C'est un véritable test que passera la Tunisie aujourd'hui face aux conséquences désastreuses que pourrait engendrer pour le pays la tenue à Kairouan du rassemblement salafiste, malgré son interdiction officielle par le gouvernement que dominent les islamistes d'Ennahda. La Tunisie amorce aujourd'hui un virage décisif pour son avenir avec cette probable confrontation entre les forces de sécurité et les salafistes, lesquels, défiant toute autorité de l'Etat, comptent bel et bien tenir aujourd'hui à Kairouan leur congrès. Cela rappelle étrangement les évènements de juin 1991 en Algérie, lorsque les islamistes avaient défié le pouvoir en place avec les conséquences que l'on connaît. Il faut croire que la situation est quasi similaire et que le danger est réel pour la Tunisie. Les forces de police, qui sont sur le qui-vive depuis quelques jours, ont pris des dispositions particulières sur la route de Kairouan, où d'importants renforts policiers étaient déployés aux péages. Les agents se chargent de fouiller en particulier les transports collectifs reliant les villes tunisiennes. Un imposant dispositif sécuritaire est également visible dans la capitale tunisienne, où fourgons de la police et camions de l'armée patrouillaient au centre-ville et dans les quartiers considérés comme des bastions d'Ansar Charia. Cette organisation islamiste a donc décidé de défier le gouvernement tout aussi islamiste, puisque dirigé par le parti Ennahda, en maintenant son congrès. L'interdiction du rassemblement prononcée vendredi par le ministère tunisien de l'Intérieur en raison “de la menace qu'il représente pour la sécurité et l'ordre public" n'a pas empêché le groupe Ansar Charia de maintenir la réunion, en lançant un appel aux 40 000 militants qu'il revendique à venir à Kairouan, ville réputée comme étant le centre spirituel et religieux de la Tunisie. Cette obstination fait craindre le pire. Tolérés jusque-là par le gouvernement islamiste d'Ennahda, les groupuscules salafistes ont profité de la situation sécuritaire prévalant ces dernières semaines dans le pays, où des combattants d'Al-Qaïda ont été signalés, pour s'imposer davantage. La provocation est venue, la semaine dernière, du chef d'Ansar Charia, Saïf Allah Bin Hussein, dit Abou Iyadh, un vétéran d'Afghanistan ayant combattu avec Al-Qaïda, qui avait déjà menacé de “guerre" le gouvernement en accusant Ennahda de mener une politique contraire à l'islam. Emprisonné sous le régime déchu de Zine El-Abidine Ben Ali, puis libéré par une amnistie décidée après la révolution de janvier 2011, Abou Iyadh est en fuite depuis l'automne 2012, les autorités le soupçonnant d'être l'organisateur de l'attaque en septembre de l'ambassade américaine à Tunis, qui avait fait quatre morts parmi les assaillants. Pour rappel, les forces de sécurité et les militaires pourchassent depuis fin avril des groupes armés retranchés dans l'ouest du pays, près de l'Algérie. Seize soldats et gendarmes ont été blessés par des mines artisanales lors de cette traque. La Tunisie a vu depuis la révolution se multiplier les violences orchestrées par la mouvance salafiste. Le pays est aussi déstabilisé par une profonde crise politique, faute de consensus sur une nouvelle Constitution, et la multiplication des conflits sociaux face à la misère et la pauvreté. Les Tunisiens craignent le pire À l'image de la presse tunisienne d'hier, qui exprimait sa crainte de voir le pays entrer dans une spirale de violences entre forces de sécurité et militants salafistes qui veulent tenir aujourd'hui leur congrès malgré son interdiction, les Tunisiens redoutent le pire. Le quotidien Le Temps s'inquiète des “40 000 illuminés" qui veulent aller à Kairouan pour participer au rassemblement du principal mouvement salafiste jihadiste du pays. Il estime que l'idéologie violente d'Ansar Charia ne fait pas de doute, ses militants “se réservant le paradis et allumant les bûchers de l'enfer pour tous les autres". Pour ce journal, “la seule parade possible ne réside qu'en la force des institutions sécuritaires et en le refus de la société tunisienne de ces groupuscules". De son côté, La Presse relève qu'en décidant de défier l'interdiction du congrès, les salafistes ont démontré qu'ils sont “déterminés à entrer en confrontation avec le pouvoir à un moment où le peuple tunisien tout entier tente de cimenter son union nationale face au terrorisme international". Il voit dans le rassemblement “une provocation qui sonne comme un appel à la révolte de tous les extrémistes et fauteurs de troubles". M T Nom Adresse email