Quel meilleur hommage à rendre à un ami disparu que celui de transcrire sur du papier des souvenirs révolus à jamais. Avec L'Héritge du charbonnier, vie et œuvre de Mohamed Bouamari, l'auteur Boudjemaâ Karèche revient à travers son essai sur des moments de complicité et de partage vécus en compagnie de son regretté ami, le cinéaste Mohamed Bouamari. Ce dernier est décédé, en décembre 2006, d'une crise cardiaque. Il se fait remarquer, en 1973, avec son premier long métrage Le Charbonnier. Un film qui sera récompensé du Tanit d'argent à Carthage, et du prix Georges Sadoul à la Semaine internationale de la Critique à Cannes. Le texte des plus fluides et visuellement aéré, Boudjemaâ Karèche décline son essai sous la forme d'un film bien ficelé. Et il en connaît un bout sur l'univers cinématographique, puisqu'il a occupé pendant trente-quatre ans le poste de directeur de la Cinémathèque d'Alger. Dans l'avant-propos, Boudjemaâ Karèche explique le pourquoi et le comment de la publication d'un tel livre. D'emblée, il tient à préciser que les quelques textes qu'il livre aujourd'hui se rapportent à des moments, à des situations vécues avec le réalisateur. «Ces moments sont vrais et ils nous permettent de rendre compte de la façon la plus fidèle et sincère possible ce qu'était cet immense créateur. Notre tâche est certainement ardue et difficile, mais nous la savons aussi utile et précieuse… Une réalité nous saute aux yeux aujourd'hui, celle de constater que le cinéma algérien et Mohamed Bouamari ont le même âge. Comme notre cinéma, Mohamed est né à ce métier au début des années 1960, ils eurent, tous deux, leur apogée dans les années 1970, commencèrent à décliner dès la fin des années 1980, pour mourir au début des années 2000.» L'incipit du livre s'ouvre sur l'annonce du décès du regretté cinéaste avec, en prime, son lot de souvenirs personnels. Tel un chapelet que l'on déroule, Boudjemaâ Karèche remonte loin dans le temps et dans l'espace. Il ègrenne des souvenirs révolus à jamais. Il se remémore avec un pincement au cœur et avec exactitude les moments de complicités et d'amitiés partagées avec son défunt ami. Un ami qu'il a connu en 1967, plus exactement à la terrasse de la Brassserie des Facultés d'Alger. Le brillant parcours de Bouamari est revisité avec force détails. Des haltes heureuses au niveau de certaines wilayas du pays et à l'étranger sont à l'honneur. Les déplacements effectués pour les besoins de la présentation et la promotion de certains films de Mohamed Bouamari, qui a réussi à introduire quelques-uns de ses films dans certains villages socialistes dans les années 1970. Sa passion était si intense pour le cinéma qu'il réussit avec élégance, tout au long de sa vie, à surmonter les problèmes liés à sa profession. Lors d'une vente-dédicace organisée dernièrement à la salle Mohamet Zinet de Riad El Feth, Boudjemaâ Karèche a déclaré modestement qu'il «a essayé de rendre avec autant de franchise possible, parce que j'ai bien sûr arrangé les histoires en écrivant, ce souvenir de la forte impression qu'il dégageait sur moi, car il n'arrêtait pas de parler et uniquement du cinéma sous toutes ses coutures.» Un livre qui ne laissera pas insensible le potentiel lecteur de par les informations intéressantes apportées sur un homme hors du commun. Il est à noter, par ailleurs, que l'essai L'Héritage du charbonnier est agrémenté de la riche filmographie du défunt, ainsi que de quelques photographies réalisées en noir et blanc. L'Héritage du charbonnier, vie et œuvre de Mohamed Bouamari. Edité à compte d'auteur. 194 pages / Novembre 2012.