Photo : S. Ould Ali De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali
En 1884, Louis Demaeght, militaire mais néanmoins archéologue français, avertissait que les ruines de Portus Magnus servaient de matériaux de construction, tant aux habitants de Béthioua qu'aux colons de Saint-Leu (aujourd'hui Arzew) et qu'à ce rythme, le site serait détruit en quelques années. Plus d'un siècle plus tard, ne restent plus de la cité romaine qu'une étendue servant de pâturage à des vaches et quelques vestiges au passé incontestable, mais à l'avenir incertain, faisant face aux installations de la Sonatrach, symboles de la marche inexorable du temps.S'étalant sur quelque 36 hectares, Portus Magnus (Grand port) -pompeusement qualifiée de Cité archéologique par une pancarte perdue au centre de Béthioua, à 40 kilomètres à l'Est d'Oran- ne semble plus intéresser que quelques passionnés d'archéologie, des étudiants d'Histoire ou des Arts et de rares touristes, curieux de voir les vestiges que la mythique civilisation romaine a laissés à Oran. «Aujourd'hui, les touristes peuvent visiter les lieux en toute tranquillité. Ce qui n'était pas le cas il y a quelques temp, à cause de l'insécurité et du climat de terreur que des individus y faisaient régner : on y organisait des beuveries, on y vendait du vin et on y agressait les étrangers. Maintenant, grâce à l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés, qui y a lancé des opérations de nettoiement et de sécurisation, c'est plus calme et, comme vous le voyez, vous pouvez prendre votre temps pour admirer les ruines», sourit un voisin, en proposant de nous faire découvrir - sommairement, bien sûr - les ruines romaines, dont «des murs de 22 siècles encore debout !».Mais en fait de ruines, il n'en reste pas beaucoup, du moins pas en apparence : des pans de murs de maisons ou de palais, des traces de rues et d'allées, des vestiges de forums et d'acropole, des réservoirs d'eau, des morceaux de colonnes, des fragments de jarres (soigneusement rassemblés dans un jardin)… très peu pour permettre aux profanes d'imaginer ou de croire qu'il y eut une cité portuaire vivante, il y a plus de 2 000 ans, que les Romains avaient bâtie, après la destruction de l'empire punique de Carthage, que les Vandales auraient, à leur tour, détruite vers 430 et que les musulmans auraient ressuscitée dès 647. «Et c'est justement par ignorance que beaucoup d'habitants de Béthioua ont emporté des fragments pour en faire des parements devant la porte de leurs maisons, ou les repeindre pour faire plus beau», déplore M. Baghdadi, de l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés et responsable du site, en regrettant que Portus Magnus n'ait pas bénéficié à temps de l'intérêt des autorités locales. «Il faut maintenant préserve, de toute urgence, les vestiges qui ont échappé à la bêtise humaine et procéder aux fouilles archéologiques, pour déterrer les ruines -et elles sont très nombreuses- qui dorment sous terre. Des trésors archéologiques, que nous avons tout intérêt à préserver» exhorte-t-il, en appelant à mettre tout en œuvre pour empêcher la disparition d'un site classé au niveau national. Les autorités locales, tout comme les associations culturelles et les habitants, sont ainsi vivement interpellées pour sauvegarder un site historique vieux de 22 siècles et préserver une part importante de la mémoire collective. S. O. A.
Identification de Portus Magnus Le site du «Vieil Arzew» ne fut identifié comme étant Portus Magnus qu'à partir de 1858 par Berbrugger, après la découverte d'un document épigraphique mentionnant son nom abrégé, inscription déplacée ensuite sur la promenade de Létang, à Oran.Certes, ce nom était connu par l'Itinéraire d'Antonin, par l'anonyme de Ravenne et par deux allusions de Pline l'Ancien et de Pomponius Mela (Portus cui Magno cognomen est ob spatium)… Mais le voyageur anglais Thomas Shaw identifiait en 1732 le site du Vieil Arzew avec Arsenaria, car l'identité de sens - le grand port - entre Portus Magnus et Mers el-Kebir l'avait aveuglé. Cette erreur se perpétuera quelques décennies.La confirmation sera acquise par divers documents épigraphiques, des bornes milliaires notamment. Les recherches étaient difficiles car les habitants de Béthioua ont bâti leurs maisons au milieu des ruines. Un petit musée fut installé dans une maison romaine, dont les chambres et le péristyle sont pavés de mosaïques (en voie de dégradation vers 1880). Des fouilles faites à la ferme Robert, elle aussi en ruine, permirent de découvrir en 1862 deux magnifiques mosaïques, qui seront déplacées au musée municipal d'Oran vers 1885. Les fouilles furent poursuivies au XXème siècle par Mme Julien, qui avait acquis patiemment de ses deniers le secteur Nord-Est du site. Elle dégagea plusieurs édifices dont certains de plan assez inhabituel.(Source : Wikipédia)