Le groupe Sonatrach a signé, il y a quelques semaines, deux (2) importants accords : un contrat EPC pour la réalisation du gazoduc GR5 et un Memorandum Of Understanding (Mou). L'entreprise nationale, Alfapipe, assurera, dans le cadre de ces contrats, 786 km de tubes de 48''. La réalisation en EPC du lot N°1, un gazoduc de 48'', d'une longueur de 309 km, reliant Reggane à Krechba, a été confiée à un consortium composé de Cosider Canalisations et de deux filiales de Sonatrach, GCB et GTP. La réalisation en EPC du lot N°2, un gazoduc de 48'', d'une longueur de 474 km, qui reliera Krechba à Hassi R'Mel, a été attribuée, elle, au consortium composé de Cosider Canalisations et de l'Enac, filiale de Sonatrach. Il s'agit là de deux importantes infrastructures à construire en trente six mois. Les entreprises nationales à qui ont été accordés ces contrats respecteront-elles les délais de réalisation ? L'attribution de ces contrats exclusivement à des entreprises algériennes, publiques, nationales confirme cette nouvelle orientation dans la politique économique du pays. C'est en fait, la préférence nationale qui est mise en avant, dans l'objectif de promouvoir l'outil national de production, de le développer. Le groupe Sonatrach a par ailleurs fait deux importantes commandes auprès du complexe ArcelorMittal Annaba, pour la livraison de 970 kilomètres de tubes. Ces tubes devront être exploités dans la réalisation d'un réseau d'alimentation en gaz naturel des villes de Djanet et Aïn Salah (Tamanrasset), dans le sud du pays. Ce sera une bouffée d'oxygène pour Arcelor, un groupe qui souhaite que Sonatrach, entre dans le capital de sa filiale, Pipes and Tubes Algeria (Ampta), spécialisée dans la production de tubes sans soudure (TSS) destinés aux pipes, conduites de gaz. Et le privé, national dans tout cela ? En théorie, l'Etat veut l'intéresser au secteur de l'énergie et des mines et l'impliquer dans la fabrication de pièces de rechange ou dans le traitement des huiles industrielles. S'il arrive à le faire, l'Etat va certainement abaisser la facture des importations de la pièce de rechange. Sonatrach, à elle seule, importe, annuellement, 500 000 articles de pièces de rechange utilisées lors de l'exécution des opérations de maintenance de ses installations et équipements industriels. Seulement 0,5% à 1% de ce marché est fabriqué localement. C'est peu. Le nouveau ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, a initié un large débat autour de la participation du privé, national, au développement du secteur de l'énergie (hydrocarbures, énergies renouvelables et nouvelles). C'est une initiative intégrée, comme sus évoquée, dans une politique plus globale, soutenue par les pouvoirs publics. Dans l'une de ses déclarations, le président de la République en parlait. Il évoquait l'engagement de l'Etat à soutenir les initiatives des opérateurs économiques, nationaux pour le développement d'une industrie d'équipements et de biens utilisés dans le secteur de l'énergie, notamment dans les hydrocarbures. C'est, en fait, la première fois que l'Etat s'engage clairement à appuyer le privé, national dans le secteur pétrolier. Abdelaziz Bouteflika soulignait que les besoins du marché algérien, dont le potentiel d'expansion est considérable, ainsi que les expériences capitalisées par les opérateurs nationaux, notamment ceux du secteur public, industriel, peuvent permettre d'établir des liens entre partenaires privés et publics pour mieux réaliser notre potentiel d'adaptation technologique. «Il nous sera alors possible de nous doter rapidement des technologies et du savoir-faire nécessaires au développement de l'économie nationale», avait-il dit. Le chef de l'Etat avait également affirmé : «l'Algérie dispose de compétences capables de relever le défi de la maîtrise de l'engineering technologique et du transfert de ces technologies dans les futures industries locales de fabrication d'équipements et de biens. Les cadres des centres de recherche devront être mobilisés à travers des formules de coopération entre l'industrie et l'université autour de cet objectif stratégique d'intégration.» Et d'ajouter : «les industriels nationaux devront, eux aussi, apporter, dans ce domaine, leur pleine contribution, tout comme dans d'autres créneaux à l'exemple des énergies renouvelables. Le programme national de développement des énergies renouvelables, une fois réalisé à l'orée de 2030, permettra d'économiser près de 600 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de vingt-cinq années». Ce n'est pas rien. «La nouvelle politique énergétique, nationale sera accompagnée du développement d'une industrie de sous-traitance locale dans les énergies nouvelles et renouvelables à même de créer des dizaines de milliers d'emplois à haute valeur ajoutée durant la décennie». «Ce programme traduit la volonté de l'Etat - avait-il précisé - de faire en sorte que nos hydrocarbures puissent encourager les investissements indispensables au déploiement, sur plusieurs décennies, de ces filières modernes de production d'électricité, d'une part, et de s'assurer de la rationalisation de la consommation d'énergie dans tous les secteurs, d'autre part». Le secteur de l'électricité, les énergies renouvelables comprises, présente beaucoup d'opportunités d'investissement auxquelles le privé, national doit s'intéresser. Des opportunités évoquées souvent par le P-DG de Sonelgaz, Noureddine Bouterfa. Les industriels nationaux auront, ainsi, la possibilité d'investir dans la fabrication d'équipements d'exploitation et de stockage de l'énergie de source renouvelable comme les modules photovoltaïques, les équipements d'isolation thermique, les kits de chauffage de l'eau et de GPL carburant. La mise en œuvre du programme des énergies renouvelables «n'aura de sens» que si la majeure partie des équipements et des composants est fabriquée localement et que si les technologies sont maîtrisées dans des laboratoires algériens. Il reste à savoir si le privé national dispose de moyens lui permettant d'être à la hauteur de la confiance placée en lui par les donneurs d'ordre. Le nombre des acteurs intervenant dans la sous-traitance reste insignifiant, par comparaison aux entreprises impliquées dans la sous-traitance, au Maroc ( 2000 entreprises) ou en Tunisie, pour ne citer que ces pays-là. Et, puis, les domaines que les sous-traitants locaux maitrisent le mieux sont circonscrits, limités. Des pièces de rechange de haute précision dont a besoin le secteur pétrolier, ou celui de l'électricité, la Sonatrach et la Sonelgaz ne peuvent les confier à des sous-traitants locaux. La Sonatrach ne traite que pour 1% de ses besoins en sous-traitance, avec des producteurs locaux. Sonelgaz relève, également, qu'elle a essayé de faire faire certains composants électriques mais elle n'arrive pas à trouver des entreprises locales pour s'en charger. Sonelgaz estime qu'il s'agit de composants sensibles et qu'il lui faut des sous-traitants, reconnus, crédités de compétence. Peut-être que seule la Snvi se distingue des entreprises nationales en matière de sous-traitance : elle traite avec cent-vingt sous-traitants locaux pour quatre cent millions de dinars. Y. S.