Photo : Ouanezar De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar
Au local de l'association Civoeil, initiatrice et promotrice de l'événement, une animation inhabituelle règne. Des va-et-vient et une ambiance des grands jours sont de nouveau visibles au siège de cette association situé au 24, rue Abbane Ramdane, ex- boulevard des Chasseurs. La Biennale des arts contemporains atterrit de nouveau sur le sol d'El Bahia. Du 29 au 31 mars en cours, les férus de cette manifestation artistique et culturelle se familiariseront, de nouveau, avec les arts plastiques sous toutes leurs facettes. Le hall de la médiathèque municipale d'Oran est de nouveau revêtu des couleurs de la biennale. Des artistes étrangers sont déjà sur les lieux avec des expositions et des montages artistiques époustouflants.Cette année, la biennale nous revient avec de nouvelles thématiques et de nouvelles conceptions, tant sur le plan de l'organisation que sur celui de la méthodologie et de l'approche de travail. Des résidences artistiques sont ainsi prévues au profit des jeunes élèves de l'école des Beaux-arts et autres peintres et plasticiens algériens. Ainsi, les meilleurs élèves qui présentent des prédispositions pour ces activités, côtoieront ces artistes étrangers. C'est le cas pour Samta Ben, une artiste algérienne qui nous vient de Lyon, où est organisée l'une des plus grandes biennales d'Europe. Elle propose une résidence très animée autour des pratiques de montage et de collage. Fascinée par tout ce qui est mercerie, costumes traditionnels, mémoire et traditions, etc. Samta est une artiste complète au tempérament joyeux et jovial. Pour l'autre artiste lyonnais, Flye en l'occurrence, c'est le tumulte du conflit éternel entre l'ancien et le nouveau. Cet artiste à la sensation à fleur de peau, projette d'animer un projet extraordinaire en direction des enfants cancéreux : des ateliers de peintures interactives et récréatives qui permettent à l'artiste de rentrer en communion avec ces petits malades et dont certains sont déjà condamnés. Sur leur lit d'hôpital, ces enfants trouveront ces instants magiques pour exprimer à travers des pinceaux, des crayons et autres moyens, leur détresse, leurs espoirs, leurs vœux et leurs souffrances. A l'hôpital des cancéreux de Misserghine, ces enfants vivent avec l'amer sentiment de la disparition de leurs amis ou copains de chambre. «Il y a quelques jours, un enfant que nous avons vu à l'hôpital nous a quittés. Nous n'avons pas eu la chance de lui offrir ces instants que nous espérons bénéfiques pour ces petits enfants», notera Chaouch Ali Tewfik, président de la Biennale et de l'association des arts plastiques, Civoeil.Olivier Nottelet est un autre peintre contemporain de Lyon. Ses fresques et ses peintures sur murailles ont fait sa renommée. Sa prestation au CCF d'Oran a fait sensation. Ses installations sur les architectures et les structures lui permettent un mode d'expression singulier. «Peinture, masse en équilibre» semble être sa thématique primordiale. Pour Kamel Zireg, un plasticien algérien qui vient de Batna, un montage de structures est également au rendez-vous avec des surprises. Une opération d'envergure a été lancée par cet artiste, en collaboration avec des enseignants : la collecte de 6 000 bouchons de bouteilles en plastique, effectuée par des élèves d'écoles.Par ailleurs, cette année, la Biennale investira deux sites différents : d'abord, le hall de l'Hôtel de ville prêté généreusement par le président de l'Assemblée communale. Ensuite, la médiathèque qui accueillera le gros des manifestations et des installations. De son côté, le wali d'Oran, Abdelmalek Boudiaf, semble accorder une attention particulière à l'événement qui recèle des dimensions multiples, notamment dans le domaine de la promotion touristique. Mais pas seulement. La promotion de l'art et le brassage sont tout aussi importants aux yeux de M. Boudiaf qui a d'ailleurs préfacé le catalogue de la Biennale. De son côté, l'Office national des droits d'auteur et droits voisins (Onda) a apporté un précieux concours aux organisateurs de la manifestation. La nouveauté cette année, c'est l'ambition des organisateurs de créer un musée des arts contemporains à Oran. L'idée a germé depuis quelques années déjà, mais elle n'a jamais bénéficié d'une quelconque attention. Le vernissage de la grande exposition se déroulera demain à 10 heures à la médiathèque. Des conférences-débats seront animées par des artistes et des professionnels, notamment celle sur «l'art contemporain algérien» qu'animera Abdellah Ben Mansour, «l'art dans l'espace public» qu'animera la directrice de l'action culturelle de la mairie de Saint Ouen à Paris, Caroline Coll. Nadira Laggoun, doctorante en art, donnera, elle, une conférence sur le thème «l'art émergent et la jeune création contemporaine» alors que Hadj Tahar Ali fera une communication sur «le marché de l'art en Algérie». Une conférence-projection sur «l'historique des abattoirs» est également prévue au programme. Des spectacles artistiques et des premières musicales sont aussi programmés au théâtre de la ville ainsi que des circuits touristiques au profit des invités et des artistes de la biennale. M. O.
Portraits de trois artistes Olivier Nottelet, peintre de grandes fresques murales Ses peintures, bien qu'elles soient abstraites, ne sont pas dénuées de sens et de message. «Il y a des formes, des motifs et des dessins récurrents, qui reviennent comme pour souligner un message… des masques de fêtes, des pieds et des formes masculines comme pour souligner le pouvoir masculin. C'est à la fois absurde et drôle, mais avec des messages fougueux.» Flye, entre classique et contemporain Flye vit une sorte de tourmente joyeuse entre la peinture classique comme art à part entière, qu'il a aimée et qu'il pratique dans ses peintures sur toile, et l'art contemporain. L'artiste a adopté de nouvelles formes d'expression. Ce sont des fresques évolutives qui font partager à des tiers l'expérience de l'art. «Mes préoccupations sont de portée universelle. J'ai identifié quatre éléments dans ma démarche. Je baise un espace saint et je dépose mes installations… En fait, je ramène une petite fenêtre de liberté aux enfants… Il faut dépasser son cœur et son âme dans une interdépendance avec l'univers […]. Mes tableaux me prennent par la main. Peintre de chevalet, je ne me suis jamais imaginé dans ce registre. Je ne me pose pas la question. Je suis, aujourd'hui, dans des projets comme «Dépose ton rêve» ou «dis-le avec des dessins», confie-t-il. Chez Samta Ben Yahia, l'art est partout et en tout «Je suis là dans une ville, je me balade et je me promène. Et je prends la température de la ville où je me situe, comme à Constantine, ville de mon enfance. Je suis fascinée par la ville d'Oran. C'est un musée de patrimoine architectural à ciel ouvert.» Dans sa quête, Samta n'hésite pas à emprunter les formes, à décorer des bustiers, des robes traditionnelles. Chez Samta Ben, l'art est partout et en tout.
Chaouch Ali Tewfik pour la réhabilitation d'anciens lieux «Je suis amoureux de la médiathèque. C'est un lieu emblématique. C'est la rencontre du passé avec le présent. Mon rêve est de parvenir à réhabiliter un lieu ancien pour en faire un musée des arts contemporains. J'en suis capable. Regardez l'expérience du musée des Abattoirs, un lieu réhabilité et un espace réapproprié, fonctionnalisé et remis au service de l'art. Mon rêve c'est d'investir un lieu comme les écuries du palais du Bey ou encore l'Eglise Saint Louis. Ce sont des lieux qui se meurent et qui se détériorent à vue d'œil.»