Le parquet a fait appel du verdict pour 20 assaillants de l'ambassade américaine à Tunis, condamnés à des peines de prison avec sursis, a annoncé hier le ministre de la Justice. Un appel qui intervient après la protestation de Washington qui n'a pas caché son mécontentement. «Le ministère public a fait appel (...). Nous comprenons la réaction des Etats-Unis étant donné qu'ils sont la partie lésée, que les dégâts étaient énormes et que le verdict était clément», a déclaré le ministre Nadhir Ben Ammou, ajoutant que l'Etat tunisien n'était «pas satisfait de ce procès». Le tribunal de première instance de Tunis a condamné, mardi, à deux ans de prison avec sursis 20 personnes ayant participé en septembre à l'attaque de l'ambassade, que les autorités tunisiennes ont attribué à la mouvance salafiste djihadiste. Le procès éclair n'a duré qu'une demi-journée et le verdict avait été rendu dans la nuit. La représentation américaine avait réagi le lendemain en se disant «profondément inquiète». «Le gouvernement tunisien a déclaré publiquement son opposition à ceux qui ont recours à la violence. Par ses actions, le gouvernement tunisien doit également démontrer qu'il n'y a aucune tolérance envers ceux qui encouragent et utilisent la violence pour atteindre leurs objectifs. Le verdict du 28 mai a échoué à cet égard», avait-elle estimé. Le ministre de la Justice a souligné hier que la décision de faire appel avait été prise «avant même la publication du communiqué de l'ambassade», alors que ce texte avait été dénoncé par certains politiques comme une «tentative d'ingérence» dans les affaires tunisiennes. M. Ben Ammou a estimé que le jugement prononcé mardi était «contraire à la loi». En septembre, la diffusion sur internet d'extraits d'un film islamophobe avait déclenché une vague de violences à travers le monde musulman. A Tunis, l'ambassade des Etats-Unis avait été attaquée par une foule de manifestants, dont de nombreux islamistes radicaux, et quatre assaillants avaient été tués. La représentation diplomatique et l'école américaines avaient été partiellement incendiées et saccagées, tandis que la police, débordée, avait mis des heures à repousser la foule. Environ 80 personnes sont encore dans l'attente d'un procès pour leur participation aux violences du 14 septembre, selon leurs avocats. Les organisateurs présumés n'ont pas été arrêtés, en particulier Abou Iaydh, chef du mouvement djihadiste Ansar al Chariaa et vétéran d'Al-Qaïda en Afghanistan, qui est en fuite. La Tunisie est confrontée depuis la révolution de janvier 2011 à un essor de groupes salafistes responsables de plusieurs attaques, en particulier contre la police ou contre des manifestations culturelles. Le gouvernement, dirigé par les islamistes d'Ennahda, a longtemps été accusé de laxisme vis-à-vis de ces groupes, mais les autorités ont durci leur position depuis la découverte de groupes armés liés à Al-Qaïda près de la frontière algérienne, en avril. Le traitement des manifestations d'Ansar al-Chariaa témoigne de la nouvelle manière de gérer. Les autorités sont restées inflexible. R. I.