On ne refait pas le monde : un tricheur, c'est dans l'ordre naturel des choses, doit être sévèrement puni. C'est une question fondamentale qui n'admet aucune négociation. L'Office national des examens et concours (Onec) et le ministère de l'Education nationale (MEN) ont décidé, cette fois, de sévir contre les fraudeurs à la session annuelle du baccalauréat. Tous les candidats, surpris en train de copier et mentionnés comme tels dans les rapports des surveillants, n'ont pas été reçus. C'est une décision qu'il faut applaudir, car elle est de nature à redonner au diplôme algérien sa valeur et son crédit. Cependant, la sanction doit être individuelle et non pas collective. Le tricheur, pris en flagrant délit, doit assumer seul les conséquences de son acte. On ne peut aucunement généraliser la punition à ses camarades de classe qui n'auraient pas fraudé. Le MEN et l'Onec sont tenus, à ce propos, de faire preuve de discernement pour justifier du bien fondé de la sentence prononcée. A ce propos, durant les années 1970 et 1980 où le taux de réussite au Bac ne dépassait que rarement le seuil des 20%, un copieur est exclu d'office et encourt une suspension de 10 ans. En ces temps-là, les tricheurs étaient vraiment très rares et tous les lycéens se prêtaient de bonne grâce aux règles de la morale pédagogique. Quand un élève fraudait quelque part, il déshonorait de facto son établissement et sa région d'origine. Les enseignants et les parents d'élèves se faisaient, alors, insistants sur ce volet de la rectitude intellectuelle pour préserver leur réputation et celle de leur localité. La crise multidimensionnelle de la décennie 1990 avait ensuite sérieusement affecté ce système de valeurs. La débrouillardise et l'escroquerie se sont imposées, à peu près, à tous les niveaux. Que la tutelle veuille aujourd'hui réinstaurer les bonnes pratiques à l'école, cela relève d'un devoir national de première importance. Les autres départements ministériels devraient aussi réfléchir à faire autant dans leurs domaines respectifs. La triche n'est pas uniquement l'apanage du bachelier. Le phénomène a dangereusement étendu ses tentacules à toutes les sphères d'activité. L'université en souffre aussi. Non seulement parmi les étudiants, mais également au sein du corps doctoral et professoral où l'on a décelé beaucoup de plagiat dans les thèses de post-graduation et les projets de recherche. Récemment, la presse spécialisée en France avait «démasqué» quatre pseudo docteurs algériens qui auraient traduit des «mémoires» d'homologues iraniens et turques pour s'offrir, sans peine aucune, le statut qui est aujourd'hui le leur. Le sport n'échappe pas, non plus. Commentant récemment les performances mitigées des athlètes algériens aux Jeux Méditerranéens de Mersin (Turquie), le président du Comité olympique algérien (COA) a laissé entendre que ce n'est pas toujours les meilleurs qui étaient sélectionnés pour représenter les couleurs nationales à ces grands rendez-vous internationaux. «On doit récompenser les lauréats, mais aussi éliminer de manière pratique et définitive les tricheurs», préconise Mustapha Berraf, en appelant les différentes fédérations sportives à se mettre impérativement au diapason des fondamentaux en matière de transparence et de fair-play. Dans la Fonction publique, les participants aux concours de recrutement dénoncent constamment les passe-droits et le piston. L'organisation de ce type d'épreuves appelle aussi des changements profonds pour limiter de l'ampleur du fléau. La fraude fiscale, la contrefaçon et la spéculation gangrènent aussi le secteur du commerce. Le ministère des Finances doit réagir avec autant de tact et de fermeté pour moraliser les milieux d'affaires. On peut encore épiloguer sur l'abus de biens sociaux, la fraude électorale ou la «bureaucratisation» des services publics. La sanction infligée aux bacheliers tricheurs - on parle de ceux qui étaient pris en flagrant délit- est incontestablement une bonne action. Mais pour en récolter les fruits, on doit faire de même dans tous les autres secteurs d'activités. Il s'agit d'une dynamique d'ensemble. K. A.