Après les heurts qui ont émaillé la Tunisie dimanche dernier, voilà que le groupe salafiste jihadiste Ansar Al Charia, qualifié de terroriste par les autorités tunisiennes, revient à la charge, en appelant à manifester ce vendredi à Kairouan dans le centre du pays. Une manifestation qui intervient, selon Ansar Al Charia, pour protester contre l'arrestation de leur porte-parole Seifeddine Raïs. «Appel à tous les musulmans à un rassemblement de protestation et de soutien au porte-parole d'Ansar Al Charia, Seifeddine Raïs, devant le siège d'Ennahda, parti islamiste au pouvoir, près de Bab Jalladine à Kairouan», a annoncé hier ce groupe sur sa page Facebook. Le ministère de l'Intérieur a, pour sa part, refusé de préciser les raisons de l'arrestation de M. Raïs, dimanche à l'aube à Kairouan. A ce sujet, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Mohamed Ali Aroui, s'est contenté de déclarer que «la loi sera appliquée lorsqu'une personne ne respecte pas la loi». Par ailleurs, un autre représentant de ce ministère, Lotfi Hidouri, a pour sa part déclaré ne pas avoir d'informations sur les faits reprochés à M. Raïs. Quant au ministère de la Justice, il a aussi refusé de commenter l'arrestation du porte-parole d'Ansar Al Charia. Il y a lieu de préciser que Seifeddine Raïs a été arrêté alors qu'il faisait son footing dimanche à l'aube à Kairouan, jour où son groupe comptait tenir un rassemblement interdit par les autorités. En réaction à cette interdiction, les partisans de l'organisation jihadiste ont tenu leur rassemblement à la cité Ettadhamen, leur bastion près de Tunis, déclenchant des affrontements avec la police qui ont fait un mort et 18 blessés dont 15 policiers, selon un bilan officiel. Par ailleurs, 274 personnes ont été arrêtées. Après avoir longtemps toléré cette mouvance, les autorités ont multiplié les opérations contre les jihadistes, en particulier depuis le début du mois de mai, lorsque le gouvernement a reconnu la présence de groupes armés d'Al-Qaïda à la frontière du pays avec l'Algérie. Ansar Al Charia a été créé après la révolution de 2011 par Abou Iyadh, un vétéran d'Al-Qaïda en Afghanistan, que les autorités accusent de plusieurs attaques en Tunisie dont celle de l'ambassade des Etats-Unis en septembre dernier. Ce mouvement estime être la victime de poursuites injustifiées. Dans la foulée de ces événements, l'opinion tunisienne s'interroge sur la complaisance du gouverneur de Kairouan envers les partisans d'Ansar Al Charia. Ainsi, pointé du doigt par un collectif d'associations de la société civile, le gouverneur de Kairouan est notamment accusé d'avoir coordonné avec des membres d'Ansar Al Charia. Et d'après la publication El Maghreb, Abdelmajid Laghouan dont l'affiliation «Nahdaoui» ne fait guère de doute quant à sa collaboration avec les salafistes, et se trouve ainsi sur un siège éjectable et pourrait quitter ses fonctions dans les prochains jours. L'opposition accuse le gouvernement de laxisme Le leader du Parti républicain, Ahmed Nejib Chebbi, interviewé lundi par Jean-Pierre Elkabach au micro d'Europe 1, s'est exprimé sur les récentes violences qui ont secoué haï Ettadhamen et Kairouan. Interrogé sur la question de savoir si la Tunisie n'était pas rentrée dans une spirale de violences et si les violences de haï Ettadhamen ne constituent pas le point d'orgue de la multiplication et de la prolifération de l'intimidation salafiste, Ahmed Nejib Chebbi a estimé que la complaisance et le laxisme du mouvement Ennahda ont cultivé un terreau propice à l'escalade salafiste. «Nous avons souffert d'un laxisme de la part du gouvernement et particulièrement du ministère de l'Intérieur qui était dirigé par l'actuel chef du gouvernement», a-t-il asséné, avant de poursuivre «qu'aucune réaction rigoureuse n'a été faite par l'Etat». «Certaines fractions du mouvement Ennahda, que je n'accuse pas dans sa totalité, y voyaient une force de réserve à laquelle ils recourraient en cas de danger ou comme une force de manœuvre», a ajouté Nejib Chebbi.