Crise, lutte de leadership, conflit d'intérêt, divergence, dissidence, déviation de la ligne, non-conformisme, mouvement de contestation, mouvement de « redressement des redresseurs » du FLN... Les mots ou plutôt les qualificatifs diffèrent entre l'article de celui-ci et le commentaire de celui-là, entre ce journal et l'autre, mais ils veulent dire, en réalité, la même chose : rien ne va plus dans la maison FLN. Ce parti d'Etat a défrayé la chronique de l'été et continue à faire les unes des quotidiens nationaux. Les lectures divergent et les analyses se contredisent. La question de la réunification des rangs de l'ex-parti unique, posée suite à la décision de justice d'invalider le huitième congrès, comme pierre angulaire du mouvement de redressement, « patine » sur un sol mouvant. Après la victoire arrachée des mains des pro-Benflis, les redresseurs s'entredéchirent, enfonçant le « front » dans une crise qui ne dit pas son nom. Le départ de Benflis et la tenue à l'écart des plus engagés avec lui, la démission de Karim Younès de la présidence de l'APN et la récupération des redresseurs des clés du parti, tous ces événements, considérés, dans un premier temps, comme prémices d'un dénouement rapide de la crise, n'ont pas donné l'effet recherché. Rescapé d'une lutte clanique terminée à la faveur des résultats de la présidentielle, le FLN s'embourbe à nouveau dans une crise intestine. L'onde de turbulence passe, cette fois-ci, entre les « irréductibles redresseurs », conduits par Amar Tou, et le coordinateur du parti, Abdelaziz Belkhadem. La dissidence née au sein du mouvement de redressement conteste la composante de la commission nationale de préparation du huitième congrès bis. Abada contesté C'est en fait la présence dans cette commission des pro-Benflis qui a soulevé le courroux de ces « éradicateurs ». « On n'est pas contre Abdelaziz Belkhadem, mais nous refusons que des pro-Benflis, qui étaient derrière l'échec du huitième congrès, aient des postes de responsabilité et soient propulsés sur le devant de la scène. Nous traduisons par là la volonté de la base. Et nous refusons que cette volonté soit confisquée », a attesté hier Tayeb Yenoun, l'un des acteurs de cette dissidence et porte-voix des coordinations de wilaya du parti. M. Yenoun dit que « ce mouvement de redressement des redresseurs veut s'assurer que le parti se relancera sur des bases solides et en finira avec les pratiques antistatutaires qui foulent au pied la volonté de la base. Nous avons mené tout ce long combat pour remettre le parti sur les rails, et nous ne tolérerons plus maintenant les mêmes erreurs ». Pour lui, « Belkhadem avait commis une erreur monumentale lorsqu'il a désigné des pro-Benflis à la commission de préparation du congrès. Abdelkrim Abada est l'un de ceux qui ont préparé le huitième congrès. Cet homme a failli à sa mission et n'a pas à mettre la main à la pâte une seconde fois. Il n'est plus crédible. Il doit être écarté définitivement de la direction, comme d'autres ». Depuis, les contestataires appellent à un dialogue franc avec les cadres du parti, à leur tête Belkhadem. Une cellule de crise a été mise sur pied. Elle a, selon Yenoun, pris déjà attache avec trois ministres. Elle a adressé également une demande d'audience à Belkhadem mardi dernier. Les coordinateurs de wilaya attendent sa réponse. Et au cas où il refuserait de les rencontrer, ils annonceront dans la réunion prévue à Tizi Ouzou, dans une dizaine de jours, l'installation d'une commission nationale parallèle de préparation du huitième congrès. « Nous lui donnons la chance de se rattraper. S'il la rate, qu'il assume les conséquences de tout ce qui en découlera plus tard. Nous ne reculerons pas », a clamé Yenoun d'un ton menaçant à l'égard de Belkhadem. Rude épreuve Devant cette agitation de la « dissidence du FLN », les cinq sous-commissions installées par Belkhadem poursuivent leur travail en toute sérénité. Hier, au siège national du parti, deux commissions se sont réunies. Il s'agit de la commission de politique générale présidée par Abdelkader Hadjar et celle chargée de la préparation du 50e anniversaire du parti chapeautée par Salah Goudjil. Cette dernière s'est penchée sur l'élaboration d'un rapport rétrospectif du parcours du FLN qui sera soumis aux militants et congressistes. Abderrahmane Belayat, vice-président de cette commission, trouve que la crise qui perdure au FLN « n'est pas mortelle ». « Elle ne trouble pas notre quiétude », a-t-il dit. Quant au contesté, Abdelkrim Abada en l'occurrence, « le mouvement de contestation n'entrave en rien le travail des sous-commissions ni même les préparatifs du huitième congrès ». D'ailleurs, a-t-il ajouté, Belkhadem procédera à l'installation des commissions de wilaya, qui éliront les congressistes la semaine prochaine. Dans la foulée, et compte tenu de l'opposition des 48 coordinateurs de wilaya à la démarche de Belkhadem, ce dernier sera mis à rude épreuve. En tout cas, Yenoun dit que « si Belkhadem installe ses commissions, nous aurons les nôtres et nous irons à un congrès parallèle. Nous ne reculerons pas sur nos acquis. Le mouvement est né des entrailles de la base militante et n'appartient à personne. Et il ne s'essoufflera pas sous l'influence et la pression. Seule la satisfaction de nos revendications et nos exigences permettra au parti de retrouver sa stabilité et son équilibre ». L'intransigeance de ces « inflexibles redresseurs » risque de créer une situation de crise sans précédent. La tenue par ces derniers d'un congrès parallèle mettra, une nouvelle fois, le FLN dans une situation illégale vis-à-vis de la loi, car cette formation se retrouvera avec deux directions. Belkhadem saura-t-il gérer la crise ?