Karim Djoudi, le ministre des Finances, a parfois le sens de la formule. D'autres fois, les mots qu'il utilise s'éloignent des concepts et se rapprochent de la vulgarisation pour des personnes n'ayant pas de connaissances en économie ou en finances. Cette attitude chez celui que certains appellent «grand argentier du pays» laisse perplexe. En affirmant aux députés que la rigueur n'était pas à l'ordre du jour mais qu'il s'agissait simplement de rationalité dans la dépense publique, les observateurs se posent la question si les précédentes lois de finances (LF) étaient irrationnelles ?Sans remettre en doute la technicité de M. Djoudi, le sens de l'à-propos politique et de la répartie semble lui faire défaut lorsqu'il s'agit de dire qu'il n'y aura plus d'augmentation de salaires ni de nouveaux programmes d'équipement. Les deux dernières années ont été, pour les finances publiques, les plus dépensières depuis l'Indépendance. Les augmentations de salaires se sont rajoutées à des exonérations d'impôts et taxes. Le Trésor a eu à décaisser des sommes considérables sans que les entreprises ne puissent compenser les manques à gagner. Les tensions sociales ont été calmées mais sans remise en route de l'économie.Cette prodigalité des pouvoirs publics pousse une frange du patronat à demander amnistie et exonération fiscales. Il ne manque plus que certains investisseurs exigent de l'Etat qu'il investisse à leur place et leur verse des dividendes. La générosité du gouvernement Ouyahia en avait étonné plus d'un. La situation dans la région était pour beaucoup dans cette générosité qui n'avait pas sa place. «Le pari sur l'avenir» a plus bénéficié aux fonctionnaires et aux patrons qu'à l'économie algérienne. La rationalité a disparu et la rigueur ne sera que si la crise de l'euro frappe l'économie algérienne.La raison majeure de la bonne tenue des comptes du Trésor public réside dans le fait que les entreprises et les institutions sont incapables de consommer les budgets alloués. Les retards dans les réalisations et les avis d'appels d'offres infructueux permettent de reporter d'exercice en exercice certaines dépenses inscrites au budget d'équipement. Les capacités de réalisation et le niveau d'accumulation du capital sont tellement faibles que les citoyens sentent bien que certaines choses évoluent mais sans impact immédiat sur leur quotidien.La rigueur ou la rationalité sera «la faute à l'Etat». Les deux concepts n'intéressent pas le quidam. Ce dernier est juste intéressé par ce qu'il peut arracher à un gouvernement qui ne soit pas trop regardant. Les parlementaires, dans leur grande majorité, ne s'intéressent pas à la rigueur ou à la rationalité. Ce qui leur importe est le temps de passage que leur accordera l'Entv. Rationalité et rigueur n'ont pas encore leurs places dans le monde politico-médiatique algérien. Le paraitre sans savoir être est le sport que l'on pratique dans ce pays depuis quelques années, hélas. Le ministre des Finances n'aura aucun mal a passé sa loi de finances, mais surement pas le sentiment de s'être bien battu. Dans un monde irrationnel, la rigueur de l'argumentaire n'a pas sa place. A. E.