Invitée par l'Institut français d'Alger (IFA) dans le cadre de son cycle de conférences consacré à l'histoire algéro-française, Mme Sylvie Thénault, chargée de recherche au Cnrs et spécialiste de la répression coloniale en Algérie, a présenté, dimanche dernier, une conférence intitulée «Ecrire l'histoire de l'Algérie à la période coloniale en France : quels apports, quelles limites ?» Dans son intervention, l'historienne abordera plusieurs aspects épineux de l'écriture de l'histoire. Devant un public nombreux, la chercheuse et auteure de l'ouvrage Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d'Algérie, a d'abord souligné les différents points de divergences entre l'Algérie et la France par rapport à la célébration du 50e anniversaire de la révolution algérienne. «Nous avons une façon différente d'aborder cette partie de l'histoire. En France, les seules dates retenues sont le 18 mars, les Accords d'Evian, et le 19 mars, le cessez-le-feu, ce sont deux dates importantes pour la société civile française car elles sont synonymes du retour des soldats», dit-elle. «En Algérie, la célébration du 50e anniversaire est d'abord une affaire d'Etat et des autorités publiques, tandis qu'en France les initiatives viennent des mouvements associatifs ainsi que des médias. Le silence de l'Etat a conduit à la multiplication des activités dans la société civile», ajoutera la chercheuse. Par ailleurs, Mme Thénault a relevé une différence par rapport à la demande en France et en Algérie. «En France, il y a une forte demande par rapport à l'histoire. En ce 50e anniversaire, les Français sont d'abord en quête de précisions historiques, je citerais l'exemple de la nature de la relation entre la gauche française et le FLN. Tandis qu'en Algérie, les gens considèrent le bilan de ces 50 ans comme le plus important. Les attentes ne sont pas les mêmes, c'est pour cela qu'il faut réfléchir à une manière objective de traiter l'histoire», souligne l'historienne. Pour étayer son propos, la chercheuse cite un grand nombre de thèses récentes présentées par de jeunes chercheurs en France. «Il y a un véritable regain des recherches sur l'ère coloniale en France. Les jeunes chercheurs s'intéressent de plus en plus à cet aspect de leur histoire», dit-elle. À titre d'exemple, elle citera quelques écrits de France comme Histoire de l'Algérie coloniale de Raphael Branche et la Bataille d'Alger de Linda Amiri. La conférencière soulignera également qu'il «y a une focalisation dans les recherches sur les huit dernières années de la guerre. Il ne faut pas oublier que cette colonisation a duré 132 ans. Pour ma part, j'encourage vivement les chercheurs à s'intéresser à la guerre de libération algérienne sur le sol français». «Il ne faut pas oublier également que les chercheurs allemands et anglo-saxons s'intéressent de très près à cette guerre. Il y a d'ailleurs d'excellents ouvrages sur ce sujet. Ils ont également l'avantage d'être arabophones. Cette histoire doit être portée à l'échelle internationale et sortir du cocon algéro-français», affirme Mme Thénault.Autre point relevé par l'intervenante, il s'agit du manque de travaux de recherches en Algérie. «Il n'y a pas le même mouvement en Algérie par rapport à la France. Il faut encourager les jeunes chercheurs à investir ce secteur qui est, jusque-là, réservé à quelques anciens. Cela nous met dans la gêne car quand il s'agit d'organiser un colloque, c'est toujours les mêmes noms algériens qui reviennent», dit-elle. Sylvie Thénault clôture son intervention en déclarant qu'«il est grand temps de dépasser l'histoire politique, celle des grands hommes, et aller vers celle des gens de la société civile. Le point de vue algérien ne se trouve pas dans les archives de l'administration coloniale mais dans les récits des gens». W. S.