Toutes les déclarations de soupçons émanent, quasiment, des banques. Le niveau de participation des autres professions non financières, notaires, avocats, experts-comptables, commissaires aux comptes... s'avère nul. La Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) a reçu et traité 3 235 déclarations de soupçons de 2005 à 2011. C'est ce qu'a révélé, jeudi, le président de cette institution, Abdenour Hibouche, lors d'une rencontre avec la presse, organisée au siège du ministère des Finances. Depuis le démarrage des activités opérationnelles de la Cellule de traitement du renseignement financier en 2005, celles-ci ont connu une montée en cadence régulière, conséquence, à la fois, des évolutions successives du dispositif juridique anti-blanchiment d'argent et des actions de sensibilisation menées pour une meilleure efficience dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. En effet, le nombre de déclarations de soupçons est passé de 11 en 2005, à 1 576 déclarations en 2011. Par ailleurs, le président de la CTRF évoque 2 219 rapports adressés à la cellule en 2010 et 394 en 2011. “Le nombre important de rapports reçus en 2010 comparativement à 2011 s'explique par le fait que la Commission bancaire de la Banque d'Algérie avait entamé en 2010 une large opération de contrôle au niveau des banques et établissements financiers, y compris les services financiers d'Algérie Poste, sur la mise en œuvre du règlement n°05-05 en matière de conformité et de diligence requise dans le cadre de la loi relative à la prévention et la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme", a précisé Abdenour Hibouche. Le président de la CTRF indique que l'année 2012 a enregistré une légère baisse par rapport en 2011, sans donner de chiffres. Pour lui, cette baisse est le résultat “des mesures de vigilance ainsi que des procédures de contrôle mises en place par les banques pour la surveillance des transactions permettant de déceler particulièrement les opérations douteuses". Les entités déclarantes ont été sensibilisées pour une transmission sélective des déclarations à soumettre au CTRF en privilégiant la qualité plutôt que la quantité, excluant de ce fait les opérations sans lien avec le blanchiment d'argent. “Ce que nous avons constaté, ces dernières années, certaines déclarations de soupçons qui nous ont été transmises n'ont aucun lien avec le blanchiment d'argent", souligne le président de la CTRF. En effet, sur plus de 3 000 déclarations de soupçons, la CTRF n'a transmis que 7 dossiers à la justice, deux en 2007, deux en 2011 et trois en 2012. “Les 7 dossiers transmis à la justice concernent les affaires traitées par la CRTF. Je n'ai pas cité, ici le nombre de dossiers, probablement important, des affaires traitées par la justice algérienne", a précisé Abdenour Hibouche, rappelant la création, dans ce cadre, de quatre pôles spécialisés. À défaut de transmission aux autorités judiciaires, quand le traitement de l'information ne confirme pas le soupçon, les dossiers sont mis en attente. Les renseignements qu'ils contiennent alimentent la base des données de la cellule en vue d'une exploitation éventuelle ou d'une demande d'assistance nationale ou étrangère. Au titre des mesures conservatoires, la cellule a procédé, en 2012, au blocage de l'exécution de trois opérations bancaires pour une durée de 72 heures. Le premier responsable du renseignement financier a, cependant, préféré ne pas divulguer plus d'informations sur la nature de ces affaires et leurs montants ni sur les personnes physiques ou morales impliquées. Les montants des fonds blanchis ne l'intéressent pas. “Ce qui nous intéresse, c'est la constatation de l'infraction beaucoup plus que le montant", indique M. Hibouche. Et puis, argue-t-il, “dans les opérations de blanchiment, il y a les fonds qui apparaissent et d'autres qui ne sont pas visibles, d'où la difficulté de cerner le volume de ces affaires de blanchiment." M. Hibouche indique que le secteur bancaire occupe le premier rang en matière de fourniture de renseignement financier. Toutes les déclarations de soupçons émanent, quasiment, des banques. Le niveau de participation des autres professions non financières, notaires, avocats, experts-comptables, commissaires aux comptes... s'avère nul. “Les notaires, par exemple, sont tenus, par la loi de février 2005, de transmettre des déclarations de soupçons mais, dans la pratique, ils ne l'ont pas fait", regrette le président de la CTRF. Dans une économie où le marché informel a atteint des proportions alarmantes et caractérisée par une importante masse monétaire circulant hors du circuit bancaire, on peut aisément estimer que les chiffres avancé par le président de la CRTF ne sont que la partie émergée de l'iceberg. “Peut-être qu'au niveau de la CTRF on a une part de responsabilité, parce qu'il faut également aller vers ces professions non financières", estime M. Hibouche, faisant son mea culpa. “Des rencontres sont prévues avec ces professions, notamment avec les notaires, cette année", annonce le président de la CTRF. M R