L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) s'est engagée mercredi dernier à Vienne, au terme d'une réunion tout à fait ordinaire, à maintenir la production de ses douze membres à son niveau actuel de trente millions de barils par jour (mbj). Ce faisant, l'Opep n'a fait que formaliser des chiffres, sa surproduction, qui tourne aujourd'hui autour de 28 millions de barils par jour. En effet, les onze pays membres de l'organisation viennoise soumis à des quotas (l'Irak en est exclu) ont pompé en novembre près de 28 mbj, alors que leurs quotas – inchangés depuis trois ans – étaient fixés à 24,84 mbj, un volume décidé en Algérie en 2009. Ils veulent préserver le niveau des prix du baril au-dessus de 100 dollars, en établissant un objectif de production correspondant à ce qu'ils pompent actuellement pour ne pas donner l'impression d'inonder le marché d'or noir en dehors de toute limite, relèvent des experts. Un objectif réalisable ? Le contexte demeure difficile, et l'Opep et l'Agence internationale de l'Energie (AIE) le confirment : elles ont révisé en forte baisse mardi dernier leurs prévisions de demande énergétique mondiale pour 2012, sur fond de net ralentissement de la croissance économique. Reste à savoir si le plafond de production visé est respecté, certains pays vont devoir réduire leur production pour laisser de la place au retour du pétrole libyen. C'est dire que la conjoncture pétrolière est cruciale actuellement et que des éléments nouveaux entrent en jeu. La production de la Libye, interrompue pendant le conflit, a redémarré de façon fulgurante depuis septembre : elle a déjà atteint un million de barils par jour, et devrait augmenter de 600 000 barils quotidiens supplémentaires d'ici à juin, a annoncé El-Badri, secrétaire général de l'Opep. Ce qui suppose que d'autres pays réduisent parallèlement leur offre d'autant, pour qu'il y ait équilibre. Cela est-il possible ? L'Arabie saoudite a fortement augmenté sa production, en janvier dernier, pour compenser la pénurie de brut libyen. Aujourd'hui que la donne a changé, elle serait censée réduire son offre de un mbj. Va-t-elle le faire réellement ? Des experts en doutent. Selon les estimations, l'Arabie saoudite produisait, il y a quelques mois, 8,3 millions de barils, ce n'est pas peu. Le fait que l'Arabie saoudite évoque un relèvement de l'offre apaiserait la panique sur les marchés pétroliers. Et du coup, la bulle pétrolière se dégonflerait. Une intervention officielle de tous les membres de l'Opep pourrait enrayer une tendance haussière des cours. Mais l'Opep essaye de trouver une solution durable aux marchés, car rien n'indique que ce qui s'est passé en Libye et dans d'autres pays pétroliers ne s'étende pas à l'Arabie saoudite et au Koweït, deux importants pays producteurs de pétrole. Ce pourquoi, d'ailleurs, des spécialistes jugent que le calme relatif sur les marchés, fruit des efforts de l'organisation pétrolière, pourrait être de courte durée. En tout cas, l'Opep a toujours affiché sa disponibilité à faire face aux perturbations des marchés, sans que des pays consommateurs ne le lui demandent. Elle opère un équilibre dans l'offre pétrolière, pour éviter que les prix n'atteignent des pics nuisibles à la croissance de l'économie mondiale. L'organisation viennoise en est consciente. Les craintes évoquées par les pays développés au sujet de la croissance sont légitimes, surtout que la reprise de l'économie mondiale reste fragile et que certains pays, notamment de l'UE, sont confrontés à d'énormes difficultés (dette publique, financement de l'économie, manque de crédit…). D'évidence, quand les cours du brut augmentent, les prix à la pompe aussi. Mais ce n'est pas tout, les coûts des entreprises augmentent, le pouvoir d'achat des ménages s'effrite et les investissements se compliquent. Ce sont là autant de sources d'inquiétudes mises en avant par l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Cette dernière se dit «très inquiète de l'impact potentiel pour la croissance mondiale si les prix restaient à ce niveau élevé pendant une longue période». Elle estime que «si les prix du pétrole restaient à cent dollars le baril en moyenne durant toute l'année 2011, les dépenses pétrolières seraient équivalentes à 5% du PIB mondial». Y. S.