La villa Abdellatif, un lieu chargé d'histoire et d'émotions, accueille depuis jeudi dernier et jusqu'au 13 juin prochain, une exposition de l'artiste plasticien Rachid Koraïchi, qui présente une série de lithographie intitulée «Maqamate» (escales) et sept sculptures baptisées «Prière à l'absente». L'exposition est une invitation à faire une halte, dans une atmosphère esthétique pétrie de sérénité, au cœur de la ville loin de son tumulte et son bourdonnement perpétuel. Le choix de ce lieu intemporel est au diapason avec les œuvres de Koraïchi, transcendant le temps et l'espace pour sublimer le verbe, l'écriture et le signe pétris d'une symbolique où l'esprit s'élève contemplant le souffle de la création divine dans la pureté des lignes et l'équilibre des masses. A travers «Maqamate», Rachid Koraïchi, convie les visiteurs à faire une halte dans le tourbillon de la vie et méditer, sur une série de sept lithographies ; plus une. Chaque série consacrée à dix personnalités saintes du soufisme. En l'occurrence Rabia El-Adawiyya, Sidi Boumediène Chouaieb, Jallal Eddine El-Rûmi, Ibn El-Arabi, Ibn Ata Allah El-Iskandari, El-Hallaj, Farid Eddine Attar, Cheikh Sidi Ahmed Tidjani, Cheikh El-Alawi El-Moustaghanami et Sidi Abdelkader Jilani. Il est à noter qu'un soin mystique a été apporté au nombre des œuvres exposées, à travers le chiffre 7, un chiffre béni et sacré, il ajoute à chaque série, un huitième tableau, symbole de l'infini où il grave sur la pierre les 99 noms de Dieu. Chaque série est aussi ponctuée d'une couleur différente, représentant chaque saint, tel une aura enveloppant l'esprit matérialisé de cet héritage cultuel à travers l'incarnation symbolique du bleu, du vert, du rouge et autres. Ces lithographies où les courbes de la calligraphie arabe reproduisant des extraits de textes mystiques s'harmonise à la symbolique des signes des aïeux amazigh, à l'instar du croissant de lune, du soleil, d'oiseaux et les formes carrées, triangulaires et en spirales. Tout cela dans une logique esthétique, afin que chaque chose prenne sa place et son sens dans cet univers artistique pétri de mysticisme soufie. A travers cela, «Maqamate» est une ode à ce qu'il y a de plus pur et de plus apaisé dans la religion musulmane, un hommage aux saints du soufisme, invitant les musulmans à méditer sur «les paliers de l'élévation spirituelle par lesquels les musulmans sont invités à se rapprocher par la foi et la connaissance de la vérité divine». Rachid Koraïchi se nourrissant de la sève créatrice de ses racines algériennes et musulmanes, s'imprègne de cette aura mystique, où chaque détail, chaque courbe, chaque ligne fluide trouve sa juste place dans des œuvres harmonieuses. Il interpelle le regard et l'esprit, l'emmenant à de multiples niveaux de lecture et d'interprétation, valsant entre la béatitude terrestre et céleste. Au-delà du simple regard du profane, du néophyte ou de l'expert, ses multiples escales invitent les visiteurs à une exaltation des sens, afin de ressentir les œuvres au-delà du simple visible, à écouter la douce litanie de l'agencement des lettres et des symboles, à humer le parfum sacré des lieux bénis, à toucher la matière par l'effleurement d'un regard, à savourer l'exquise nourriture de l'esprit dans une gourmandise insatiable. Tel est le talent de l'artiste. Explorant sans cesse de nouvelles matières, volumes et univers esthétique emprunt de symbolique et de différents paliers d'interprétation, Rachid Koraïchi convie les visiteurs à une découverte artistique, celle d'une autre forme de beauté et d'interpellation des émotions à travers la série de sept sculptures placées dans le patio de la villa Abdellatif intitulée «prière à l'absente». Un hommage de l'artiste à sa mère disparue, «qui manque même à son ombre» et qui entre dans le cadre d'une exposition grandiose en 2014 à la cathédrale de Casablanca un autre lieu symbolique chargé de spiritualité et de croisement de destins et de l'histoire, un lieu où résonnent d'autres formes de prières mais toujours dédié à magnifier la création divine. Au fils de la course du soleil et du bruissement du vent dans le jardin luxuriant de la villa Abdellatif, les sculptures, telles des gardiennes du temple, aux courbes harmonieuses entrelacées avec des graphismes bruts, glissant leurs ombres furtives sans cesse en mouvement, tel des êtres emplis d'énergie vitale. Les organisateurs soulignent dans la présentation que : «Chaque sculpture affirme sa silhouette dans l'espace à la fois par sa masse sombre et légère mais aussi ses ombres graphiques entremêlées. Présences palpables et impalpables, silhouettes à la fois absentes et présentes.» Au Final Rachid Koreïchi, relève encore le défi une fois encore d'émouvoir et interpeller les cœurs et les esprits à travers des œuvres esthétiques, enracinées dans l'héritage culturel, mais portées par l'élan de la modernité. Et tel que l'a souligné un des intervenants au colloque qui lui a été consacré : «Au-delà de l'expérience esthétique, au-delà de l'art, Rachid Koraïchi, emporte à travers ses œuvres et sa voix solaires, les individus dans des expériences spirituelles où parfois le silence résonne comme un souffle divin. C'est un passeur qui à travers le signe marqué de l'empreinte du sacré, interpelle la sensibilité de chacun, et fait comprendre que ce n'est que grâce à l'ouverture de son esprit et de son cœur, cette perception à travers tous les sens, que l'on peut comprendre le véritable sens des choses.» S. B.