La France officielle ne commémore pas le 50e anniversaire du cessez-le-feu de la guerre d'Algérie. Le 29 janvier dernier à Perpignan devant un rassemblement de pieds noirs et de harkis, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a lu un message de Nicolas Sarkozy dans lequel le président français écartait toute idée de faire du 19 mars une journée officielle de commémoration. Et comme une piqure de rappel, le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, Marc Laffineur, a rendu public, vendredi dernier, un communiqué pour confirmer la position du pouvoir politique. Pour le gouvernement français : «Si le 19 mars évoque la joie du retour de militaires français dans leurs familles, il marque également l'amorce d'un drame pour les rapatriés, contraints au déracinement, et le début d'une tragédie pour les harkis, massacrés dans les semaines qui suivirent, au mépris des accords d'Evian.» Il estime que «loin de raviver les mémoires, le 19 mars est une date qui les divise et ravive les plaies profondes d'une page douloureuse de l'histoire récente de France». D'où : «Par respect pour ces victimes et leurs familles encore en vie aujourd'hui, la Nation ne peut et ne doit se rassembler en ce jour anniversaire.» Le communiqué se conclut en précisant que «la date officielle de l'Hommage aux morts pour la France durant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie reste fixée au 5 décembre.» Ce choix ne correspondant à aucune date historique de la guerre d'Algérie. Il est celui qui a vu Jacques Chirac, alors président, inaugurer en 2002 le Mémorial du quai Branly à Paris. Intervenant en pleine campagne électorale présidentielle, la non célébration du 19 mars correspondant à la position de quelques associations de rapatriés et de harkis. Ce qui fait dire au quotidien l'Humanité que «Nicolas Sarkozy, président mais surtout candidat à la présidentielle, effectue là un appel du pied à l'électorat des rapatriés» d'Algérie. Un appel du pied ignoré par la Fnaca ( Fédération des anciens combattants d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie) qui, comme chaque année, organise cet après-midi un rassemblement au Mémorial du quai Branly, suivi d'une remontée des Champs Elysées jusqu'à l'Arc de triomphe où sera ravivée la flamme sur le tombeau du soldat inconnu. La Fnaca, qui revendique 358 000 membres, défend depuis des décennies la date anniversaire du 19 mars 1962 pour rendre hommage aux soldats français morts durant la guerre coloniale «pour la plupart des appelés». «Sans porter de jugement collectif sur ce drame», déclarait son président dans le numéro hors série du Monde sur les Accords d'Evians, Guy Darmanin, «la Fnaca a choisi le cessez-le-feu qui est la date historique. Cette date, précisait-il, a été approuvée par 90,8% des Français de métropole à l'occasion du référendum organisé par de Gaulle le 8 avril 1962». Autour de la célébration ou non du 19 mars 1962, c'est un véritable affrontement de mémoires qui «masquent un débat idéologique sur la signification à donner à la guerre d'Algérie» estimait le 1er octobre 2000, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants de l'époque, le socialiste Jean-Pierre Massenet. Cet affrontement a pris de l'ampleur à partir du 18 octobre 1999 lorsque fut reconnu, que ce qui s'est passé en Algérie de 1954 à 1962 est «une Guerre» mettant ainsi fin à une guerre sans nom. Il devenait alors possible de trouver une date pour marquer la fin de l'ultime guerre de l'empire colonial français. Des députés de gauche, comme certains de droite, ont déposé plusieurs projets de loi pour officialiser le 19 mars. Cédant aux pressions des anti-19 mars, le gouvernement socialiste dirigé par Lionel Jospin laissa la situation en état. Jacques Chirac, réélu président en 2002, en obtenant dans la foulée une majorité parlementaire, opta alors pour le 5 décembre accepté par le mouvement associatif, sauf la Fnaca qui persiste depuis, pour obtenir la date du 19 mars. Comme pour signifier que le dossier n'est pas clos, et prolonger le combat de la Fnaca, le groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) du Sénat a décidé, il y a quelques jours, de déposer une nouvelle proposition de loi visant à faire du 19 mars la date officielle de la commémoration de la fin de la guerre d'Algérie. Dans un communiqué annonçant son initiative, le CRC estime qu'il «n'est en effet pas acceptable qu'une date dénuée de sens -le 5 décembre- ait été imposée en 2003 par Jacques Chirac à l'instigation des nostalgiques de l'Algérie française».