Photo :S. Zoheir Par Karima Mokrani «Comité de ville» ou coville, peu de citoyens en entendent parler. Censé être un espace de dialogue ouvert sur tous les problèmes de la ville, créé sur initiative de l'ancien wali d'Alger, Abdelmalek Nourani, ce cadre de gestion participative n'a réussi que dans quelques communes Les citoyens peu intéressés Ce n'est pas pour cause de problèmes d'organisation, encore moins faute de moyens matériels et de temps. Cela ne demande pas grand-chose. La principale raison en est que la grande partie des citoyens ne s'y implique pas. Peut-être qu'ils ne se sentent pas concernés ou qu'ils ne veulent pas s'encombrer de problèmes qui ne les touchent pas directement. Après tout, pensent-ils, c'est aux responsables locaux de se débrouiller pour trouver des solutions aux problèmes posés. Les responsables locaux profitent de ce désintérêt et donnent raison aux citoyens qui leur laissent toute la responsabilité de s'occuper des questions du «développement de la ville». Eux non plus ne veulent pas s'encombrer de problèmes, particulièrement relationnels avec la société civile – si société civile il y a. Les canaux de communication s'obstruent, le dialogue social s'effrite. Les problèmes s'accumulent et s'accentuent, au grand désarroi des deux parties. Les dernières émeutes qui se sont déclarées dans plusieurs villes du pays ont montré le grand écart entre les gestionnaires de la collectivité locale et les citoyens. A tel point que des jeunes en colère s'en sont pris directement à des sièges d'APC et autres institutions représentant les pouvoirs publics. Les covilles ont été alors remis en marche, beaucoup plus en application d'instructions émanant de hauts responsables de l'Etat, à leur tête le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, que sur décision des maires ou des représentants de la société civile. La relance de ces covilles est en soi une bonne chose. Force est de reconnaître toutefois que, mis à part quelques communes où l'on constate l'implication réelle du mouvement associatif dans la gestion des problèmes de la ville, encouragé en cela par l'implication du maire lui-même et de ses collaborateurs, ailleurs, les problèmes d'emploi et de logement prédominent dans les discussions parfois violentes entre les citoyens et les élus. «Ce sont toujours les questions de l'emploi et du logement qui reviennent et cela ne dépend pas de nous. Ça ne fait pas partie de nos prérogatives», indiquent des élus de deux communes de l'est d'Alger. Deux communes qui souffrent sérieusement du problème d'habitat précaire et subissent les conséquences de l'informel sans avoir les moyens de le contrecarrer. «Les décisions sont centralisées au niveau de la wilaya. C'est elle qui décide du lancement des projets, de l'attribution des marchés… A notre niveau, nous ne pouvons rien faire d'autre qu'arrêter la liste des bénéficiaires», explique un élu, dégageant la responsabilité de l'APC dans la distribution des logements (sociaux, LSP ou autres). «Quant aux emplois, il faut d'abord les créer, et cela ne peut se faire sans la relance de l'activité économique dans la commune. Nous n'avons pas d'entreprises économiques et celles qui existent ont leurs problèmes». Prérogatives restreintes Nos interlocuteurs affirment être de simples exécutants en ce qui concerne ces deux problèmes, sur lesquels ils sont constamment interpellés par les citoyens. «Nous avons des idées pour changer les choses, mais on ne nous laisse pas faire notre travail. Nos prérogatives sont restreintes», se plaignent deux d'entre eux. Et un autre de lancer : «Vous m'enlevez mes prérogatives et vous me condamnez. Je ne suis pas d'accord.» Une phrase qui s'adresse aux décideurs au niveau de la wilaya. Autrement dit, il ne sert à rien d'aborder ces deux questions lors des réunions des covilles, si l'on tient compte des propos des élus. Sauf s'il y a une révision concrète des textes de loi, leur donnant plus de prérogatives et de pouvoirs de décision et d'action : «Il faut que le code communal soit revu pour plus de prérogatives pour les maires.» Pour le moment, les discussions au sein du coville doivent se limiter, sommes-nous tentés de dire, au nettoyage, au désherbage, à l'éclairage public, à l'assainissement, au raccordement aux réseaux de gaz et d'électricité, à l'alimentation en eau potable, à l'état des routes, au transport, aux aires de jeu… Tout sauf l'emploi et le logement. C'est tout de même important, mais seulement aux yeux d'une minorité de personnes.Voilà pourquoi les citoyens s'intéressent peu à ce genre de rencontres malgré les tentatives des maires et autres élus de les rapprocher d'eux… à l'approche de la campagne électorale pour les communales et les législatives. Le coville semble être plus un espace de dialogue conjoncturel (contenir les manifestations de colère, séduire les électeurs…) qu'un moyen de contribuer efficacement au développement et à la modernisation de la ville.