Raconter un compagnon de route disparu est loin d'être un exercice de style. Donner un sens à son parcours et sa vie sans que ce ne soit de la partialité amicale qui s'exprime. Une tâche ardue que s'est assigné l'ancien directeur de la Cinémathèque d'Alger, Boudjema Kareche. L'héritage du charbonnier, que vient de publier M. Kareche, à compte d'auteur, est un récit sur la vie et l'œuvre du cinéaste algérien Mohamed Bouamari. Un titre qui se veut rassembleur de deux films cultes du défunt réalisateur, disparu en 2006. Comme un clin d'œil fraternel, l'ancien directeur de la Cinémathèque algérienne interroge sa mémoire des longues années de compagnonnage avec son ami cinéaste. A Alger, Carthage ou Paris, Kareche retrace le parcours exceptionnel d'un cinéaste talentueux. À travers des récits anecdotiques de ses voyages en Algérie et à l'étranger au côté du cinéaste, décédé en 2006, Boudjema Kareche revit l'effervescence culturelle dans l'Algérie des années 1970. A travers l'hommage à cet homme, il souligne les difficultés de la production cinématographique algérienne. Une difficulté imputée au mode de gestion des différentes structures mais surtout à une fermeture progressive des salles obscures. Les années 70 durant lesquelles le réalisateur du Charbonnier a su s'imposer par ses qualités et représenter une forme de tournant dans la cinématographie algérienne marquée, jusque-là, par le thème de la guerre d'indépendance. Boudjema Kareche dresse le portrait d'un artiste hors pair, depuis leur première rencontre à Alger en 1967 et jusqu'à leur rencontre à Aix en Provence dans le sud de la France durant les années du terrorisme en Algérie, en passant par Pékin, en Chine, ou Ouagadougou au Burkina Faso. Boudjema Kareche souligne les traits d'un artiste engagé pour l'émancipation des femmes, féru d'échanges et de conversations utiles, autour de la passion du cinéma. Mohamed Bouamari est décédé, à l'âge de 65 ans, le 1er décembre 2006 à Alger, d'une crise cardiaque. Il a été inhumé au cimetière de Ben Aknoun. La profession perd en lui une voix attachante et frondeuse. Le lecteur profane apprendra que Mohamed Bouamari s'était fait remarquer dès 1973 avec Le Charbonnier (Al Fahhâm), son premier long-métrage récompensé du Tanit d'argent, à Carthage, et du prix Georges Sadoul, à la Semaine internationale de la Critique, à Cannes. Son film scrutait le monde rural à travers un modeste charbonnier dont l'activité est menacée par l'apparition du gaz. Né en 1941 à Guedjel, au sud-est de Sétif, Mohamed Bouamari a grandi à Lyon où il est arrivé à l'âge de 10 ans. Venu au cinéma en autodidacte, il tourne Conflit un premier court-métrage avant de retourner au pays en 1965. Jusqu'au début des années 70, il est tour à tour assistant sur La Bataille d'Alger, de Gillo Pontecorvo (1965), Le Vent des Aurès, de Mohamed-Lakhdar Hamina (1965), L'Etranger, de Luchino Visconti (1966), La Voie, de Mohamed Slim Riad (1968), Z, de Constantin Costa-Gavras (1969), Le Festival panafricain d'Alger, de William Klein (1969), Remparts d'argile, de Jean-Louis Bertuccelli (1970) et Patrouille à l'est, de Amar Laskri (1970). Vie et œuvre de Mohamed Bouamari, le récit met en exergue la passion du cinéma et du directeur de la Cinémathèque algérienne et du réalisateur disparu. Les films sont omniprésents tout le long des 190 pages de la biographie. Cette passion du cinéma va pousser les deux amis à sillonner le pays, y compris dans les villages socialistes, pour projeter, et en plein air, le film Le charbonnier où «(...) toutes les femmes du village étaient sagement assises devant l'écran et nous pûmes constater même quelles s'étaient préparées pour la circonstance... Et la projection commença... L'atmosphère était dense, tant les spectateurs vivaient profondément le film. Pendant la séquence où le charbonnier gifle sa femme par désespoir et misère, Bouamari... aperçut des larmes qui scintillaient... Il ne put retenir les siennes». Aussi, M. Karèche ne pouvait absolument pas rendre hommage à feu Bouamari sans évoquer celle qui l'a soutenu tout au long de ce parcours. Sa femme. Fetouma Ousliha. «Il nous est impossible, pratiquement interdit, de tenter un récit sur la vie et l'œuvre du cinéaste Mohamed Bouamari, sans évoquer son épouse, son actrice, sa complice, Fetouma Ousliha», dit-il. Dans Premier pas en 1978, il lui confie un rôle principal posant sa vision de la question de l'émancipation des femmes. Un rôle qui permettra à la comédienne Fettouma Ousliha-Bouamari, de se voir décerner le prix d'Interprétation féminine à Carthage. L'héritage du charbonnier, raconte Mohamed Bouamari. Il permet de palper la passion de feu Bouamari mais aussi de l'auteur. Malheurs, bonheurs, joies et tristesses redonnent corps et souffle à des époques homériques. Le livre suinte l'amour du Cinéma. Plutôt qu'un livre à lire, L'héritage du charbonnier est un défilé d'images. Un livre à…voir. G. H. L'héritage du charbonnier, Boudjema Kareche, un livre publié à compte d'auteur, 600da