«En juin 1965, il n'y avait pas de coup d'Etat. C'était plutôt la conséquence des déviations du Congrès de 1964, qui n'avait pas respecté les orientations du Congrès de Tripoli. C'est exactement ce qui se passe actuellement, avec le 9e Congrès.» C'est ainsi que Salah Goudjil, coordinateur du Mouvement de redressement et d'authenticité du FLN résume la situation de son parti. On peut ne pas être d'accord avec lui – notamment sur la définition de ce qui s'était passé le 19 juin 1965 – mais l'ancien ministre, qui a accompagné le parti depuis le fameux Congrès de la capitale libyenne qui avait consacré la dictature du parti unique, sait de quoi il parle.Lorsqu'il a prononcé cette phrase, Salah Goudjil et ses compagnons ont déjà franchi un pas de géant vers un aller sans retour dans la crise qui secoue, depuis bientôt une année, le parti que gère dans la tourmente Abdelaziz Belkhadem. Les observateurs, ceux qui s'intéressent de près à cette crise multidimensionnelle que vit ce parti, qui crée volontairement la confusion entre la formation politique d'aujourd'hui et le large rassemblement qui avait conduit à la libération du pays il y a de cela près de 50 ans, se posent désormais la lancinante question de savoir comment va se comporter le FLN lors des élections de 2012.Il faut dire que les problèmes que vit le parti que préside Abdelaziz Bouteflika ne sont pas si simples. Traversé par des courants divers et miné par des luttes de positionnement, le parti de Front de Libération nationale est un ring à ciel ouvert. Un vaste théâtre où se bousculent les caciques et les jeunes cadres, les conservateurs et les modernistes et, pis encore, les corrompus contre les partisans d'une pratique politique saine. Plusieurs oppositions à Belkhadem Les adversaires de Abdelaziz Belkhadem, dont la tête est désormais «mise à prix», sont extrêmement nombreux. S'ils ne se sont pas présentés contre lui lors du Congrès de avril 2010, ils se manifestent désormais à visage découvert pour réclamer son départ. Ils jugent que son action est à contresens des statuts et règlements du parti. On trouve d'abord le Mouvement de redressement et d'authenticité. Coordonné par Salah Goudjil, ancien ministre et actuellement député, le groupe compte des figures connues du parti. On reconnaît aisément Abderrachid Boukerzaza, longtemps secrétaire général de l'Union nationale des la jeunesse algérienne et ancien ministre, Mohamed-Seghir Kara, ancien ministre du Tourisme, ambassadeur et actuellement député de Bouira, Abdelkrim Abada, ancien dirigeant du parti et même des ministres en poste. Puis que le ministre des relations avec le Parlement, Mahmoud Khedri et le ministre de la Formation professionnelle, El-Hadi Khaldi, longtemps catalogué dans l'aile «islamiste» du FLN. Ces responsables, auxquels se sont joints d'autres relativement connus du grand public revendiquent «les bases militantes». Dans cette opposition, il n'y a pas que ceux qui s'affichent publiquement. A regarder de loin, on s'aperçoit que les députés de l'Assemblée populaire nationale ne sont pas tous «légalistes», terme qui désigne ceux qui se sentent toujours loyaux au secrétaire général. Le groupe parlementaire du FLN, que préside depuis le début de la législature Layachi Daâdouaâ, n'est en fait qu'une mosaïque de députés qui donnent l'impression de n'appartenir à aucun parti politique. «Je suis contre Belkhadem. Mais, je ne suis pas non plus avec Goudjil», a reconnu récemment un vieux député de l'ancien parti unique. L'homme a toujours été député depuis l'indépendance. Comme lui, ils sont nombreux à partager ce sentiment. Sont-ils de vrais opposants ou sont-ils des opportunistes ? «Il y a les convaincus, ceux qui pensent que Belkhadem doit partir. Ceux-là, nous les soutenons, même s'ils ne sont pas forcément avec nous. Mais il y a ceux qui attendent les élections. Ces derniers n'engagent qu'eux-mêmes», a répliqué, récemment, Mohamed-Seghir Kara, chargé de communication au mouvement de redressement. Place électorale compromise Dans cette bataille à plusieurs antagonistes, les militants du vieux parti sont un enjeu de taille. Chacune des parties crient à qui veut l'entendre qu'elle a avec elle la base militante. Pour le démontrer, Abdelaziz Belkhadem a convoqué un meeting populaire à la Coupole du complexe olympique Mohamed Boudiaf d'Alger. Il y avait des milliers de personnes, dont une majorité de jeunes, ce 30 octobre. Mais fait inédit : la foule quitte la salle dès le début du discours du secrétaire général. Du côté des redresseurs, on chante la même rengaine. Mais personne n'a réellement organisé d'élection ou Congrès pour connaître la température de la base.Pour sortir de cette impasse qui perdure alors que les échéances électorales approchent, les dirigeants du mouvement de redressement prennent l'initiative. Ils préparent soit un Congrès – extraordinaire –soit une action en justice pour déloger l'actuel secrétaire général du parti. Pour aller vite, ils prévoient même de commencer à préparer cette échéance organique qui est le congrès à partir de la fin de l'année en cours. Dans tous les cas de figure, ils brandissent la menace de constituer des listes électorales indépendantes dans le cas où les démarches de conciliations entamées avec la direction du parti n'aboutissent pas.Dans cette bataille interne s'est greffée une «menace» extérieure. Des députés et des personnalités de tous bords réclament la mise «du FLN au musé». Ils estiment que le Front de Libération nationale appartient à tous les Algériens. Fait banal, lorsqu'on sait que le premier à avoir osé demander la dissolution de ce parti était le défunt Mohamed Boudiaf. L'ancien président du haut comité d'Etat en avait la légitimité, lui qui avait fait partie du petit groupe qui avait créé le FLN en 1954. La thèse n'est pas forcément partagée dans les milieux militants. Mais des responsables comme Salah Goudjil ne mélangent pas entre le FLN historique et le Parti FLN. Pis, le député pense que «les temps et les hommes ont changé». Autrement dit, le FLN d'hier n'est plus celui d'aujourd'hui. Autrement dit, un parti condamné à se transformer. Parce que «actuellement, le FLN n'aura jamais la majorité s'il se présente en 2012 sous la configuration actuelle et dans des élections transparentes», pour reprendre un jugement d'un ancien militant du parti. Illustration de cette descente aux enfers d'une part qui a gouverné le pays depuis l'indépendance : le président du groupe parlementaire des indépendants à l'Assemblée populaire est membre du Comité central du FLN. A. B.