Qui ne connaît pas Google ? Certainement pas tous ces journalistes, pas spécialement des stagiaires, qui «pompent» sans le moindre scrupule, souvent à la virgule près, les contenus de «leurs» articles dans le site du géant mondial de l'Internet. Pas que les journalistes, d'ailleurs. Mémoires et thèses universitaires, études économiques et sociales, projets et synthèses ministériels… tout ce qui sollicite la documentation et l'écrit «clé en main» y passe allègrement. Pour ceux qui ne le savent pas encore, le verbe «googler» («n'gouguel, t'gougueul, n'gouglou, igouglouent») a déjà enrichi notre pataquès national. Simple suggestion aux directeurs de journaux et aux ministres qui n'aiment pas le plagiat : pour trois fois rien, ils peuvent équiper leurs serveurs de logiciels anti-plagiat capables de détecter un «copier-coller», même traduit d'une autre langue. Avers et revers de la médaille, le progrès technologique, avec les facilités excessives qu'il procure, a aussi ses côtés qui favorisent une dévalorisation morale et intellectuelle. Mais pour rien au monde, on ne regrettera que Mac Luhan ait eu cette vision prophétique du «village planétaire», qu'il a théorisée avant que le Web, cette fabuleuse machine qui réduit le monde à la dimension d'une tribu, ne tisse sa toile d'araignée. Pardon pour les démocrates et modernistes de Tunisie et d'Egypte, que Facebook a grandement contribué à faire prendre dans les rets de monstrueux «illuminati», mais qu'ils ne désespèrent pas et surtout ne s'avouent pas vaincus. Bientôt, très bientôt, ils pourront retourner contre leurs adversaires leurs propres armes, avec une efficacité et un pouvoir «giga-gigantesque». Il doit être permis de douter par principe de la philanthropie de Google qui offre à la planète entière -et gratuitement, s'il vous plaît- toutes ces merveilles technologiques qu'il n'arrête pas de mettre au point. Pour autant, et malgré les travers qui vont avec, nous sommes et resterons preneurs. Comme le sont les services de renseignement américains qui puisent dans les fichiers de Google et de Facebook, avec l'aimable permission des deux entreprises de la Silicon Valley. Vous savez maintenant pourquoi votre messagerie sur le Net est entièrement gratuite. Il est autrement plus aisé de mettre la main sur l'auteur d'un Mail, grâce à l'adresse IP, que sur l'expéditeur d'une lettre par voie postale, surtout si elle est anonyme. Faisons crédit ou faisons semblant de faire quand même crédit à Google sur son intention de désenclaver les régions pauvres et isolées de la planète en les faisant accéder bientôt aux délices du Net. Son projet, déjà au stade de l'expérimentation en Nouvelle-Zélande, consistera à relayer la connexion à partir de simples gros ballons gonflables équipés d'un matériel léger. Dans la stratosphère, à 20 km d'altitude, ces ballons pourront être en position géostationnaire ou en mouvement sans besoin d'une autre énergie que solaire ou éolienne. Au sol, il suffira juste d'une espèce de boule, pas plus grande qu'une balle de tennis, placée sur le toit ou le balcon de la maison pour qu'une réception Internet de la qualité de la 3G se fasse. C'est un peu le même principe, en modèle plus réduit, que la réception de la télévision via le satellite. Les responsables de Google pensent que dans deux ans, ce nouveau procédé désenclavera toutes les régions du monde privées d'Internet. Les premiers ballons, une trentaine, ont été lancés samedi dernier. Voilà où va le monde. Et à quelle vitesse ! Les Algériens des zones et villages reculés, boudés par le progrès technologique et méprisés par des responsables qui passent leur temps à mentir et faire des promesses sans lendemain, ces Algériens, Google ne les exclura pas du champ de ses ballons du Net. Ils attendront donc encore quelques années pour se sentir des citoyens à part entière. Mais s'ils sont trop pressés, ils ont toujours la possibilité d'aller voir du côté de leurs frères de Somalie, un pays qui s'est doté de la 3G il y a quelques mois, alors qu'il n'a ni ressources ni pouvoir bien assis et clairement identifié, et encore moins de pactole en milliards de dollars. Et dire qu'en 1970, anticipant la révolution numérique à venir, l'Algérie avait un Commissariat national à l'informatique, des scientifiques et des ingénieurs de haut niveau qui travaillaient d'arrache-pied à mettre les services et les organismes de l'Etat au diapason de la nouvelle technologie, une école de formation d'ingénieurs et de programmeurs informatiques… A croire que ce n'était qu'un rêve et que tout cela n'a jamais existé. Mais comme pour la parabole, que l'idéologie monolithique de l'époque diabolisait pour cause d'«invasion culturelle», Internet finira par se généraliser et pénétrer dans tous les foyers par… effraction, lui aussi. Dieu merci, le ciel, surtout la stratosphère, n'a pas de frontières. A. S.