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Préparer «l'avenir que nous voulons» pour l'Afrique
Rio+20 et au-delà, les Africains à la recherche de solutions durables
Publié dans La Tribune le 24 - 04 - 2012

Il est rare qu'un chef de gouvernement s'exprimant à l'Assemblée générale des Nations unies soit applaudi au tout début de son discours. C'est pourtant ce qui s'est produit en septembre dernier lorsque le Premier ministre du Bhoutan, Jigmi Thinley, a pris la parole et annoncé qu'il allait parler du «bonheur». Que le Premier ministre évoque autre chose que les crises mondiales a immédiatement suscité la curiosité de l'auditoire.Le Bhoutan est le pays qui a convaincu l'ONU d'adopter une résolution sur «Le bonheur : une approche globale du développement». Cette résolution engage les pays à instaurer «les conditions politiques et socioéconomiques permettant aux citoyens de rechercher le bonheur dans un environnement stable».L'aspiration du Premier ministre – et de l'humanité entière – à un meilleur avenir sera une priorité en juin prochain lorsque plus de 50 000 personnes se réuniront, Rio de Janeiro, au Brésil, à l'occasion de la Conférence des Nations unies sur le développement durable. Surnommée Rio+20, la réunion donnera aux participants une rare occasion de convenir d'une nouvelle approche à suivre pour bâtir un avenir plus prospère et plus durable.

Payer la facture
Comme le remarquait récemment le magazine The Economist, ce sommet a reconnu que «la protection environnementale devait être intégrée à la promotion du développement plutôt que d'être surveillée après coup ; que l'éradication de la pauvreté faisait partie du processus ; et que si tous les pays du monde avaient la responsabilité de protéger l'environnement, les pays riches qui avaient causé davantage de dégâts portaient une part de responsabilité différente – une responsabilité qui, selon les pays en développement, devait être assortie de la volonté de financer une partie du coût d'un développement respectueux de l'environnement».

Des économies vertes
Autre question d'actualité : le passage à une économie verte, qui émettrait moins de carbone et consommerait moins de ressources naturelles. L'Afrique soutient pleinement les économies vertes, mais craint que les nations riches se servent de cette transition mondiale comme d'une excuse pour imposer des barrières commerciales ou ne pas remplir leurs engagements envers les pays pauvres.
Un problème qui intéresse particulièrement l'Afrique est celui des énergies renouvelables. Près de 3 milliards de personnes sur la planète – dont beaucoup vivent en Afrique – n'ont pas accès à l'électricité. Elles doivent utiliser du bois, du charbon ou d'autres matériaux malsains pour cuisiner ou chauffer leurs habitations, s'exposant ainsi à de la fumée nuisible. Certains gouvernements africains ont déjà adopté des politiques énergétiques «intelligentes et tournées vers l'avenir». Le Kenya possède un programme d'énergie verte ambitieux destiné à accroître la production d'énergie grâce à la géothermie, aux éoliennes et aux biocarburants. L'Ouganda soutient un projet d'agriculture biologique auquel participent des milliers d'agriculteurs et qui a permis d'accroître les exportations de produits biologiques. Plus d'une douzaine de thèmes seront abordés lors des débats de Rio, notamment la sécurité alimentaire, l'accès à l'eau potable, les villes vertes et la protection de l'environnement. Les gouvernements africains se sont mis d'accord pour adopter des positions communes et parler d'une seule voix à Rio.

«Des économies chancelantes»
Toute la difficulté consistera à définir des mesures visant à garantir que les plus pauvres et les plus vulnérables bénéficient de la prospérité économique. Un rapport de l'ONU, publié cette année, a suscité à cet égard beaucoup d'intérêt. Ce rapport, intitulé «Pour l'avenir des hommes et de la planète : choisir la résilience», entend tracer une nouvelle voie vers une croissance durable. D'après le document, la prospérité inégalée que nous connaissons aujourd'hui pèse d'un poids sans précédent sur la planète. De multiples crises dans le monde montrent que le développement durable est plus que jamais indispensable. «Les économies chancèlent, les écosystèmes sont assiégés et l'inégalité – entre et au sein même des pays – est en train d'exploser», peut-on lire dans le rapport qui a été rédigé par les 22 membres du Groupe de haut niveau sur la viabilité mondiale nommés par le Secrétaire général et dirigés par le
président sud-africain, Jacob Zuma, et son homologue Finlandais, Tarja Halonen. Le groupe estime que la crise économique actuelle s'explique par des intérêts spéculatifs restreints, «qui ont dépassé les intérêts communs, les responsabilités communes, tout comme le bon sens». Si l'état de la planète suscite de plus en plus d'inquiétudes, à en juger par les conclusions de plusieurs rapports établis par les gouvernements et les groupes de la société civile dans la perspective des débats de Rio, il est indéniable que des progrès ont néanmoins eu lieu dans certains domaines. D'après un rapport de la Banque mondiale publié en mars, l'Afrique subsaharienne a réussi à réduire l'extrême pauvreté, qui est passée de 55,7% en 2002 à 47,5% en 2008. Au niveau mondial, indique l'ONU, la destruction de la couche d'ozone a été réduite, la participation de la société civile aux décisions politiques s'accroît et les entreprises sont plus conscientes de leurs responsabilités sociales. De plus, la technologie a généralisé l'accès à l'information et a rendu les processus de décision plus transparents. Les écosystèmes et l'utilisation de technologies durables pertinentes sont aujourd'hui mieux compris.

De nouveaux outils pour l'économie mondiale
Pour le moment, les organisateurs de la conférence Rio+20 apportent les dernières modifications au document final qui fournira des directives explicites pour une action en faveur du développement durable. Sur le thème de «L'avenir que nous voulons», le document pose le principe d'un accès universel aux éléments indispensables à la vie, tels que l'eau, la nourriture et l'énergie. Les organisateurs font face à une tâche difficile, car ils doivent synthétiser les divers points de vue exprimés dans les 6 000 pages de contributions provenant des Etats membres, des principaux groupes d'intérêt, des organisations internationales et autres participants. A ce stade, on ne sait pas si Rio+20 s'inscrira dans l'histoire comme un tournant décisif ou au contraire une occasion perdue. Mais les progrès à réaliser ne pourront se faire sans une forte volonté politique de la part des dirigeants de la planète. Quand celle-ci se manifestera, le monde aura alors réalisé un pas important vers l'avènement du bonheur des générations présentes et à venir.

M. T.
In Afrique Renouveau,
magazine de l'ONU


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