Invité au forum de Liberté, hier, le représentant de l'Unicef en Algérie, M. Tomas Davin, a détaillé son programme d'action en matière de protection de l'enfance. Un programme beaucoup moins dense qu'ailleurs, en raison «des richesses et des nombreux investissements structurels dont dispose déjà le pays», a-t-il estimé. En réalité, l'Unicef fait, en Algérie, un travail d'accompagnement des différentes politiques sociales menées au profit de l'enfance. Elle intervient, en collaboration avec les ministères et institutions concernés, dans les domaines de l'éducation, la santé ou encore le handicap. Pour assurer sa mission de protection de l'enfance, l'Unicef compte appliquer, en collaboration avec le ministère de la Solidarité nationale et d'autres partenaires de la société civile, une stratégie visant à identifier, suivre et protéger les enfants victimes de violences. L'organisation onusienne note, sur le terrain, un manque de communication entre les différents intervenants institutionnels locaux. L'Unicef va donc tenter d'intervenir pour faire le lien entre les services concernés. «Nous venons de terminer une enquête nationale en collaboration avec le ministère de la Santé pour cartographier les privations de l'enfant afin d'intervenir de façon ciblée», a annoncé M. Davin. L'accent sera mis sur la prise en charge des enfants privés de parents. «L'Unicef plaide pour la mise en place de familles d'accueil mais la décision d'enlever un enfant à sa famille est lourde à gérer socialement», explique-t-il. La décision est d'autant plus difficile que «la loi algérienne ne permet pas de contrôle au sein des familles d'accueil», a-t-il ajouté. S'agissant de l'éducation, l'Unicef en Algérie favorise une approche qualitative. «La bataille de l'accès à l'éducation est déjà gagnée en Algérie, reste à remporter celle de la qualité de l'enseignement», a-t-il annoncé. Le programme onusien prévoit, d'abord, la mise en place d'un réseau national de maternelles, en collaboration avec le ministère de l'Education nationale. M. Davin estime, en effet, que la prise en charge éducative dès la petite enfance crée un cadre d'apprentissage. «Le préscolaire permet un retour sur investissement de 10 à 15 dollars par enfant et par dollar investi», précise-t-il. M. Davin voit également dans cette méthode une façon d'homogénéiser le niveau des enfants qui accèderont au cycle primaire. L'objectif est aussi d'éviter les redoublements. «7 enfants sur 100 arrivent en terminale sans avoir jamais redoublé», a-t-il relevé. L'autre cheval de bataille de l'Unicef concernant l'éducation est la lutte contre la déperdition scolaire. Un phénomène qui touche statistiquement les garçons plus que les filles. En 2009, on comptait plus d'un demi-million d'enfants sortis du système avant de l'avoir terminé. Pour y remédier, il est prévu la mise en place d'un système numérique d'information qui permettra d'identifier d'abord les enfants qui abandonnent l'école. Ensuite, les raisons qui les y ont poussés afin de cibler les interventions en la matière. Il donnera quelques chiffres : «9% des enfants quittent l'école après le cycle primaire, 34% après le collège et seulement 66% de ceux qui restent, passent au cycle secondaire.» De même, la mise en place des maternelles participe à la lutte contre la déperdition scolaire, selon M. Davin. «L'enfant habitué dès l'âge de 3 ans à aller à la maternelle ira plus facilement à l'école», explique-t-il. Toujours dans le souci d'améliorer la qualité de l'enseignement, l'Unicef est en négociation avec le ministère de l'Education nationale en vue de la mise en place de tests internationaux pour évaluer le niveau algérien. En ce qui concerne le volet santé, l'intervenant a d'abord souligné les avancées en matière de vaccination. Un domaine dans lequel l'Unicef n'intervient plus depuis la mise en place, par les autorités, du calendrier vaccinal. Il relève néanmoins des problèmes ponctuels de disponibilité des vaccins, mais juge la situation globale, en la matière, «très satisfaisante». L'Unicef compte donc mobiliser ses efforts sur la mortalité néonatale et maternelle. Le phénomène touche 25 à 30 enfants, de moins de cinq ans, sur 1 000. Dans la majorité des cas, la mort intervient dans les six premières semaines après la naissance. «Nous allons mettre en place, avec le concours du ministère de la Santé, un système d'audit sur la mortalité néonatale et maternelle pour en déterminer les causes les plus fréquentes et ainsi les traiter», annonce-t-il. L'Unicef, qui d'ordinaire traite de malnutrition dans les pays où elle active, note en Algérie un problème de retard de croissance chez 11,3% de la population des enfants de moins de cinq ans. Ce qui cause également un développement cognitif 30% inférieur à la normale. Les foyers les plus vulnérables seraient nombreux dans le grand Sud et les Hauts-Plateaux. Le handicap est également un axe majeur du plan d'action de l'Unicef. C'est d'ailleurs le thème choisi pour leur rapport annuel qui sera présenté, le 1er juin prochain, à l'occasion de la Journée internationale de l'enfance. À ce sujet, M. Davin s'est dit «humble en termes d'objectifs face à l'ampleur du problème». Deux actions sont déjà en cours de réalisation. «Nous discutons avec le ministère de l'Education nationale pour créer au moins une classe intégrée par école», a annoncé M. Davin. Par ailleurs, en collaboration avec les scouts algériens, une structure spécialisée est en train d'être réalisée à Boumerdès et sera en mesure d'accueillir entre 300 et 400 enfants handicapés. «C'est une goutte d'eau dans l'océan mais c'est un début», se justifie-t-il. Mais M. Davin s'est montré optimiste, précisant que la ministre de la Solidarité, Mme. Bendjaballah, avait pris en charge le dossier. A. H.