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Le refus de reconnaissance du crime colonial est une seconde violence coloniale
Algérie-France : mémoire, identité et pouvoirs
Publié dans La Tribune le 19 - 12 - 2012

Mémoire : le rapport au temps est un des universaux des pratiques humaines dans toutes les sociétés qui forment l'espèce humaine, depuis au moins cent mille ans, soit depuis l'apparition progressive du langage articulé et complexe chez Homo sapiens sapiens, l'homme qui sait qu'il sait. Le rapport au temps et à l'espace est inscrit au cœur de chaque société, de chaque groupe, de chaque famille et de chaque individu. Au-delà de la structuration du sujet percevant, à travers ces deux «formes a priori de la sensibilité» chez Kant et dans le kantisme, l'espace et le temps s'investissent dans la formation des territoires et de l'histoire, soit des frontières et des héritages patrimoniaux, soit encore dans la construction des différences et de l'identification.Les procès de construction des territoires nécessitent de très nombreux investissements de lieux, sites et gisements. Ils nécessitent aussi la production de critères pertinents de classement de tous ces sites et lieux. De même, pour que la territorialisation soit effective, ces lieux et sites doivent parler, c'est-à-dire faire sens. Le moyen que les sociétés humaines utilisent pour donner la parole au territoire, c'est la toponymie : les noms de lieux. Car, chaque nom contient un texte, dit un drame, récite une geste ou évoque un événement heureux ou malheureux.Evoquer c'est donner voix au nom, qui ne dit rien s'il ne fait pas sens, retour au passé, à la mémoire. Cette dernière est une fonction sélective de rétention de séries de faits qui construisent le souvenir. Celui-ci n'est pas permanent, car il diminue de prégnance, s'estompe puis s'efface progressivement, sauf à garder une trace qui fonctionne comme une cicatrice, un signifiant qui devient, de ce fait, l'indice du texte contenu dans le nom du lieu qui s'épaissit de ce contenu : il devient un lieu de mémoire. Dans ces conditions, il n'existe que pour autant que les sociétés se remémorent des faits et des événements qui ne peuvent exister que parce qu'ils sont re-présentés. L'ordre de la re-présentation du passé est une stratégie de vie de toute société humaine dans son présent et par rapport à son passé qui n'existe plus.Cette stratégie de vie sociale, culturelle, économique, symbolique et religieuse n'est possible qu'à se référer ou à renvoyer aux singularités passées qui n'existent comme signifiants que parce qu'elles ont disparu. Nos ancêtres n'ont d'«existence» qu'autant que nous nous représentons qu'ils sont nôtres et que nous fréquentons les lieux où ils sont enterrés : c'est autour des cimetières, soit autour de la mort, que s'organisent la vie, la vie sociale, le discours et les rituels funéraires, l'évocation (donner voix) du passé, de la geste des héros fondateurs : les tombes de ces héros sont des tombeaux, des mausolées, des monuments…aux morts. La mort est, ainsi, au cœur de la cité. Le culte des morts est l'une des singularités qui différencient les sociétés humaines, les classes sociales et les
individus dans leurs rapports aux disparus ; et ce culte est rendu aux morts, car ce sont eux qui ont donné la vie, ou l'ont rendue possible avant qu'ils ne la quittent. Les vivants leur rendent visite, fleurissent leurs tombes, les saluent, leur parlent, prient pour eux. Toute cette liturgie et ces rituels expriment la dette du sens que les vivants doivent aux morts et, au-delà, à Dieu. Il se trouve que la mort fait sens de manière différente, politiquement différente. J'entends qu'il y a moins d'une semaine - et nous sommes des spectateurs impuissants-, de soit disant «fous de Dieu» ont détruit des mausolées de personnages religieux remarquables, fondateurs de la Cité humaine à Tombouctou en étant soufis diffusant une religion de paix et de salut individuel. C'est que, dans ces conditions, la mort est politique. Sur les hauteurs d'Oran, au tout début de la «décennie noire» en 1993, le mausolée de sidi 'Abd el Qader el Djilani a été détruit à l'explosif «au nom de Dieu». Celui de Sidi M'hammed Ben 'Ouda, chez les Flitta, dans l'arrière-pays de Relizane, fut soufflé à la bouteille de gaz butane.Cette pratique de la catastrophe, au sens grec de renversement, s'enracine dans des pratiques anciennes et peut-être très anciennes : l'incendie de la bibliothèque universitaire d'Alger le 07 juin 1962 par l'OAS, quelques jours avant la déclaration de l'indépendance, comme l'incendie de celle de Sarajevo par l'armée serbe de Bosnie, le 25 août 1992, pour ne parler que des bibliothèques principales, témoigne d'une sorte de damnatio memoriæ qui constituerait la source de l'énergie dévastatrice de l'héritage civilisationnel, de la destruction du patrimoine culturel sous toutes ses formes, bref, accompagnerait les épurations ethniques par les épurations mémorielles. On peut reconstruire des villes, une économie, des écoles et des institutions. Il est impossible de reconstituer des manuscrits incendiés, une mémoire dévastée, une histoire effacée.

La guerre à la symbolique
En Algérie, le 15 août 1881, au début de l'insurrection dirigée par le cheikh Bou'amama des Ouled Sidi Cheikh, le colonel Négrier avait fait exploser le mausolée de Sidi 'Abd el Qader Ben Mohammed dit Sidi Cheikh à El Abyadh Sidi Cheikh dans le sud-ouest de l'Atlas saharien, entre El M'segma et Djebel Tismert. Le colonel Négrier avait justifié cette destruction par le fait qu'il avait compris que la légitimation unique, le système des motivations, l'énergie sociale, l'engagement de la guerre insurrectionnelle de 1864 et celle de 1881, la symbolique de la guerre, tout cela était contenu, représenté, syncrétisé et exprimé par ce mausolée abritant la tombe du fondateur de la voie soufie Cheikhiya et ses ramifications sur la moitié ouest du Maghreb, à partir d'Alger et jusque dans l'est du Maroc.
L'architecture particulière du tombeau exprimait la manière singulière des Algériens, des Maghrébins et des Sahéliens, et même des Egyptiens de se représenter l'univers : la coupole en demi sphère signifiait la voute céleste, la bâtisse cubique la terre, et la tombe invisible sous le cénotaphe, traversée par l'axe de la coupole représentant l'axe du monde.
Le chaulage du mausolée une fois l'an, sa blancheur, autrement dit l'absence de toute couleur ou, précisément, la couleur de la lumière, abstraient le corps organique, le squelette dans la tombe et toute représentation de la pourriture et de la mort.

Dislocation de la société
L'acte du colonel Négrier est un acte guerrier éminemment politique, car le tombeau était et est toujours le foyer nodal, autour duquel étaient fédérées les populations de la moitié nord-ouest de l'Algérie, la confédération des communautés nomades ch'amba depuis
Oued Souf et Ouargla jusqu'au Grand Erg occidental, les H'miyane et leurs alliés jusqu'à Béchar, les populations nomades et oasiennes du nord du Gourara autour de Tabelkoza et jusqu'au Deldoul et l'Aougrout, les nomades de l'Oued Mya, et de l'est du Tidikelt au-delà d'In Salah dans le Sahara central, soit un territoire au moins aussi vaste que la France, puissante conquérante.Voici donc quelques dizaines de mètres carrés, sur lesquels est construit un bâtiment cubique surmonté d'une coupole qui, parce qu'il est textualisé, signifie le passé et est lisible au présent. Ce tout petit espace densément sacralisé où gît un mort, agglomère, fédère et organise, depuis plus de quatre siècles, un immense territoire et conquiert au sens et à la déférence des millions de personnes. Ces mausolées blancs surmontés d'une coupole se comptent par milliers dans le Maghreb, en Egypte et dans le Sahel africain. On peut conclure de ces
pratiques d'investissement de l'espace par le temps que détruire une société ou la soumettre, c'est se donner le pouvoir de détruire ses symboliques que réifient ou représentent les monuments, les cimetières, les édifices religieux, tout lieu de mémoire…
La guerre faite à la Bosnie-Herzégovine et à la Croatie par les «armées serbes de Bosnie», avait commencé par le bombardement des lieux de culte - mosquées et églises. La destruction de ces gisements de «sens à être ensemble» de manière singulière, c'est-à-dire différente, prive les sociétés de leur mémoire, de leurs lieux de mémoire, c'est-à-dire, et en dernière analyse, de leurs territoires. Mais il y a d'autres moyens de déterritorialisation, beaucoup plus radicaux et beaucoup plus efficaces : 1) L'expropriation des populations campagnardes des leurs terres arables de leurs pâturages et de leurs forêts, pour les redistribuer aux populations françaises et européennes, notamment aux soldats de l'armée de conquête, avait commencé par les politiques de cantonnement des communautés sur les piémonts des montagnes. Elle s'était accompagnée par le séquestre des terres des communautés entrées en résistance armée, pendant les insurrections, au long du XIXe siècle et jusqu'en 1916.2) La création d'un marché foncier par des législations spéciales - le senatus consulte de 1863 et celui de 1873 dit «loi Warnier».3) Le recensement systématique des populations et la constitution d'une
onomastique générale, en vue de la création d'un Etat civil sur le modèle français, aboutit à classer et à enregistrer chaque individu par l'attribution d'un seul gentilé et un ou deux prénoms. Lorsque la fréquence des noms devenait itérative et introduisait la confusion des personnes trop nombreuses désignées par les mêmes dénominations, on attribuait des ethnonymes en troisième position, après le gentilé et le prénom. Le registre matrice de l'Etat civil était ainsi créé partout où la stratégie de colonisation créait un marché foncier, en appliquant les senatus consulte de 1863 et 1873, tandis qu'une anthroponymie nouvelle désidentifiait la société et les personnes, en les réidentifiant.
Ces procès de désignification-resignification les séparaient d'eux-mêmes, du sol et ainsi, du territoire. Avant la colonisation, les Algériens s'identifiaient par un prénom, le prénom du père et celui du grand-père, ou encore celui de l'arrière-grand-père en cas de nécessité. Dans la logique coloniale, la nouvelle onomastique, éminemment politique et économique, était strictement nécessaire pour individualiser la propriété privée et rendre juridiquement possible la propriété privée de la terre, son achat et sa vente libres.
La révolution juridique du rapport au sol et, conséquemment, du rapport à la production des richesses matérielles nécessaires à la reproduction de la vie et de la vie économique et sociale, eut des conséquences spectaculaires du fait de l'expropriation massive, et de l'appauvrissement accéléré de la population campagnarde. La paupérisation entraina le refoulement des paysans expropriés vers les piedmonts des montagnes, les steppes et le désert. L'exode massif provoqua, dans le même temps, la réduction des systèmes de parenté, la «désinformation» des stratégies d'alliances et de filiation matrimoniales et, ainsi, l'appauvrissement des relations sociales de proximité et la perte des pratiques de solidarités politiques et économiques, notamment dans les périodes de guerres insurrectionnelles, d'épidémies, de sécheresse et d'invasions de criquets pèlerins. Il produisit aussi un développement pathologique des rapports au temps et à l'espace, ainsi qu'une violence endogène permanente. Jamais, ces populations ne s'étaient remises de ce déracinement.

Système onomastique colonial
Le procès de cette déterritorialisation systématique devait, pour être définitif, s'achever par une révolution toponymique, dont l'effet était la dissolution de ce qui donnait humainement existence à un territoire ou à un terroir. En effet, les repères culturels et le rapport à soi, enracinés dans un imaginaire millénaire, vivant et complexe, permettaient de s'approprier l'espace en le nommant.
La pratique de dénomination lestait les parcelles ou les tenures, le champ ou le village de montagne, le quartier ou la ville, la rue ou l'impasse, d'un nom qui les chargeait du dit de l'histoire et des gestes de la famille, du clan, de la fraction et de la communauté. Les lieux parlaient la langue des acteurs sociaux qui les produisaient. Chaque topos était travaillé par un ethnos qui y inscrivait son nomos : le système onomastique précolonial constituait le texte général qui parlait le territoire comme on parle une langue, et le singularisait en lui conférant son étendue et son historicité mythique et/ou positive. Très tôt, et dès les débuts de la conquête, avec la création des premiers villages de colonisation, la toponymie territorialisait les colons conquérants, en déterritorialisant la paysannerie. Chaque séquestre de terres et chaque cantonnement de «tribu» s'accompagnaient d'une activité immédiate de dénomination des territoires libérés des populations qui les habitaient et les exploitaient. Pendant les deux derniers tiers du XIXe siècle se produisit, ainsi, un procès de déterritorialisation/reterritorialisation par la production d'un territoire français hors de France qui, pendant la guerre d'indépendance, a pu donner lieu à un crédo explicite : «La Méditerranée traverse la France comme la Seine traverse Paris». En effet, un dense filet de toponymes enserra tout le nord de l'Algérie dite utile, celle des terres de colonisation, de manière à littéralement textualiser l'espace en le retérritorialisant par l'histoire et l'histoire militaire, la géographie, la littérature, la philosophie, les sciences, la politique, la religion. Voyager en Algérie, c'était remonter le temps de l'histoire de France. En traversant l'espace de l'Algérie, les villes et les villages
portaient les noms d'au moins une vingtaine de généraux de la conquête française de l'Algérie, dont Bugeaud, Saint Arnaud, Montagnac, de Lamoricière, etc. ; de conquérants d'autres contrées dans le monde : Lafayette, Montcalm, Dupleix, etc. ; de victoires des armées françaises sous Napoléon Bonaparte : Wagram, Rivoli, Arcole, Marengo, Mondovi, Palestro, Castiglione, Palikao, etc. ; de philosophes : Montaigne, Descartes, Montesquieu, Diderot, Tocqueville ; d'auteurs de théâtre et d'écrivains : Rabelais, Molière, Corneille, Bossuet, La Fontaine, Victor Hugo, Fromentin, etc. ; de savants : Pasteur, Ampère, Montgolfier ; de penseurs et d'historiens : Michelet, Taine, de Tocqueville, etc. ; de saints et de saintes : sainte Barbe, saint Charles, saint Denis, saint Cloud, saint Donat, etc. ; d'hommes
politiques : Colbert, Gambetta, Thiers, etc. ; de villes de France : Nemours, Noisy-les-Bains (à l'instar des trois autres Noisy autour de Paris), Uzès-le-Duc, Orléansville, etc. ; de roi enfin : Philippeville.
Les noms de centaines de rues des villes et villages étaient surtout le livre ouvert où pouvait se lire le vaste texte et le chant général de la gloire française, de sa puissance, de la vastitude de son empire et, par subconscience, le trou noir, la béance, le vide de l'histoire de l'Algérie et du Maghreb qui, par conséquence, était donc «colonisable» et «civilisable». Or, bien que demandée de manière insistante et pendant des décennies par des partis politiques algériens puissants, la citoyenneté française était invariablement refusée aux Algériens qui la demandaient : le senatus consulte du 14 juillet 1865 accordait la nationalité française aux Algériens mais leur refusait strictement la citoyenneté, à raison de leur statut personnel. Ils restaient des «indigènes» régis par la charia et la coutume uniquement quant au statut personnel. Le reste des statuts juridiques, relevait du droit français pour la propriété foncière et surtout du «code de l'indigénat» comme droit pénal. Le 14 octobre 1870, par les décrets éponymes, Adolphe Crémieux donne la citoyenneté française aux trente sept
mille Algériens juifs, après leur avoir préalablement interdit la polygamie.
Pour les Algériens musulmans qui formaient l'immense majorité de la population, un double paradoxe résulta de leur statut juridique : pour eux, la nationalité sans citoyenneté ouvrait sur le statut de sujet français musulman de la République française, comme si celle-ci fonctionnait comme une monarchie. Cette situation dériva sur l'impossibilité pour eux de revendiquer, sur le sol de leurs racines, le droit du sol fondateur de la nationalité et de la citoyenneté ; l'impossibilité de voter dans un collège unique, en départements français, avec les Français d'Algérie ; l'impossibilité d'occuper des postes et toute fonction relevant de l'Etat, y compris dans l'armée dans laquelle,
pourtant, ils étaient conscrits au même titre que les citoyens français, se battaient et mourraient pour le drapeau français sur tous les champs de bataille, de l'empire, depuis la guerre du Mexique jusqu'à la «guerre d'Indochine» et la «guerre d'Algérie» pour les conscrits et les harkis. À leur corps défendant, ils devenaient, littéralement, des hors-la-loi, une res nullius, un impensé juridique, des sujets décivilisés, en déshérence dans leur propre pays, duquel ils étaient exclus tout en y vivant «depuis la nuit des temps». Finalement, c'est en tant qu'Algériennes et Algériens, vivant dans leur pays, qu'ils y vivaient comme étrangers, puisqu'ils étaient sujets français, et qu'en même temps ils vivaient… en France en tant qu'étrangers puisque l'Algérie était la France et qu'ils n'étaient pas citoyennes et citoyens français.
Il a fallu attendre le statut de l'Algérie de 1947 pour entrevoir la possibilité d'acquérir la nationalité française comme citoyenneté par la naturalisation, tandis que les colons dits “ultras” y mirent tant d'obstacles, que le statut ne fut appliqué que de manière parcimonieuse. Le premier novembre 1954 accomplit une rupture rédhibitoire dans les conditions les plus dramatiques que l'on sait. «Depuis la nuit des temps» ?
L'expression elle-même indique un problème : il est évident que nul ne peut vivre depuis la nuit des temps dans quelque pays que ce soit. En réalité, le présent n'est possible à vivre et à penser qu'à connaître, construire et se représenter l'épaisseur historique et/ou mythique, les aïeux et les ancêtres, les patrimoines et les héritages. Tout cela se fabrique par le travail de l'institutionnalisation de la mémoire. Cette dernière constitue des stocks positifs ou mythiques de récits épiques, de gestes, de monuments qui s'inscrivent / s'écrivent / se gravent / se graphent sur le sol même, comme racines implantées et «impériencées» de la mémoire et du passé. Alors la destruction des monuments, l'effacement des lieux, des gisements de sens à être et à vivre ensemble de manière singulière, à l'identique ou presque, privent les sociétés de leur mémoire et de leur différence. Inversement, s'il n'y a plus de mémoire, plus de
toponymie, de parole sociétale, de texte et donc de langage pour se représenter, il n'y a plus de territoire, ni de racines ou d'origines, fussent-elles parfaitement fantasmées. Que peut alors, aujourd'hui, évoquer (donner parole, donner voix) pour les générations
qui viennent à responsabilité, la commémoration du demi-siècle d'indépendance de l'Algérie ?
Remémorer c'est donner langage et sens à des évènements et faits qui n'existent plus. C'est aussi les fixer dans le temps
par la répétition de rituels de mémoire et de mémorisation.

Le poids de la mémoire
Commémorer c'est remémorer ensemble. Oui, mais avec qui ? Commémorer ensemble la fin de la dépendance, c'est-à-dire, la
ré-vocation de la colonisation, qui, entre mille et une façons d'effacer la puissance et la «capabilité» symbolique de la société algérienne, s'était légitimée par l'inscription toponymique de la civilisation française, en effaçant la civilisation de la société colonisée par l'investissement multidimensionnel de ses territoires. La guerre de conquête et ses violences absolues, la répression des multiples insurrections au XIXe siècle et au début du XXe, la paupérisation et l'appauvrissement général, la misère de millions de gens, la «guerre d'Algérie» avec ses massacres, la torture d'Etat, les milliers de disparus pendant la bataille d'Alger, les fosses communes, les camps de concentration, les «villages de regroupement», la guillotine fonctionnant comme au temps de la Terreur, entre mars 1793 et juillet 1794, pendant la Révolution française, etc., tous ces événements sont, aujourd'hui, sinon historicisés, du moins travaillés par deux mémoires différenciées, se niant l'une l'autre, mais aussi par la langue de bois, de part et d'autre de la Méditerranée.
L'importance de la question est telle qu'elle mine les relations entre deux sociétés qui n'arrivent pas à se séparer, parce qu'elles ne le veulent pas, mais qui n'arrivent pas, non plus, à avoir raison des obstacles mémoriels et des pièges symboliques que certains politiques dressent et exploitent de manière systématique, à des fins électoralistes et/ou politiciennes. Le contentieux est tel que, dans les deux cas, ce sont les sociétés qui restent victimes des troubles que les langages politique et médiatique provoquent. Le problème, tel qu'il est posé en France, est le lieu symbolique où gisent différentes préoccupations auxquelles les pouvoirs politiques ont évité de trouver des solutions autres que dénégatives. Il fallait, surtout en périodes électorales, glisser sans dommages sur les problèmes des Français d'Algérie et des harkis, de manière à ne pas heurter leur mémoire, une mémoire déficitaire d'elle-même, puisque ces populations ont considéré qu'elles ont été indûment, violemment et injustement chassées d'un pays qui était le leur : la France en ses départements d'Algérie.
Le problème des harkis est par ailleurs autre : les Algériens en ont fait des «collabos» et des traitres à leur patrie, tandis qu'en France, il en a été fait des patriotes français défendant le système colonial. D'un côté comme de l'autre, leur statut fut décidé à leur insu : des existants politiques, parti prenant du conflit et de la guerre en toute et pleine conscience. Dans la réalité quotidienne, leur position à l'égard des Algériens, était celle d'ennemis de l'indépendance et nécessairement ceux de leur propre société et de l'ALN et du FLN. Les harkis étaient issus des populations les plus misérables, de la paysannerie sans terre, expropriée depuis plus d'un siècle, vivant aux marges de la société coloniale et de la société colonisée, de manière quasi végétative et dans le dénuement le plus total, sans aucune éducation, ignorant jusqu'à l'existence de l'école, et pouvant ignorer jusqu'au nom du pays dans lequel ils vivaient. C'est peu dire qu'ils ne pouvaient en aucun cas accéder à la conscience patriotique ou nationale française. Comment pouvaient-ils, de surcroît, devenir des patriotes français ? Où avaient-ils appris l'histoire de France, pays dont ils ne pouvaient même pas imaginer la position géographique, ni même - comme la majeure partie des Algériens à l'époque- en parler la langue et vivre la culture ? Organisés en troupes supplétives de l'armée française, leur nombre n'est pas encore connu car censuré, comme n'est pas connu le nombre de tués parmi eux, avant et juste après l'indépendance.

Des questions en suspens
Voilà donc des populations évacuées en France, après bien des tergiversations au sein des plus hautes autorités françaises, et dont une partie a été abandonnée sur le terrain. Voilà des populations, décidées patriotes en France, mais qui fut parquée immédiatement dans le camp de Rivesaltes en Pyrénées Orientales, où étaient déjà passées des populations espagnoles fugitives après le reflux des Républicains de la guerre d'Espagne et des populations juives en attente d'être convoyées vers Auschwitz et Buchenwald ; qui furent parquées et isolées, pendant des années, dans des camps ou des villages forestiers construits expressément pour elles, à l'écart des villes et villages. Interdites d'Algérie et interdites de France, leur sort, dès le principe, fut scellé par la politique coloniale d'expropriation et de paupérisation de la paysannerie algérienne à laquelle elles appartenaient. Elles en furent doublement victime avant l'indépendance et après l'indépendance.
Du point de vue des relations actuelles et futures entre les sociétés algérienne et française, un demi-siècle après l'indépendance, la «question harkie» relève aujourd'hui de lourdes considérations d'humanité, et de rien d'autre.
Le drame des Français d'Algérie, dont une minorité - «Les cent familles»- était extrêmement active dans la politique coloniale, fut joué à quatre reprises successives :1) le 13 mai 1958, lors du coup d'Etat du général de Gaulle et la politique de ce dernier orientée rapidement vers l'abandon de la seule colonie française de peuplement ; 2) le discours du Général de Gaulle du 16 décembre 1959 proposant l'autodétermination pour choisir le destin de l'Algérie ; 3) la création de l'OAS à Madrid le 11 février 1961 ; 4) le putsch des généraux et la tentative de coup d'Etat dans la nuit du 21 au 22 avril 1961.
Dans leur majorité, les Français d'Algérie étaient contre l'indépendance de l'Algérie, qu'ils ne pouvaient imaginer et encore moins accepter. Les exceptions se comptaient parmi les militantes et les militants du Parti communiste algérien principalement, dans lequel militaient aussi des juifs attachés à leur origine arabo-berbère. La position de cette majorité de Français d'Algérie était sans nuances, si bien que, les événements se précipitant, les opérations sanglantes des terroristes de l'OAS contre les Français soupçonnés de tiédeur, et surtout contre les Algériens - et parmi ces derniers les rares élites-, finirent par isoler de manière rédhibitoire les «Pieds noirs» à la fois des «Français métropolitains» et des Algériens surtout. Il reste encore et toujours à chercher les causes lointaines, et surtout immédiates, de l'exode spectaculaire et massif de cette population, qui n'intéresse que peu de chercheurs professionnels. Il reste enfin que cet exode provoqué fut loin d'être total : deux centaines de milliers d'entre eux demeurèrent après l'indépendance dans leurs habitations et dans leurs métiers. Qui peut et doit répondre de tout cela ?
Le fait évident est que du côté algérien, aucune institution reconnue à l'échelle nationale et internationale ne pouvait disposer de la souveraineté et de la prise de décision : pas d'Etat et pas de gouvernement - le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), externalisé, n'avait aucune possibilité d'agir. Le FLN clandestin depuis sa création en 1954, ne disposait d'aucune centralité, ni d'aucune capacité nationale de gouvernement ou de simple élaboration de la décision nationale. Jusqu'au 05 juillet 1962, la souveraineté et le gouvernement de l'Algérie revenaient exclusivement à l'autorité de la République et de l'Etat français.
L'hypothèse est que, dans ce drame, le rôle de l'OAS est principal, dans la mesure où cette organisation terroriste avait réussi, par la désinformation, non seulement à massivement transférer -au sens psychanalytique du terme- sa responsabilité, et par suite sa culpabilité sur les Français d'Algérie, mais aussi par l'insécurité générale, la guerre totale et les destructions, à installer la panique et l'anarchie pendant plus d'une année, au sein des populations algériennes et «Pieds noirs». Ce qui surdétermina l'exode fut, peut-être, une politique du gouvernement français tout à fait voulue et pensée, de laisser s'installer cette panique et de mettre, de manière planifiée, les moyens de transport ad hoc pour la traversée de la mer Méditerranée et ainsi, confirmer en ne s'opposant pas à l'exode, que les Français d'Algérie n'étaient rien d'autre que des colonisateurs indus occupants d'un pays qui n'était pas le leur, puisqu'ils étaient rapatriés… et rapatriés en France, devenant ipso facto des citoyens de retour dans leur pays : la France. Dés lors que ce nouveau substantif les subsuma, il légitima leur départ d'Algérie qui n'aura donc jamais été leur pays !
Ce problème, comme tant d'autres, reste tabou, en Algérie. Un trou noir dans la mémoire, comme si le pays n'avait jamais été colonisé, ni qu'une population européenne dominante y avait vécu, refusant de parler les langues du pays, et s'étant imposée par la guerre, en y laissant sur le sol non pas des traces ou des restes livrables à la critique archéologique, mais des villes, des villages par dizaines, des infrastructures de toute sorte, une langue et une culture aujourd'hui enseignées et consommées et, qu'il n'y a pas si longtemps, l'écrivain de langue française Kateb Yacine considérait comme un butin de guerre. Ce trou noir est une abolition du temps et de l'histoire, qui dissimule, très mal, la permanence d'une blessure profonde, pas encore cicatrisée, une béance toujours douloureuse, parce qu'elle n'arrive pas à surgir dans la parole - celle des historiens pour le moins- et dans le présent permanent de la vie quotidienne. Ce trou noir est, tout aussi quotidiennement, recouvert d'un voile qui en fait un piège sournois : depuis l'indépendance, depuis un demi-siècle donc, la France, ancienne puissance coloniale - premier fournisseur et premier client économique de l'Algérie indépendante, dont la langue est parlée et la culture partagée par l'immense majorité des Algériennes et des Algériens, qui reçoit, chaque année, quelques centaines de milliers d'entre elles et d'entre eux sur son territoire-, n'existe dans la mémoire de la société, et donc dans le présent de celle-ci, que comme repoussoir, noyau fondamental autour duquel s'articule le discours politique identitaire ou identificatoire. La construction de l'identité, comme essence du discours officiel, restera impossible, tant que la France demeure ce contre laquelle la différence se constitue et se perpétue. Hors la France comme négatif, l'identité algérienne est, depuis un demi-siècle, impossible.
Le traumatisme de la colonisation, comme les ravages de la «guerre d'Algérie», sont l'énergie productrice d'une exigence permanente d'excuses demandées à «La France» - exigence fortement exprimée, pour cette déchirure, cette lacération des chairs du corps social par la torture d'Etat, systématique, pensée et exécutée comme politique de «pacification», par la guerre, par l'entreprise permanente d'effacement de toute mémoire et de toute représentation de soi pendant un siècle et tiers, par le détournement des langues, de l'histoire, des terres…
L'envers de ces catastrophes est, au contraire, la participation de gré (engagement) ou de force (conscription) au guerres françaises faites aux autres - en Europe, en Asie, en Amérique centrale-, et auxquelles ont participé des dizaines de milliers de soldats algériens colonisés, sur les champs de bataille en Crimée (1853-1856) ; au Mexique (1861-1867) ; à Sedan (1870), et sur d'autres champs de bataille encore. Pendant la première guerre mondiale et seulement à Verdun, vingt mille soldats algériens combattirent les troupes allemandes, dont au moins cinq mille y laissèrent leur vie. Pendant toute la deuxième guerre mondiale, l'essentiel des troupes de «l'Armée d'Afrique» était composé de tirailleurs algériens, soit des dizaines de milliers de jeunes gens, dont il est très rarement question dans les évocations françaises de cette guerre. Des batailles emblématiques, comme celle de Monte Casino, entre janvier et mai 1944, menées par les tirailleurs algériens et les tabors marocains, dont le sous-officier Ahmed Benbella, premier président de la République algérienne, ont été très coûteuses en vies humaines. De cela qu'est-il resté au jour de la reddition de l'Allemagne nazie le 08 mai 1945 ? Les massacres de plusieurs milliers de civils à Sétif et Guelma, déniés et reniés à ce jour ; comme sont déniés et reniés à ce jour les massacres de «plusieurs centaines d'Algériens» le 17 octobre 1961, massacres gérés par le préfet Papon de sinistre mémoire, celui-là même qui organisa les arrestations et les convois de citoyennes et de citoyens français juifs vers les camps nazis. Au-delà des faits avérés, ce qui est aussi refoulé, en France, c'est le fait que les Algériens de 1961 étaient de nationalité française, cette dernière leur ayant été confirmée à partir de 1957, et après qu'ils eurent renoncé à la demander parce qu'elle n'était pas accompagnée de la citoyenneté, et alors qu'ils revendiquaient l'indépendance. De ce fait, de par la loi de 1865, les «événements d'Algérie» étaient légalement et statutairement une guerre civile entre Français, puisque les «sujets de la République étaient de nationalité française» ! Et c'est cette guerre civile qui est barrée, censurée et refoulée par l'Etat et les media en France.

La place de l'histoire dans le présent
Il est rare que tout ce sang versé soit cité dans une symbolique de reconnaissance à l'égard de la société algérienne. Le pire est l'absence totale de «mémoration» et de commémoration car, pour ces centaines de milliers de soldats, il n'existe aucun musée, aucune histoire, aucune mémoire. Le pis est cette discrimination qui a frappé les anciens combattants des colonies qui touchaient une pension nettement moins importante que celle de leurs compagnons de combat français, comme si la valeur des vies était fonction du rapport colonisateur/colonisé, rapport reconduit après les indépendances du fait même de cette discrimination.
La question a été traitée très - trop- tard par le Président Jacques Chirac.
Cet «oubli» permanent du souvenir et de la commémoration, était exercé en toute conscience, et sans aucune contrainte, par l'Etat et les media, comme si d'être en dette de sang versé, vis-à-vis de la société colonisée, avait déclenché oubli, censure et refoulement.
À toutes ces guerres, y compris des guerres coloniales (l'Indochine) et des guerres contre la société algérienne elle-même (les supplétifs), auxquelles cette dernière a payé le prix du sang, s'ajoute une émigration de centaines de milliers d'ouvriers qui ont activement participé à la construction d'une économie française florissante, de villes, de ports, d'aéroports, d'autoroutes, de routes, de chemins de fer, de ponts…, depuis le début du siècle dernier. On en restera là.
En Algérie, l'énergie qui s'investit dans le conflit permanent entre une société qui aspire à l'égalité de statut avec l'ancienne puissance coloniale qui, de manière itérative, lui refuse ce statut, cette énergie se déperd dans une frustration réactive et dans le ressentiment. Chaque fois que l'occasion s'y prête, les plus hautes autorités, mais aussi l'intelligentsia, les partis politiques toutes tendances politiques confondues mais de manière inégale, la presse, etc., tentent d'obtenir une déclaration publique et solennelle, établissant officiellement les effets extraordinaires de la violence des guerres et des répressions des insurrections, que les Algériennes et les Algériens avaient subi pendant la colonisation. La commémoration du cinquantième anniversaire de l'indépendance a donné lieu à de nombreuses déclarations officielles ou non, interviews, articles de presse de toute sorte, débats dans les media audiovisuels, conférences et colloques nationaux et internationaux,… dans lesquels les questions d'excuses, de réparation, de reconnaissance des destructions et massacres et autres violences collectives sont réitérées de manière insistante.
De ce point de vue, les déclarations les plus représentatives sont venues de personnes et d'organisations ayant été profondément et directement concernées par ces questions de par leurs responsabilités politiques :
le 04 juillet 2012, le parti du Front de Libération Nationale, parti au pouvoir depuis un demi-siècle, et qui organisa et mena la guerre pour l'indépendance du pays, publie un appel dans des termes qui n'appartiennent pas au langage diplomatique, dans lequel il
exige des colonisateurs des excuses et des réparations.
Ailleurs, dans une interview, Maître Amar Bentoumi, ancien militant et haut cadre du FLN de la guerre et premier ministre de la justice de l'Algérie indépendante, déclare qu'« il faut d'abord solder [les] comptes avec la France, [et] que justice soit rendue au peuple algérien et ses martyrs », avant d'envisager une coopération jugée nécessaire pour des considérations d'ordre stratégique et géopolitiques.
Il cite à l'appui de son argumentation les échanges humains extraordinairement importants, la langue et la culture françaises en partage, et suggère même une symétrie de colonisation de peuplement, puisque qu'«aujourd'hui il y a autant d'Algériens en France qu'il y avait d'Algériens en Algérie en 1830». Les arguments en faveur de la coopération sont extrêmement forts, et créent une puissante motivation. Au demeurant, il n'existe pas, aujourd'hui, en Algérie, de personnalité ou de parti politique, qui soit opposé au développement d'une coopération exceptionnelle par la construction de liens spécifiques entre l'Algérie et la France.


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