On savait que le troisième président de l'Algérie indépendante avait des problèmes récurrents de thyroïdite. Qu'il souffrait aussi de problèmes néphrétiques. Mais c'est finalement un cancer de la prostate qui lui a été fatal. A 83 ans, le fils de Sba'â, du côté de Bouteldja, dans la région de Tarf, a, selon la formule rituelle, tiré sa révérence. Un six octobre, en pleine commémoration des «événements» du 5 octobre 1988 que la chronique impitoyable lui colle à la peau comme le sparadrap voyageur du capitaine Haddock. Mais cet homme à la carrière militaire et politique exceptionnelle, inespérée selon ses détracteurs d'hier et d'aujourd'hui, peut-il être résumé par cet épisode tragique et ambigüe de l'évolution postindépendance de l'Algérie ? Le raccourci serait trop facile et par trop injuste. Chadli Bendjedid est un de ces hommes qui ne font pas l'Histoire mais que l'Histoire finit par aller chercher et imposer. Au même titre que le raccourci, il y a aussi des légendes dépréciatives qui ont la peau dure. Comme celle qui le dépeint en homme débonnaire, en cancre d'une classe de fin d'études, qui aurait du mal avec le subjonctif et l'analyse logique. Il n'en fut rien de tout cela. Sans être rabelaisien, son français était de bon aloi et l'homme avait une mémoire suffisamment éléphantesque pour apprendre ses gammes politiques. Dans son cas, comme pour d'autres parmi ses pairs, c'est la fonction qui crée l'organe. Officier de haut rang de l'ALN, il est à l'indépendance chef des régions militaires de Constantine et d'Oran. A la tête de la seconde région militaire du pays, c'est lui qui supervisera l'opération de récupération de la stratégique base navale de Mers El Kébir, en vertu des Accords d'Evian. Discret, mais influent, respecté surtout par ses pairs pour son franc-parler, il fera tout naturellement partie des «redresseurs» du 19 juin 1965. Membre du Conseil de la Révolution issu de ce coup d'Etat, il ne défrayera jamais la chronique, si ce n'est un storytelling faisant de lui un bambocheur impénitent. On oublie souvent que l'homme était un militaire de rigueur que le président Houari Boumediene a activement associé aux négociations avec le roi Hassan II aboutissant au Traité d'Ifrane et à l'accord sur les frontières litigieuses entre les deux pays. A la mort de Boumediene, prenant sa bonhomie pour un manque de charisme, d'aucuns pensèrent que son règne de président désigné en sa qualité de primus militaire inter pares, allait être court et surtout celui d'une baudruche sympathique. Mal leur en a pris. Il fera finalement trois mandats. Son long passage sera celui des bilans contrastés dans tous les domaines. En matière de libertés, il assouplira notamment les déplacements des Algériens à l'étranger, alors très restrictif. Mais il sera aussi le président qui aura installé une Cour de sûreté de l'Etat qui a sévèrement réprimé l'opposition politique et les militants des droits de l'Homme. En la matière, il fut l'homme de l'ambivalence. Paradoxalement, on lui doit aussi d'avoir affaibli le pouvoir répressif des appareils policiers en réformant la Dgsn et l'ex-Sécurité militaire auquel il a ôté beaucoup de son pouvoir de police politique, même si l'assassinat de l'opposant Ali Mécili fut un épisode rappelant que les Boyars algériens ne désarment pas facilement. Il sera aussi le chef de l'Etat qui a adouci le socialisme étatique en libéralisant un peu plus l'économie administrée. Et même si elles portent la griffe de Mouloud Hamrouche, les réformes économiques, lancées après octobre 1988, avec leur corollaire de libertés politiques, d'association et d'expression, n'auraient jamais pu voir le jour sans son consentement et son appui. Mal jugé, victime de préjugés autant que de jugements tranchés et sans appel, le président Chadli Bendjédid, qui a favorisé par ailleurs l'épanouissement de la carrière politique de Mouloud Hamrouche et l'expression de son talent et de son savoir-faire, a lié à jamais son nom à la première constitution libérale de l'Algérie. Celle de février 1989. Il a, au nom d'une certaine logique politique, partagée d'ailleurs par des cercles militaro-civils influents, légalisé des partis religieux. Il pensait qu'ils allaient lui «tenir la rue». Et, dans la foulée, sous-traiter pour le régime le mécontentement social, à un moment où l'Algérie n'avait pas de bas de laine en devises fortes et raclait les fonds de tiroirs pour boucler ses budgets. La suite de l'aventure est connue et son appréciation est laissée aux historiens. L'islamisme n'est pas mort. Personne n'a signé son acte de décès politique officiel. Le pays est par ailleurs très riche. Mais il n'est pas encore entré dans les cercles vertueux de la démocratie et de la prospérité économique. Ça, c'est une autre histoire. N. K.
Communiqué de la présidence de la République L'ancien président de la République, Chadli Bendjedid, est décédé samedi à Alger des suites d'une longue maladie, indique un communiqué de la présidence de la République. «Afin de permettre aux membres des corps constitués et à la population de se recueillir à la mémoire du regretté défunt, la dépouille de celui-ci sera exposée au Palais du Peuple, le dimanche 7 octobre 2012, à compter de midi», ajoute la même source. L'enterrement aura lieu le lundi 8 octobre 2012, après la prière du Dohr au Carré des Martyrs, au cimetière d'El Alia. En cette douloureuse circonstance, le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a décrété un deuil national de huit (08) jours sur l'ensemble du territoire national à compter de ce jour (samedi), ajoute le communiqué de la présidence. APS