C'est aujourd'hui que les Tunisiens vont découvrir la composante de leur Assemblée constituante. Celle qui dessinera la future Constitution de la Tunisie de l'après-Ben Ali. Les islamistes d'Ennahda étaient, d'ores et déjà, présentés hier comme les grands favoris de ce scrutin. Un scrutin auquel, faut-il le noter encore, ont participé 90 % des électeurs.Pionniers de cette vague de soulèvements contre des régimes autocratiques dans le monde arabe, les Tunisiens ont été plus de 90% à exercer leur droit de vote dimanche, neuf mois après avoir renversé Zine El-Abidine Ben Ali. En raison de cette forte participation, les autorités électorales ont prévenu qu'elles n'annonceraient de résultats définitifs qu'au courant de la journée d'aujourd'hui. La radio publique tunisienne a rapporté que, selon des résultats partiels à Sfax et à Kef, le parti Ennahda arrivait en tête dans ces deux grandes villes de province. Deux formations laïques arriveraient en deuxième position : le Congrès pour la République à Sfax et Ettakatol à Kef. Les correspondants de presse sur place donnaient le réveil des démocrates tunisiens hier, après l'euphorie du taux de participation de dimanche, comme les lendemains d'une bonne cuite. Certes, les résultats définitifs ne sont pas encore connus mais les tendances iraient toutes dans le même sens. Ennahda aurait raflé la mise. Du coup, le pronostic habituellement partagé qui tablait sur un score avoisinant les 30% pour le parti de Rached Ghannouchi est de plus en plus révisé à la hausse. En privé, certains responsables de partis de gauche, n'hésitent plus à avancer des chiffres avoisinant les 45% de suffrages en faveur du parti islamiste. Selon d'autres sources, dont les affirmations, encore une fois, ne sont pas encore confirmées, cette formation raflerait la majorité à l'Assemblée constituante avec un taux de 55% voire 60%.Citant ses propres décomptes officieux, Ennahda affirme être en tête dans les votes à l'étranger. L'importante diaspora tunisienne a pu voter plusieurs jours avant les électeurs de Tunisie. «C'est un jour historique», a dit Rached Ghannouchi, rentré en Tunisie après la chute de Ben Ali le 14 janvier dernier, pour conduire Ennahda aux urnes. Le parti se défend, du moins au niveau du discours, de vouloir imposer une application stricte des principes religieux à une société tunisienne habituée depuis la décolonisation à un mode de vie libéral. Pour les observateurs de la scène politique tunisienne, le parti est tiraillé entre une direction modérée et une base parfois plus radicale. Crédité par une légitimité populaire, que sera la stratégie d'Ennahda ? Tiendra-t-elle sa promesse de favoriser la constitution d'un gouvernement d'union nationale, et cela même s'il obtient une forte majorité voire la majorité ? Va-t-elle se défaire de sa promesse et faire cavalier seul au risque de braquer une partie de la société sans parler de la communauté internationale ? Cette dernière, qui attend, elle aussi, l'issue de ce premier test électoral tunisien, est lucide sur le sens des résultats. Des résultats qui seront, inéluctablement, une indication des développements à attendre dans les bouleversements en cours dans le monde arabe.Barack Obama a déclaré que la révolution tunisienne, déclenchée par l'immolation du jeune Mohamed Bouazizi en geste de désespoir face au chômage et à la répression, avait «changé le cours de l'Histoire». «Tout comme tant de Tunisiens ont manifesté pacifiquement dans les rues et sur les places en faveur de leurs droits, ils ont fait la queue aujourd'hui pour voter et décider de leur propre avenir», a précisé le président américain. G. H.