Il existe en France plus de 3 620 rues, places ou boulevards portant la dénomination du «19 Mars 1962». La France officielle continue de cultiver l'art de la déformation de l'Histoire. Sinon, comment explique-t-on le fait que 45 ans après les Accords d'Evian, mettant fin à la Guerre d'Algérie, le gouvernement français refuse encore de reconnaître, officiellement, la date du 19 Mars 1962? En Hexagone, la date officielle de la journée nationale de l'hommage aux morts pour la France pendant la Guerre d'Algérie et les combats au Maroc et en Tunisie, coïncide avec le 5 décembre de chaque année. Pourtant, cette date est dénuée de toute signification historique. Elle ne correspond en fait qu'à celle de l'inauguration par le président français, Jacques Chirac, du Mémorial national du quai Branly à Paris, le 5 décembre 2002. En dépit de cet état de fait, certaines associations françaises célébreront tout de même le 19 Mars 1962, date qui reste indélébile dans la mémoire algéro-française. Une illustration parfaite est celle de l'Arac (Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre) qui appelle l'ensemble de ses adhérentes et adhérents, «tous les pacifistes, tous les partisans de l'amitié et de la solidarité avec le peuple algérien, à être dans l'unité, massivement présents aux cérémonies commémoratives du 45e anniversaire du 19 Mars 1962». En effet, dans un appel diffusé hier sur Internet, cette association estime qu'en agissant ainsi, elle entend contribuer au développement de la solidarité et de la coopération entre les peuples de France et d'Algérie. «Cette reconnaissance permettra une prise en considération des faits réels qui ont marqué ce conflit, levant ainsi nombre d'obstacles qui s'opposent à cette solidarité et à cette coopération» lit-on dans le communiqué. Aussi, l'Arac ne manque pas, par là même, de dénoncer la loi du 23 février 2003 qui, «affirme la volonté officielle de faire disparaître la commémoration du 19 Mars 1962 au bénéfice d'un 5 décembre sans attache historique avec la guerre d'Algérie». Par ailleurs, l'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, estime que cette loi tend à réhabiliter un colonialisme «qui ne peut que favoriser les résurgences des nostalgiques, du fascisme, des criminels de la sinistre OAS qui relèvent la tête et glorifient par stèle les assassins justement châtiés par la justice républicaine». Une autre association, portant les mêmes revendications, vient de se joindre à l'Arac. Il s'agit de la Fnaca (Fédération des anciens combattants d'Afrique du Nord), qui n'a de cesse de demander à ce que la date du 19 mars 1962 soit institutionnalisée comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes de la Guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Selon cette fédération, il existe aujourd'hui en France plus de 3 620 rues, places ou boulevards portant la dénomination du «19 Mars 1962». Ceci atteste en effet, d'un certain désaccord qui caractérise la scène politique française quant à cette date d'une haute signification historique aussi bien pour la mémoire algérienne que française. Il est aujourd'hui, plus que jamais nécessaire aux autorités françaises de reconnaître, officiellement, cette date qui, pour les Français, célèbre la fin de la guerre d'Algérie, et la fin de la nuit coloniale pour le peuple algérien.