Photo : S. Zoheir Par Faouzia Ababsa C'est une rencontre qui a duré 4 heures. Pendant lesquelles gouvernement, organisations patronales, associations professionnelles et Ugta ont échangé leurs points de vue et avancé, pour le premier, des décisions et, pour les autres, des propositions. Le Premier ministre a d'emblée tracé les lignes du débat. Pas de lamentations ni plaintes. «Nous connaissons les problèmes par cœur. Il faut s'écouter sans entrer dans les détails», lancera-t-il aux uns et aux autres, se voulant pragmatique. Dans son intervention d'ouverture, le Premier ministre a mis en évidence le paradoxe qui existe entre le bon niveau macroéconomique du pays, avec une forte situation financière, même si cela ne signifie pas «que nous avons beaucoup d'argent» et la faiblesse de la croissance qui n'a «malheureusement pas dépassé les 2,9%». Il a souligné, également, les fortes capacités existantes du pays. M. Sellal n'a pas manqué de lancer des piques à l'endroit du patronat, en déplorant que seulement 15% des entreprises sont connectées à Internet, 9% ont une adresse électronique mais aucune n'a mis en ligne le catalogue de produits qu'elle propose aux clients. Il a reconnu que les entreprises rencontrent des difficultés mais, comme pour souligner que «l'on n'a rien pour rien», il a déclaré que le chemin de l'entreprenariat était sinueux. Et d'ajouter : «Il nous faut développer la croissance avec le pétrole, dira-t-il, en évitant de parler de l'économie de l'après-pétrole parce qu'on n'y est pas encore.» A propos de la forte hausse de l'inflation en raison des augmentations des salaires, le Premier ministre indiquera que celle-ci allait connaître une baisse. Il a indiqué, d'autre part, que le gouvernement souhaitait bâtir avec les entreprises un vrai pacte de croissance tout en déplorant le faible nombre d'entreprises dans le pays. Il en existe 700 000 seulement. «Le moment est bien choisi pour mobiliser l'entreprise», indiquera-t-il tout en regrettant que les patrons d'entreprises continuent à mener ce qu'il qualifie de faux débat à propos du Credoc et de la règle 51/49. «En termes de chiffres, nous faisons mieux que nos voisins», soulignera-t-il à ce propos. Avant de les inviter en quelque sorte, à secouer le cocotier parce que, dira-t-il, «nous n'avons plus le droit de stagner compte tenu du contexte mondial». Abordant un autre volet mais toujours lié à l'entreprise, Abdelmalek Sellal a tiré à boulets rouges sur ce qu'il a appelé la sédimentation bureaucratique. «Il est inadmissible pour les banques de demander autant de documents à leurs clients, à l'image du 12S, sous prétexte de lutte contre le blanchiment d'argent.» «Comme il n'est pas dans les missions des banques d'exiger du client l'origine ou la destination de l'argent.» Il a informé l'assistance qu'une réunion s'était tenue la semaine dernière avec les banques et des allègements notables en matière de procédure ont été décidés. Il annoncera que, désormais, l'opérateur n'aura plus à présenter une garantie pour accéder à un crédit bancaire. «La seule garantie, ce sera le projet pour lequel le crédit a été accordé.» Et d'ajouter : «Le Premier ministre est convaincu que tous les problèmes trouvent une solution, mais il faudra agir sur les mentalités.» «Le problème est dans nos têtes», dira-t-il. Et de lancer à l'adresse des patrons présents, comme pour les réveiller : «Aidez-nous à vous aidez ! On ne doit plus se mentir, on sait tous que ce sont les entreprises qui créent les richesses et c'est comme cela qu'on poussera l'informel vers la porte. Alors dites-nous où cela cale et on interviendra, car nous n'avons plus le temps de discuter. Soyons pragmatiques et rétablissons la confiance !» Pour sa part, le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE) a reconnu que beaucoup de choses ont été faites en faveur des entreprises. Toutefois, le problème réside, selon lui, dans la traduction des orientations et décisions sur le terrain. Il a déploré la hausse de l'inflation due, selon ses termes, à «la distribution généreuse des salaires et au soutien des prix, dont beaucoup profitent». Il mettra en avant ce qu'il a appelé des erreurs commises par les pouvoirs publics. «Au moment où il fallait développer l'économie on a ouvert le marché aux appétits féroces et on a trop dévalué le dinar.» Il a indiqué que la mise à niveau tant promise n'arrivait pas à démarrer. Répondant au secrétaire général de l'Ugta, qui revendiquait un minimum de protection pour notre économie, il dira : «Une protection brutale va à l'encontre de nos engagements internationaux. Il ne s'agit pas de fermer les frontières et prendre en otage le citoyen qui exige aujourd'hui des standards internationaux en matière de consommation occidentale, avec une production locale médiocre.» Habib, Yousfi, président de la Cgea, a en quelque sorte demandé une part de la rente en indiquant que les recettes pétrolières devraient être injectées dans les entreprises. Le premier responsable de la CAP, a, lui, exigé que le pacte économique et social soit introduit dans un cadre juridique en le transformant en texte de loi, c'est-à-dire qu'il devienne contraignant. D'autres patrons d'organisations professionnelles sont revenus sur les difficultés rencontrées par les entreprises, à l'image de la perte de change qu'elles ont subies lorsque le dinar a été dévalué sur injonction du FMI au milieu des années 90. Des intervenants ont avancé le problème de l'absence d'entreprises en Bourse. Ce à quoi Sellal rétorquera : «Investissez-là, ouvrer votre capital aux petits actionnaires !», comme pour souligner qu'il ne tenait qu'aux entreprises de faire le pas. «Vaincre ou mourir», c'est le choix que donnera Abdelmalek Sellal aux entreprises. Cela avant de céder la parole aux ministres qui l'accompagnaient. Chérif Rahmani, ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion des Investissements a informé que le redressement industriel a été pris en charge par le gouvernement, qui l'a chargé de préparer une feuille de route. A ce sujet, il a annoncé qu'il avait constitué une task force composée de 50 personnalités, experts et des membres du Cnes. Laquelle task force a élaboré une conception du redressement industriel. Il ne donnera pas plus de détail préférant laisser l'exclusivité au conseil du gouvernement, qui étudiera le document au courant de cette semaine. Il annoncera, toutefois, la tenue d'une conférence sur la production. Le ministre du Travail, pour sa part, a énuméré toutes les facilités accordées en matière d'encouragement de l'emploi, avec tout ce que cela implique comme abattements de charges patronales, versement d'une partie des salaires par le gouvernement, prise en charge des allocations familiales, etc. Cependant, dira-t-il, «certains l'ignorent, tandis que d'autres n'en ont pas connaissance». Comme pour signifier qu'en matière de création d'emplois, les entreprises n'ont fait aucun effort. «Le patronat ne suit pas.» Tayeb Louh démentira l'échec des dispositifs Ansej et Cnac. «Le taux de mortalité de ces microentreprises oscille entre 1 et 2%. Et contrairement à ce que l'on pense, le taux de remboursement des crédits qu'elles ont obtenus est très élevé.» Le ministre du Commerce a, lui, reconnu l'absence de régulation du marché, le manque terrible en infrastructures commerciales. A ce propos, il imputera la responsabilité au secteur privé. «Nous nous attendions à ce que ce soit le privé qui investisse dans cette sphère. Mais il ne l'a pas fait. L'Etat s'est vu donc dans l'obligation de la prendre en charge», a indiqué Benbada, pour justifier le retard dans ce volet. Il a annoncé une sorte de toilettage des textes régissant son secteur. Ainsi, 15 décrets, 7 arrêtés et 3 lois ont été amendés ou en voie de révision. Il a avoué que le marché était complètement désorganisé parce qu'il y a eu du retard dans le recadrage. «La régulation découle d'une bonne organisation.» L'intervenant a annoncé la mise en place du conseil de la concurrence avant la fin de l'année, l'actuel étant en fin de mandat. Répondant lui aussi à Abdelmadjid Sidi Saïd, il dira qu'on ne peut plus fuir notre entrée à l'OMC. Toutefois, il existe plusieurs moyens de protéger nos produits en prétextant l'antidumping, en prenant des mesures conservatoires. Pour sa part, le ministre de l'Habitat a jeté un pavé dans la mare en démentant les chiffres de logements jusque-là avancés. Il a souligne la problématique d'achèvement du programme du président de la République. «Nos moyens sont limités par rapport à nos ambitions», dira-t-il, avant d'ajouter que «sur les 35 000 entreprises activant dans le secteur, seules 400 sont capables de travailler dans l'industrie du bâtiment, le reste continue à utiliser des moyens archaïques». Abdelmadjid Tebboune a indiqué que si l'on arrivait à construire 80 000 logements par an, on s'en sortirait. Et le ministre d'annoncer un certain nombre de décisions prises par le gouvernement pour la relance du secteur, à savoir l'abrogation de l'agrément du promoteur, se débarrasser de la formule du moins et du plus disant dans les appels d'offres, abrogation du décret portant sur la classification, ainsi que l'allègement d'autres procédures, telle que celle relative au certificat de conformité. La tripartite a été clôturée par l'annonce de Sellal de l'autorisation du retour des entreprises publiques dans le giron du FCE, après l'avoir quitté en 2010 suite à la position prise à l'encontre de la règle des 51/49. F. A.
Abdelmadjid Sidi Saïd : «L'UGTA exige un bilan de l'Accord d'association» Le secrétaire général de l'Ugta a avancé, lors de la tripartite tenue jeudi à la résidence El Mithak, une quinzaine de propositions à même de relancer l'industrie et de protéger l'économie nationale. Il demandera à ce que le gouvernement prenne des mesures pour interdire l'importation de produits portant atteinte à la production nationale. Comme il revendiquera avec insistance le retour au crédit à la consommation pour l'achat de produits locaux exclusivement. Pour appuyer ses propos, il mettra en avant le protectionnisme appliqué par les pays occidentaux sur leurs produits en ne permettant pas aux marchandises extérieures d'y pénétrer. Il citera l'Union européenne qui applique un protectionnisme beat en dépit de l'Accord d'association qui la lie à l'Algérie. A ce propos, il dira : «L'Ugta exige un bilan de l'Accord d'association. Nous voulons savoir ce que cet accord nous a apporté.»