Photo : Riad Par Karima Mokrani Peu de responsables communaux s'enthousiasment pour un débat fructueux avec les citoyens. A leur tour, les représentants de la société civile se détournent souvent des problèmes de la cité, pris par d'autres occupations. Dos à dos, les élus et les citoyens Résultats : presque toutes les communes à travers le pays souffrent de problèmes récurrents d'insalubrité, d'insécurité, de mauvais état des routes, d'anarchie et de laisser-aller. Ceci, malgré le fait que de grandes sommes d'argent sont dépensées depuis des années, pour améliorer le cadre de vie dans toutes les communes, celles qui sont pauvres mais aussi celles qui disposent d'entrées financières conséquentes. Des projets très ambitieux sont aussi constamment mis en œuvre pour redresser la situation à tous les niveaux. «Se plaindre à qui?», «Parler avec qui?», «Il faut attendre des jours et des mois pour obtenir un rendez-vous chez le maire», «Ils règlent leurs affaires à eux, pas les nôtres» entend-on souvent dire des citoyens, las de voir des manques et des défections multiples au niveau de leurs communes, sans pouvoir intervenir pour changer les choses. «Ça ne fait rien, ce n'est pas grave. On détourne le regard de ce qui gêne et on fait semblant de croire que tout va bien…On finit par se soumettre à la triste réalité», se résignent-ils au fil des années. Rien d'étonnant de voir alors les ordures ménagères s'entasser jour et nuit à l'entrée des bâtiments et partout dans les rues, ruelles et autres coins de la vile. Rien d'étonnant de voir des centaines de personnes vivre dans des habitations qui risquent de tomber sur leurs têtes aux premières chutes de pluie. Le laisser-aller est total dans de nombreuses localités d'Alger et d'ailleurs, par la faute même des citoyens qui défendent mal leurs intérêts et font montre d'indifférence ; des citoyens qui sont eux-mêmes complices dans la dégradation de leurs conditions de vie. Une belle occasion pour le maire et ses collaborateurs de fuir davantage leurs responsabilités et de travailler dans un cadre restreint avec des partenaires qui cherchent des intérêts autres que ceux de la collectivité, mais qui convergent parfaitement avec les leurs. «Ils viennent pour faire des affaires, s'enrichir sur le dos du simple citoyen» accusent des jeunes et des moins jeunes qui, bon gré mal gré, se retrouvent aussi dans le même système, jouant le jeu des représentants locaux pour leur sécurité individuelle. «L'essentiel est que je puisse régler mes propres problèmes à moi… » affirment, convaincus, certains d'entre eux. A l'indifférence se greffe ainsi l'égoïsme, tous les deux nés d'un sentiment d'impuissance, d'insécurité et de manque de confiance...ça devient normal en ces temps d'individualisme et de recherche de gain facile.Les Covilles auraient pu jouer un grand rôle dans le rapprochement entre les citoyens et leurs représentants locaux, et entre eux-mêmes mais ce n'est pas le cas. «Coville? Je ne sais pas, c'est quoi?» répond un homme d'une quarantaine d'années dans une localité de l'est d'Alger. «Oui, nous devions nous réunir incessamment mais la réunion est reportée à un autre jour» répond un élu de la même localité. La dernière réunion a eu lieu «il y a presque une année». Ce qui n'est pas normal, puisque dès le départ, cet espace de discussion et de concertation a été organisé pour des rencontres régulières entre élus et représentants de la société civile, au moins une fois par mois. Pire, rien n'oblige les deux parties à respecter le calendrier.Silence, en attendant les électionsLa commune de Dar El Beida, dans la wilaya d'Alger, fait exception même si, elle aussi, ne réunit pas son Coville de façon régulière. Son comité de ville est un exemple parfait de la bonne gestion commune de la cité, comme en témoignent les avancées enregistrées dans de nombreux domaines, en un laps de temps réduit. Il est vrai que cette commune est parmi les plus riches de la wilaya d'Alger, en matière de recettes fiscales et autres mais la compétence et l'engagement de ses représentants ont contribué aussi et grandement à son développement rapide. A Dar El Beida, le problème d'hygiène publique ne se pose pas : les citoyens disposent de toutes les commodités nécessaires pour un cadre de vie meilleur. Ce qui n'était pas le cas, il y a quelques années. Le P/APC, Lyes Gamgani, a su réunir ses collaborateurs mais aussi les citoyens de toutes les cités et quartiers de la commune, autour d'un même idéal: faire de Dar El Beida une grande ville, propre et florissante. Un pari presque gagné, quoique des problèmes d'un autre ordre persistent, qui dépassent les prérogatives du maire, voire de la wilaya et du ministère de l'Intérieur et des collectivités locales. Dans d'autres communes, les élus évoquent des budgets réduits pour fuir leurs responsabilités: «les problèmes sont nombreux et avec le peu d'argent dont nous disposons, nous ne pouvons pas faire grand-chose». Un argument peu convaincant. «Ce n'est pas vrai. Toutes les communes sont dotées d'un budget conséquent, de façon à répondre convenablement aux revendications des citoyens. S'il y a défaillance, celle-ci relève d'un manque d'engagement des élus, peut-être même de leur incompétence» accusent des citoyens, proches des institutions supérieures. Dans de nombreuses communes à travers le pays, la communication fait défaut entre les élus et les citoyens, alors qu'en parallèle, les problèmes s'amplifient et menacent l'équilibre même de chaque individu. Des élus tournent le dos aux revendications et des citoyens laissent faire, évitant un «accrochage inutile» jusqu'à ce que les problèmes en suspens leur explosent à la figure: effondrement d'une bâtisse en ruine, désoeuvrement et clochardisation de toute une population de jeunes, vols et agressions, manifestations de colère citoyenne, coupures de routes…etc. Les élus ferment les portes, assis bien tranquilles dans leurs bureaux, en attendant le lancement officiel de la campagne pour les élections législatives et communales.