Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani
«Ils se rappellent qu'ils existent juste avant les échéances électorales pour nous bassiner avec leur littérature à laquelle personne ne croit plus, tant les promesses faites par le passé sont restées à l'état de promesses. Ces partis politiques qui font des “apparitions” pour se donner bonne contenance vis-à-vis des citoyens qu'ils ont abandonnés cinq années durant reviennent, mais personne n'est dupe et on sait qu'ils veulent juste profiter des avantages liés à la fonction élective, sinon comment expliquer que la plupart d'entre eux ont versé de l'argent pour être tête de liste ?» C'est ce que nous ont répété, hier, de jeunes universitaires rencontrés sur le Cours de la Révolution à Annaba.Dubitatifs et blasés, ces derniers ne veulent plus de ces politiques qui les prennent pour des tarés, faciles à manipuler et à emballer. Certains parmi eux disent qu'ils ne croient plus en rien et que la classe politique actuelle s'est pervertie par le fait que ce sont toujours les mêmes qui se présentent comme candidats. Le même sentiment est partagé au niveau des quartiers populaires où l'absence des politiques est remarquée, des politiques qui ne vivent pas les mêmes problèmes que les citoyens, qui ne s'y intéressent pas et qui verrouillent leurs représentations locales dont les activités se limitent à la tenue de réunions à huis clos pour décider des listes des candidatures. On n'a pas vu des responsables de partis, des militants ou même des associations dites représentatives de la société civile approcher les citoyens qui protestent et manifestent quotidiennement devant le siège de la wilaya ou devant les APC pour discuter avec eux, essayer de les comprendre et leur expliquer des vérités pas facile à dire mais qui le sont et qui ne peuvent être changées du jour au lendemain. C'est toujours l'Etat qui est pris à partie, qui est honni et dont les responsables locaux sont voués aux gémonies et traités de tous les noms avec parfois des dépassements et des débordements qui amènent l'intervention des services de sécurité pour rétablir l'ordre. Des interventions très critiquées en aparté par ces mêmes partis politiques qui jouent sur les 2 tableaux : d'un côté, ils adhèrent pour l'ordre et la sécurité et de l'autre, ils ne veulent pas se mettre à dos les protestataires qui constituent pour eux un vivier électoral. Ce double jeu des politiques est malsain et pervertit la relation entre les différents acteurs qu'ils soient représentants de l'administration publique, de formations politiques ou de simples citoyens. Le capital confiance déjà sérieusement entamé par certains comportements fond comme neige au soleil, et les citoyens abandonnés à leur sort et ne croyant plus personne ont recours à des actions violentes et répréhensibles. Ce ne sont pas les discours flatteurs et occasionnels auxquels assistent généralement des rentiers et des flagorneurs intéressés qui changeront quelque chose à la situation qui reste explosive, malgré les tentatives de certains analystes «éclairés» de minimiser les risques.Le changement devrait venir des politiques au niveau local, des politiques qui devraient descendre de leur piédestal pour aller arpenter les quartiers populaires et être à l'écoute des populations pour comprendre leurs préoccupations quotidiennes et tenter de les résoudre. Mais pour cela, il faudrait que ce verrouillage, qu'ont adopté les instances locales de ces formations, saute, et ouvrir les portes toutes grandes aux compétences qui existent en leur sein. Or aujourd'hui, l'on assiste à un accaparement total des instances locales par un personnel politique qui a montré ses limites et qui continue à s'accrocher contre vents et marées sachant qu' à un niveau supérieur au sein de leur parti la situation est la même. Ils se maintiennent tous et se solidarisent pour barrer la route aux jeunes compétences, car, comment expliquer que des responsables locaux de partis sont imposés par leur direction politique malgré les dissensions et les sécessions qui apparaissent au grand jour. Les cas du FLN, du RND, du MSP, du FNA et de bien d'autres sont édifiants. Des listes de candidatures et de classements contestées et un mécontentement général des militants est étalé sur la voie publique. Il faut dire que la perversion a atteint des degrés intolérables pour les militants qui découvrent à chaque fois qu'ils sont là juste pour faire de la figuration et leurs voix n'ont pas droit au chapitre. Démissions collectives, listes indépendantes confectionnées ou candidatures sous les couleurs d'un autre parti tout aussi perverti parce que la «chkara» est toujours de mise. Comment est-ce possible qu'on paye des millions de dinars pour être placé en tête de liste des candidatures ? Est-ce que celui qui a payé pense vraiment à servir les citoyens et le développement, le doute est plus que permis pour ne pas dire que personne ne croit que ce type d'individus peut servir, au contraire, l'on est plutôt enclin à croire que ces tristes individus vont se servir.Dans cette fourmilière et cette agitation autour des élections, le «danger vert» avance inexorablement et gagne des points sur le terrain. Les islamistes, toutes tendances confondues, collent au citoyen lambda, ils sont avec lui, le soutiennent, lui prodiguent des conseils appuyés par des citations coraniques, lui apportent aide et assistance, se font très proches de lui et le travaillent au corps. Ils sont là, ils sont partout et peuvent mettre en déroute tous ces partis qui se targuent d'être démocrates et qui en réalité ne le sont guère au vu des pratiques dictatoriales devenues la règle dans leurs propres rangs. Un demi-siècle après l'indépendance on en est encore à des guéguerres de pouvoirs de la base au sommet, et on n'en sortira pas de sitôt.