En un demi-siècle d'indépendance, les Etats africains ont connu dans leur ensemble un interminable cycle de putschs et de guerres civiles qui les ont laissés à la traîne aussi bien du point de vue économique que social. Certains pays sont plus instables que d'autres et éprouvent d'énormes difficultés à endiguer les violences ethniques qui constituent un des facteurs d'instabilité sur le continent. Les dirigeants politiques jouent régulièrement sur ces rivalités pour prendre le pouvoir et continuer à gouverner un maximum de temps, pendant que les anciennes puissances coloniales poursuivent le bradage des ressources naturelles de ces pays. Mais certaines sous-régions de l'Afrique sont encore plus touchées par les guerres que d'autres. C'est le cas de l'Afrique de l'Ouest qui vit au rythme des coups d'Etat et des guerres civiles qui entraînent des situations humanitaires des plus dramatiques. En Côte d'Ivoire, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Sierra-Léone, au Libéria, au Nigeria ou au Sénégal, pour ne citer que ceux-là, l'insécurité et la guerre au pouvoir ont fait des centaines de milliers de morts, détruit le peu d'infrastructures économiques existantes et laissé des millions de personnes dans une situation humanitaire catastrophique. Ce qui n'a pas laissé indifférents certains dirigeants politiques qui se sont investis sur le terrain pour ramener la paix et la stabilité. Ainsi, la création d'organisations sous-régionales d'intégration économique et politique répond à ce besoin urgent de mettre fin à cette instabilité chronique. La naissance de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), regroupant ces pays, a donné un nouveau coup de pouce à la sous-région qui continue toutefois à patauger dans la boue, malgré les efforts des pays membres pour rattraper l'énorme retard enregistré en matière de développement économique et social. Quel rôle pour la Cédéao ? La Cédéao, union monétaire et économique créée en 1975, avait pour objectif principal de promouvoir la coopération économique au sein de ses pays membres, au nombre de quinze (la Mauritanie a quitté l'organisation en 2000). Mais cette coopération ne pouvait se réaliser en l'absence d'un minimum de conditions qui se résument en la stabilité politique, la paix et la sécurité. Si l'on remonte le fil du temps, on constatera que la majorité des pays-membres de la Cédéao ont connu une série de crises politiques et de guerre civiles ayant poussé cette organisation à revoir son fonctionnement et surtout son rôle dans la sous-région. Toute instabilité dans un pays-membre plonge toute la sous-région de l'Afrique de l'Ouest dans l'incertitude et la crise. La Cédéao a donc placé la paix et la sécurité régionale à la tête de ses priorités, en promulguant plusieurs textes. Dès 1978, un Protocole de non-agression a été adopté par la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement. En 1981, un Protocole d'assistance en matière de défense a été adopté devant la persistance des tensions internes au sein des pays de la sous-région. Mais c'est à partir des années 1990 que la Cédéao a accru son rôle d'acteur sous-régional pour la promotion de la paix et de la stabilité en s'impliquant davantage et d'une manière directe dans certains conflits armés et crises politique internes. L'Organisation ouest-africaine a carrément créé une force armée dite «Force de sécurité d'attente», l'Ecomog qui est intervenue au Libéria, en Sierra-Léone, en Guinée-Bissau et récemment en Côte d'Ivoire. Toutefois, la Cédéao a redoublé d'efforts sur le plan diplomatique en jouant le rôle de médiateur comme cela est le cas actuellement au Mali et en Guinée-Bissau ou durant la crise politique au Sénégal. Les représentants de la Cédéao ont pesé de tout leur poids pour tenter de convaincre les militaires putschistes maliens et bissau-guinéens de rétablir l'ordre constitutionnel dans leurs pays respectifs et de rendre le pouvoir aux mains des civils. Le Mali et la Guinée-Bissau ont connu en mars et début avril deux putschs militaires à la veille des élections présidentielles dans ces deux pays membres de la Cédéao. Cette organisation s'est opposée à ces putschs et a entamé aussitôt le processus de médiation, sous l'égide des Nations unies et de l'Union africaine. Elle a, par ailleurs, sanctionné le Mali et la Guinée-Bissau en gelant leur participation aux activités de l'organisation pour mieux peser dans les négociations avec les militaires putschistes et les contraindre ainsi à faire revenir leurs pays à la légalité constitutionnelle. La Cédéao avait eu un rôle déterminant dans le règlement de plusieurs crises politiques qui ont opposé le Nigeria au Sénégal durant les années soixante-dix, les deux conflits frontaliers de 1975 et 1985 entre le Mali et le Burkina Faso, la révolte touarègue au Mali et au Niger au début des années 1990, la crise ivoirienne en 1990 et en 2011, etc. La Cédéao est appelée à jouer à l'avenir un rôle grandissant dans la sous-région de l'Afrique de l'Ouest où la situation politique et sécuritaire s'est dangereusement dégradée ces dernières années et où la sécession menace un grand nombre des pays-membres, à l'exemple du Mali (révolte touarègue) et du Nigéria (conflit entre musulmans du Nord et chrétiens du Sud). L'incompétente Ligue arabe saura-t-elle tirer les leçons nécessaires pour jouer un meilleur rôle qui lui permettra d'être un appendice au service des tyrans et des intérêts occidentaux dans le Monde arabe ? L. M.