Arrivés avec un décalage horaire, 500 délégués venus du monde entier ont atterri en mai aux chutes Victoria, au Zimbabwe, afin de délibérer sur l'avenir du tourisme en Afrique. Pour leur permettre de se détendre, l'Office du tourisme du Zimbabwe, qui accueillait le congrès de l'Africa travel association (ATA), avait organisé de nombreux divertissements. Les délégués ont visité les chutes Victoria, l'une des sept merveilles du monde, où ils ont participé au saut à l'élastique, ont pratiqué la balançoire géante dans les gorges et la tyrolienne au dessus du fleuve Zambèze. Ils sont ensuite allés en safari, à la rencontre des lions et des éléphants. Plus tard, ils ont savouré la cuisine locale et se sont trémoussés au rythme de la musique traditionnelle. L'intention de leur hôte était claire: voyez, sentez et croyez. Elle a incité les ministres du Tourisme du Ghana, de la Namibie, de l'Ouganda et d'autres pays africains à croire avec optimisme au potentiel de leur continent. L'ambassadeur américain, Charles A. Ray, a déclaré : «Même avec l'incertitude politique qui y règne, le Zimbabwe est potentiellement un marché énorme.»
Activités économiques vitales En 2004, les partisans du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad) ont approuvé un plan d'action visant à faire de l'Afrique la «destination du XXIe siècle». Taleb Rifai, secrétaire général de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), a récemment déclaré : «L'Afrique a été l'une des régions où le tourisme a le plus progressé ces dix dernières années .... Si les investissements sont judicieux, les touristes viendront en plus grand nombre, les investisseurs enregistreront d'excellents rendements, des emplois seront créés et l'économie tout entière bénéficiera.» Le secteur emploie déjà environ 7,7 millions de personnes en Afrique. M. Rifai a présenté des données montrant une augmentation constante du nombre de touristes en Afrique, de 37 millions en 2003 à 58 millions en 2009. Les recettes touristiques constituent une source vitale pour de nombreuses économies. Environ 50% du produit intérieur brut (PIB) des Seychelles proviennent du tourisme, 30% au Cap-Vert, 25% à l'île Maurice et 16% en Gambie. La Banque mondiale indique que le tourisme représente 8,9% du PIB en Afrique de l'Est, 7,2% en Afrique du Nord, 5,6% en Afrique de l'Ouest et 3,9% en Afrique australe. Et seulement 1% en Afrique centrale.
Une petite part sur la scène mondiale L'Afrique a beau se vanter, elle détient une part relativement faible d'arrivées de touristes internationaux. En 2011, le monde a enregistré 980 millions d'arrivées de touristes internationaux, dont seulement 50 millions en Afrique. Toutefois, selon l'OMT, l'Afrique continue de recevoir plus de touristes que les Caraïbes, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud réunies. L'Afrique du Nord a enregistré une perte de 12% en 2011 par rapport à l'année précédente à cause de l'instabilité politique dans la région, affectant ainsi la part des arrivées internationales du continent. Mais cette perte a été partiellement compensée par une légère hausse de 7% en Afrique subsaharienne, où les arrivées ont augmenté de 2 millions. Dans l'ensemble, les données de 2011 montrent que l'Afrique a enregistré une meilleure performance que le Moyen-Orient, dont les arrivées ont chuté de 5 millions. Selon l'OMT, les gros bénéficiaires du continent sont en règle générale l'Egypte, l'Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie et l'île Maurice.
Problèmes liés aux infrastructures Qu'est ce qui attire les touristes dans un pays, une région ou un continent? Sven Brun, un Norvégien, déclare à Afrique Renouveau : «Je voulais voir quelque chose de différent de l'Europe, alors j'ai décidé de visiter le Kenya et la Tanzanie. J'ai ressenti quelque chose de différent, et j'aime ca.» Le groupe de réflexion McKinsey Global Institute, soutient que les touristes sont attirés par les pays jouissant de bonnes infrastructures, de sûreté, de sécurité, et d'assainissement. Janet Kiwia, la directrice générale de World Jet Travel and Tours, en Tanzanie, ajoute que les routes en mauvais état, les aéroports mal entretenus, les pannes d'électricité et autres carences éloignent les touristes. La sécurité des aéronefs et de l'espace aérien africains constituent des motifs de préoccupation. En juin, deux avions se sont écrasés au Nigéria et au Ghana, tuant plus de 160 personnes en l'espace de seulement deux jours. En 2009, la Banque mondiale a constaté que 60% des pistes en Afrique du Nord étaient en excellent état, contre seulement 17% en Afrique subsaharienne. En outre, plusieurs aéroports de l'Afrique subsaharienne sont petits et ont de plus en plus de mal à gérer l'augmentation des arrivées. La plupart dépendent d'une seule compagnie aérienne et certains n'ont pas de grandes compagnies qui assurent les liaisons aériennes.
Des approches novatrices Un rapport conjointement publié par l'Université de New York, la Banque mondiale et l'ATA invite les opérateurs de l'industrie à adopter des approches novatrices pour gérer les différents types de tourisme en Afrique. Il regroupe ces derniers en tourisme de type «safari», «nature» et «culture». Le rapport recommande d'aller au-delà du safari traditionnel et d'ajouter de nouvelles aventures en misant sur la créativité des organisateurs de voyages. Il existe plusieurs possibilités de pratiquer le tourisme de nature, notamment l'observation des gorilles. Plus de 700 gorilles de montagne vivent dans les montagnes des Virunga qui traversent l'Ouganda, le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). Vu l'instabilité politique qui règne dans le pays, la RDC tente d'attirer les touristes en appliquant des tarifs moins élevés que le Rwanda et l'Ouganda. En 2011, ces trois pays ont généré un profit total de 225 millions de dollars grâce au tourisme axé sur les gorilles. Grâce au site Friend a Gorilla, les touristes paient pour localiser les gorilles en utilisant des caméras Web. Il est également possible de se «lier d'amitié» avec un gorille sur le réseau social Facebook. La sensibilisation sur le tourisme aux gorilles par l'intermédiaire des médias sociaux peut permettre d'attirer plus de touristes des différents coins du monde. Ce qui signifie plus d'argent dépensé dans les hôtels, les restaurants, sur les guides touristiques et les souvenirs, en d'autres termes : la présence de touristes booste les économies locales. Le tourisme culturel nécessite une promotion agressive. A l'instar des festivals culinaires au Mexique et des festivals de musique et culturels en Jamaïque et à la Trinité, les festivals de films au Zanzibar et au Burkina Faso attirent les touristes culturels. Selon un rapport McKinsey, l'Afrique a besoin de «développer des attractions touristiques phare et de créer une marque personnalisée».
Perspectives prometteuses Certains pays vont dans la bonne direction. En 2007, Frommer's, une collection américaine de guides touristiques, a cité l'Ethiopie parmi l'une des 12 meilleures destinations du monde. La Coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud a attiré plus de 300 000 visiteurs étrangers. Récemment, le chanteur de renommée internationale Youssou N'Dour est devenu ministre de la Culture et du Tourisme du Sénégal, un choix qui pourrait stimuler le tourisme dans son pays. Il pourrait falloir un certain temps à l'Afrique pour rattraper l'Europe, qui a accueilli 480 millions de touristes l'an dernier. Mais les arrivées internationales ayant franchi le seuil de 1 milliard à l'échelle mondiale en 2012, l'Afrique devrait viser une plus grosse part du gâteau. Si le continent jouit des infrastructures, de la sûreté et de la sécurité voulues et qu'il fait bien connaître ses attractions, il disposera d'un bon point de départ. K. I./A. H. *In Afrique Renouveau, magazine de l'ONU