Le roi du Maroc, Mohammed VI, a nommé, hier, au poste de Premier ministre, Abdelilah Benkirane, le chef du Parti justice et développement (PJD), dont la formation a obtenu 107 des 395 sièges lors des élections législatives anticipées du 25 novembre. Le PJD fait donc sa première entrée dans un gouvernement, et va ainsi, pour la première fois, diriger un gouvernement de coalition, sous l'examen du roi, comme le stipule la Constitution récemment amendée. Proposée par le roi et adoptée par référendum en juillet, la nouvelle Constitution prévoit, en effet, que le souverain désigne le chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections législatives. Le roi Mohammed VI cède une partie de son pouvoir constitutionnel, tout en restant le maître du jeu politique. Commandeur des croyants, le monarque demeure l'ultime arbitre en tant que chef de l'Etat et conserve de fortes prérogatives, notamment en matière de justice, sécurité et défense. La nomination de Benkirane à la tête du gouvernement devrait mettre à rude épreuve le mouvement islamiste proche de l'establishment. A l'issue des élections, le PJD a plus que doublé sa représentation parlementaire, qui était de 47 députés dans l'ancienne Chambre qui en comptait 325. Trois partis de l'actuel gouvernement, l'Istiqlal (60 sièges), le Rassemblement national des indépendants (52 sièges) et l'Union socialiste des forces populaires (39 sièges), se sont dits ouverts à des consultations avec le parti islamiste. Et Le PJD ne pouvant gouverner seul, les spéculations vont bon train sur la composition du nouveau cabinet. Selon les médias locaux, une réunion se serait tenue au sein de la coalition, qui regroupe trois partis qui étaient au gouvernement sortant, pour arrêter une position commune. Créée en 1992 pour appeler à une réforme de la Constitution, cette coalition est formée de l'Istiqlal, de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et du Parti du progrès et du socialisme (PPS, ex-communiste). Ces trois partis détiennent 164 sièges dans le nouveau Parlement. Avant sa nomination, Abdelilah Benkirane a adopté un ton plus ouvert à l'égard du Mouvement du 20 Février, né dans le sillage du printemps arabe, et qui a appelé au boycott des législatives, les considérant comme «pilotées» par le Palais. Ce mouvement de contestation populaire, regroupant les islamistes (non reconnus) de l'association Al Adl Wal Ihsan (justice et bienfaisance), des jeunes indépendants et des partis de gauche, a ainsi appelé ses activistes à reprendre leurs manifestations dans tout le Maroc. Après l'annonce des résultats du scrutin, le PJD a invité les «frères» d'Al Adl Wal Ihsan à revoir leur position de rupture à la lumière de la nouvelle donne politique induite par les législatives. Les revendications des partisans du boycott sont maintenues : une monarchie parlementaire réelle et une disparition immédiate des figures corrompues du régime politique marocain. L'un des défis principaux du gouvernement Benkirane sera justement de trouver un terrain de négociation avec le Mouvement du 20 Février. M. B.