Mohammed El Bouazizi ont obligé l'ancien dictateur à céder à la pression de la rue avant de fuir vers l'Arabie Saoudite. Le 3 mars 2011, le président par intérim Fouad Mebazaa annonce l'élection d'une assemblée constituante pour le 24 juillet. Il la qualifiera d'«entrée dans une nouvelle ère». La Constitution en vigueur ne répondait plus aux aspirations du peuple après la révolution de janvier. Une revendication majeure du Conseil de la protection de la révolution, collectif de partis politiques, de l'Union générale tunisienne du travail et d'organisations de la société civile.Les modalités de l'élection proposées par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique définissent une élection au scrutin proportionnel à 27 circonscriptions. Chaque gouvernorat est considéré comme une circonscription, à l'exception de ceux de Tunis, Sfax et Nabeul qui sont découpés en deux circonscriptions et six circonscriptions également prévues pour la communauté tunisienne à l'étranger qui élira 18 de 217 membres. Chaque circonscription recevra un quota de quatre à dix sièges en fonction de sa population, soit un pour 60 000 habitants, avec une bonification d'un siège pour les gouvernorats de l'intérieur du pays.Le texte exige également que chaque liste respecte la parité entre les deux sexes. Par ailleurs, aucun membre du gouvernement ou du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti de l'ancien dictateur, n'est autorisé à se présenter à l'exception des ministres n'ayant pas appartenu au RCD, de personnes ayant occupé des postes de responsabilité au sein du RCD ou qui ont appelé l'ancien président à se représenter à l'élection prévue originellement en 2014. Le gouvernement tunisien décidera officiellement le 08 juin de la tenue des élections pour le 23 octobre 2011. Les Tunisiens de l'étranger doivent voter pour leur part du 20 au 22 octobre. Un problème se pose toutefois au Canada où le gouvernement n'accepte pas d'autoriser les Tunisiens vivant sur son territoire à voter, refusant que le pays soit inclus dans la circonscription électorale d'un autre pays. La plupart des partis ont approuvé la nouvelle date, y compris Ennahda, le Parti démocrate progressiste, le mouvement Ettajdid, Al Majd, le Parti communiste des ouvriers de Tunisie et le Parti social-libéral. Le scrutin sera chapeauté par des observateurs internationaux dont une mission européenne composée de 30 membres. Alliances et mésalliances La campagne pour cette constituante a démarré le 3 août dernier. La Tunisie connaît depuis une confrontation d'idées et de programmes allant jusqu'aux violences entre les différents courants de la société. Le face-à-face entre islamistes et laïcs crée un certain malaise sur la scène politique. La nouvelle classe politique cherche à dégager des consensus pour réussir la transition vers la démocratie, à quelques jours de cette élection décisive pour l'avenir du pays.A moins de deux semaines de la première élection libre de Tunisie, on parle d'alliance contre-nature qui aurait été scellée entre le parti islamiste Ennahda, crédité de la majorité des intentions de vote, selon les récents sondages, et le parti de centre-gauche du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL - aussi connu sous le nom d'Ettakatol), présenté comme la troisième force du scrutin du 23 octobre. Si cette tendance se confirme, cette alliance potentielle entre le FDTL et Ennahda permettrait aux islamistes de poser leur griffe sur la composition du gouvernement intérimaire, issu du vote, et sur le projet de nouvelle constitution. Or, selon le Parti démocratique progressiste (PDP), le système parlementaire proposé par Ennahda comporte le risque d'une dérive du régime en un système idéologique ultra conservateur, à l'extrême opposé des velléités démocratiques qui ont abouti à la chute de Ben Ali, en janvier dernier. Il pourrait, en outre, donner lieu à des blocages institutionnels majeurs. Pour éviter un tel scénario, le PDP milite pour une coalition démocratique regroupant tous les partis progressistes. Cette main tendue est aussi une façon de forcer le FDTL à sortir de son silence. Pour les analystes de la scène politique tunisienne, l'hypothèse d'une alliance entre le FDTL et Ennahda est tout bonnement inenvisageable. Le FDTL est lié à l'Internationale socialiste et aux partis socialistes européens, français et espagnol. Allié aux islamistes, il perdrait son siège à l'Internationale socialiste ainsi qu'une bonne partie de ses militants, ce qui n'est pas du tout dans son intérêt, affirme-t-on. G. H. Intentions de vote à l'élection du 23 octobre* Ennahda : 25% PDP : 16% FDTL : 14% CPR (Congrés pour la République, parti de centre gauche allié à Ennahda) : 8% Afek : 3% PDM : 2% Autres partis (106 autres formations participent à l'élection) : 32% * Sondage réalisé en septembre par l'Observatoire tunisien de la transition démocratique