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Oultache Chouaib : «C'est nous qui avons exigé l'envoi d'une inspection» La défense récuse la juge et dépose plainte pour recel de documents contre la magistrate
Le procès de l'ex-chef de l'unité aérienne de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), Oultache Chouaib, le présumé assassin de Ali Tounsi (l'ex-chef de la Sûreté nationale) et principal accusé dans une affaire de malversation en 2007 au profit de la société Algerian Business Multimedia (ABM), s'est ouvert hier au tribunal correctionnel de première instance de Sidi M'hamed. Il s'agit d'une ouverture de procès très tumultueuse puisque la défense du principal accusé Oultache a demandé la récusation de la juge et a même déposé une plainte auprès du procureur de la République contre la magistrate pour «recel de documents» conformément à l'article 158 du Code pénal. Cette demande de récusation est motivée, il faut le préciser, par le fait que la défense d'Oultache a exigé depuis le début de ce procès, reporté à trois reprises, la mise à sa disposition du rapport de l'Inspection générale de la Sûreté nationale et celui de la police scientifique. La juge, qui avait affirmé la semaine dernière que le dossier de l'affaire de malversation contenait tous les documents, «avait ramené de l'extérieur de la salle d'audience le rapport de la police scientifique», ont déclaré les avocats d'Oultache qui soutiennent que le rapport n'a été mis à leur disposition qu'à la fin de l'audience et jusqu'à présent, ils n'arrivent pas à avoir une copie du rapport de l'Inspection générale de la Sûreté alors qu'il a été cité par le juge d'instruction et la brigade économique et financière et donc utilisé comme une base pour la rédaction de l'arrêt de renvoi. «Il s'agit de documents qui ont été soustraits frauduleusement du dossier. Nous avons déposé plainte pour recel et avons demandé la récusation de la juge. Le président de la Cour n'ayant toujours pas statué sur ce cas, le procès devrait être reporté», a expliqué le défenseur d'Oultache qui a demandé le report à la juge en lui remettant une copie de la demande de récusation. Quelques minutes après la suspension de la séance, la magistrate revient dans la salle et annonce l'ouverture du procès. Sans aucun autre commentaire. L'un des avocats d'Oultache Chouaib demande la parole. Il se retournera vers l'assistance pour expliquer la raison de la demande de récusation de la juge et le «délit de soustraction de documents remis aux mains de dépositaires» avant de dire : «Pour toutes ces raisons, nous demandons l'annulation des poursuites contre tous les accusés.» La juge reste imperturbable. L'avocat s'emporte alors et lâche : «C'est une violation du code de procédures. Il est clair que le verdict est déjà préparé et connu d'avance». La magistrate, décidé de poursuivre le procès, n'a pas l'intention de polémiquer avec la défense ni de répondre aux provocations même quand l'avocat dira, en réponse à l'intervention du procureur de la République : «Vous avez bien vu que la juge, malgré notre demande de récusation, est revenu poursuivre la séance. Une manière de nous dire, faites ce que vous voulez.» La juge, toujours imperturbable, appelle Oultache à la barre et dit : «Revenons à notre affaire.» Elle rappelle les chefs d'inculpation avant de demander : «qu'avez-vous à dire pour votre défense ?» Sans hésitation, Oultache répond : «Beaucoup de choses.» Et en effet, il a eu beaucoup de choses à dire. L'accusé a pris la parole pendant plus de trois heures. Il est revenu sur la création de l'unité aérienne de la DGSN, sa nomination, le travail réalisé par son équipe et la commission qui a eu à s'occuper du projet d'achat des équipements informatiques pour la DGSN dont les transactions sont au cœur de l'actuel procès. Oultache a beaucoup loué les mérites de son équipe en évoquant de petites histoires pour parler de son courage et son dévouement : «Tous mes ‘‘gars'' sont une élite que vous voulez aujourd'hui juger. Ce sont de hauts cadres qui ont refusé logement, voiture et gros salaires proposés par des boîtes étrangères et voilà comment on les remercie.» Tout au long de son récit, l'ex-patron de l'unité aérienne de la DGSN a expliqué que toutes les opérations effectuées l'ont été dans le respect de la réglementation. Il a assuré que son gendre, Sator, qu'il a toujours cru comme étant un employé d'ABM et qui est en réalité un des actionnaires de cette boîte, n'a pas été privilégié : «Tout est enregistré, il n'y a pas eu d'opérations frauduleuses. D'ailleurs, la DGSN a reçu les félicitations du ministère des Finances pour son respect strict du code des marchés. […] J'ai éconduit avec politesse des personnes très proches du DGSN (le défunt Ali Tounsi, NDLR) et amis à moi, je ne pouvais donc faire privilégier mon gendre.» Dans son long récit, Oultache évoquera un incident avec l'ex-ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, : «le ministre de l'Intérieur a voulu nous dessaisir de cette opération pour la mettre entre les mains des étrangers. Nous avons démontré nos compétences. On a réussi et la DGSN ne perd plus 4 milliards de centimes dans du papier Télex». La Juge n'a pas interrompu Oultache. Elle l'a laissé s'exprimer librement et à chaque fois qu'il s'arrêtait, elle posait des questions simples et précises liées à ce dossier qu'elle avait entre les mains et aux charges retenues contre l'accusé : «Quel était ton rôle ? Pourquoi ABM n'a pas payé les pénalités malgré le retard enregistré dans la livraison ? Pourquoi avoir accepté un marché gré à gré avec ABM ? Pour quelle raison des livraisons ont été antidatées ?». L'accusé donnait des réponses fleuves au point de faire oublier la question. Il a néanmoins expliqué que l'on ne peut pas évoquer la transaction avec ABM sans évoquer celles effectuées avec deux autres boîtes. «Il s'agit de transactions pour l'acquisition de micro-ordinateurs, des imprimantes, des onduleurs… Et ce n'est pas ABM qui a été choisi pour ces acquisitions. Cette boîte n'a été choisie que pour le marché des onduleurs et pas par la commission mais par le constructeur qui nous a désigné ABM, son représentant en Algérie. Idem pour les deux autres transactions. Nous avons d'ailleurs suivi l'exemple du ministère de la justice en recevant en premier son fournisseur pour l'opération de son informatisation et qui a effectué un marché de gré à gré». L'audition d'Oultache s'est terminée hier sur son affirmation que c'est son équipe et lui qui ont exigé l'envoi de l'Inspection générale. Elle sera suivie aujourd'hui par celle de 24 autres inculpés dans ce dossier, dont dix-neuf fonctionnaires de la police qui doivent répondre des chefs d'inculpation de passation de marchés publics en violation de la législation, dilapidation de deniers publics et trafic d'influence. Selon l'ordonnance de renvoi, les faits concernent la passation de marchés «douteux» portant sur des équipements informatiques entre la Direction générale de la Sûreté nationale et la société ABM. H. Y.