Par Hasna Yacoub Encore une. Il y en a eu de nombreuses auparavant et d'autres suivront. Il ne s'agit malheureusement pas de la création d'une nouvelle entreprise ou d'une nouvelle prouesse dans un domaine de sciences ou d'ingénieries mais d'une affaire de corruption, de malversation et de détournement des deniers publics. Après la société nationale des hydrocarbures, Sonatrach, c'est au tour de l'entreprise nationale d'électricité, Sonelgaz, d'être éclaboussée par un scandale de corruption. Auparavant, il y a eu Khalifa, BNA, Bcia, BEA, Badr, autoroute Est-Ouest, Générale des concessions agricoles, port, Dgsn, Algérie Télécoms, Saidal, Agence Nationale des Barrages, Oref, Oaic, Erriad, Faki ….La liste est tellement longue qu'il n'est pas possible de la citer sur les colonnes d'un journal. Le citoyen ne se demande plus laquelle des entreprises nationales est au cœur d'un scandale mais plutôt celle qui ne l'est pas. Au point où vont les choses, l'Algérie devra peut être penser à lancer un avis d'appel d'offres à la recherche de cadres honnêtes et propres ? Mais est-ce que cela va servir à quelque chose ? Il faut se le demander car avec l'ensemble des garde-fous mis en place, le vivier de la corruption s'épanouit de plus en plus en Algérie. Sur le plan juridique, l'Algérie a promulgué toutes les lois possibles et imaginables afin de dissuader corruptibles et corrompus. Citons quelques lois et décrets. Les lois de la République obligent les hauts cadres de l'Etat à faire des déclarations de patrimoine. Mais pas seulement. Dans le texte de la loi n°06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, il a été décidé que l'agent public, défini comme «toute personne qui détient un mandat législatif, exécutif, administratif, judiciaire, ou au niveau d'une assemblée populaire locale élue, qu'elle soit nommée ou élue, à titre permanent ou temporaire, qu'elle soit rémunérée ou non, et quel que soit son niveau hiérarchique ou son ancienneté» ou encore comme «toute autre personne investie d'une fonction ou d'un mandat, même temporaires, rémunérée ou non et concourt, à ce titre, au service d'un organisme public ou d'une entreprise publique, ou de toute autre entreprise dans laquelle l'Etat détient tout ou partie de son capital, ou toute autre entreprise qui assure un service public» et enfin comme «toute autre personne définie comme agent public ou qui y est assimilée conformément à la législation et à la réglementation en vigueur», est dans l'obligation de faire une déclaration de patrimoine. Il y a lieu de citer également le fonctionnement de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption qui a à sa charge entre autres de procéder à toutes études, enquêtes et analyses économiques ou sociologiques en vue de déterminer, notamment, les typologies et les procédés de corruption. Il doit proposer des recommandations de nature à éliminer tous les aspects pouvant favoriser les pratiques de corruption. Il doit également étudier les normes et les standards universels d'analyse et de communication relatifs à la prévention et à la lutte contre la corruption, en vue de leur adoption, adaptation et diffusion. Il collecte et traite les déclarations de patrimoine mais il est aussi chargé d'exploiter ces déclarations et les éléments pouvant aboutir à des poursuites judiciaires et de veiller à les donner. L'organe de prévention et de lutte contre la corruption doit enfin définir, proposer et mettre en œuvre les modalités et procédures relatives aux relations à établir avec les institutions publiques et les autres organismes nationaux en vue de recueillir toute information susceptible de renseigner sur l'état de permissivité aux actes de corruption et procéder ou faire procéder à l'évaluation des systèmes de contrôle interne existants en vue de déterminer leur vulnérabilité. Les lois algériennes prévoient également de punir l'enrichissement illicite de tout agent public qui ne peut raisonnablement le justifier et exigent des établissements financiers d'identifier leur clientèle et de surveiller les comptes à risques. Une traçabilité des transferts et des opérations bancaires est exigée mais pas seulement, la loi oblige les banques et autres institutions à avoir un dispositif de déclaration de soupçons avec la cellule de traitement du renseignement financier (Ctrf). Ces dernières sont tenues de faire des déclarations dès qu'il y a un soupçon de blanchiment d'argent sur toute opération. Pour mieux cerner ce fléau, toute autre personne physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession conseille ou réalise des opérations entraînant des dépôts, des échanges, des placements ou bien tout autre mouvement de capitaux, est tenue de faire cette déclaration de soupçon. Ainsi, à titre d'exemple, les avocats, les notaires, les commissaires aux comptes, les courtiers, les commissaires en douane ou encore les agents immobiliers sont tenus par cette obligation de déclaration de soupçon. Ce qui permet de déceler les opérations de blanchiment. Malgré tous ces textes, la corruption ou encore le blanchiment ont la peau dure et persistent, comme en témoigne la place peu enviable de l'Algérie dans le classement mondial de lutte contre ces fléaux. En Algérie, un service «d'investigation fiscale» indépendant de l'Administration fiscale, a été créé. Cette structure devait permettre d'agir plus fortement sur les signes extérieurs de richesse. Le service a pour rôle et mission de déclencher un meilleur contrôle des fortunes en Algérie. Les brigades qui constituent ce département, s'adressent directement aux contribuables. Dans leurs investigations, en plus des signes extérieurs de richesse, ces brigades, travaillent en étroite collaboration avec les différents services de contrôle tels les Impôts et les Douanes. Le règlement relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent exige des banques, des établissements financiers et les services financiers d'Algérie Poste, en application de la loi n°05-01 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, de disposer d'un programme écrit de prévention, de détection et de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ce programme doit comprendre, notamment des procédures, des contrôles, une méthodologie de diligence en ce qui concerne la connaissance de la clientèle, des formations appropriées à l'attention du personnel et un dispositif de relations (correspondant et déclarations de soupçon) avec la Ctrf. L'ensemble des établissements financiers doit, dans le but d'éviter de s'exposer à des risques sérieux liés à leur clientèle et à leurs contreparties, veiller à l'existence de normes internes «connaissance de la clientèle» et à leur adéquation en permanence. Il est exigé de par la loi une surveillance continue des comptes à risques, de connaître l'identité et l'adresse des clients et surveiller les mouvements de comptes pour déceler les types d'opérations et les transactions atypiques et/ou inhabituelles et leur justification économique pour un client précis ou une catégorie de comptes. Si après l'ouverture d'un compte, des problèmes de vérification sont décelés, les établissements financiers doivent clôturer le compte, en informer la cellule de traitement du renseignement financier et la commission bancaire. A cela s'ajoute le contrôle des commissaires aux comptes qui évaluent la conformité des dispositifs internes de prévention et de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, des banques et établissements financiers agréés. Un rapport annuel en est fait à la commission bancaire. Le rôle de cette dernière est encore plus important. Elle veille à ce que les banques et les établissements financiers disposent de politiques, pratiques et procédures appropriées, notamment de critères stricts de connaissance de la clientèle et de ses opérations, de la détection et surveillance ainsi que de la déclaration de soupçon, assurant un haut niveau d'éthique et de professionnalisme dans le secteur bancaire. Les inspecteurs de la Banque d'Algérie, mandatés par la commission bancaire, agissent dans le cadre du contrôle sur place ou sur pièces, transmettent immédiatement un rapport, sous couvert de la hiérarchie, à la cellule de traitement du renseignement financier dès qu'ils décèlent une opération présentant des anomalies. Des textes de lois, il doit en exister encore et encore… des tonnes. Mais à quoi servent-ils en Algérie ? Souvent ils ne sont pas appliqués. Prenons l'exemple de l'obligation de la déclaration du patrimoine faite aux plus hauts responsables de l'Etat. Des déclarations qui doivent être publiées au Journal officiel, selon l'article 6 du texte législatif. Malheureusement, cet article n'est pas respecté. Ainsi les lois, produites pour protéger le citoyen, sont elles-mêmes foulées aux pieds ! Et quand les lois sont appliquées, les assoiffés d'argent facile cherchent et finissent toujours par trouver la faille qui permet de les contourner. Il est permis d'affirmer que même la Constitution n'est pas respectée puisque, dans son article 60, il est stipulé que «nul n'est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République.» A qui incombe la responsabilité de faire respecter les lois ? L'article 85 de la Constitution est clair : «Outre les pouvoirs que lui confèrent expressément d'autres dispositions de la Constitution, le Premier ministre exerce les attributions suivantes : il veille à l'exécution des lois et règlements.» La responsabilité du Premier ministre et de ses prédécesseurs est donc clairement engagée. En Algérie ce ne sont ni les textes ni les organismes qui font défaut mais les Hommes appropriés à des postes appropriés afin que la machine Algérie s'ébranle. Il ne suffit plus d'afficher la volonté politique de lutter contre la corruption, comme cela a été fait à maintes reprises, mais de mener des actions exemplaires contre les corrompus de «grosse pointure». Il faudra, au pouvoir suprême de l'Etat, accepter de faire un hara-kiri en coupant la tête aux corrompus en son sein. Car si la corruption et le blanchiment d'argent ont de beaux jours en Algérie, c'est que ces fléaux ont trouvé protection au sommet de l'Etat. Un sommet face auquel les petits contrôleurs incorruptibles ne font pas le poids.