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Commerce intra-africain et secteur privé à développer
Selon le rapport 2013 de la CNUCED sur l'Afrique
Publié dans La Tribune le 12 - 07 - 2013

Dans son dernier rapport sur le développement économique et le commerce en Afrique, rendu public jeudi dernier à Genève, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), souligne la nécessité de redonner au secteur privé sa place et de soutenir son essor, rapporte l'agence PRNewswire Africa. Le développement de ce secteur s'impose si le continent entend exploiter par lui-même le potentiel considérable du commerce inter et intra-régional dont il dispose. Autrement, ça sera les entreprises étrangères qui, en l'absence d'une production africaine performante et conséquente, profiteront de cette rationalisation du système commercial. Les gouvernements africains ont engagé de vastes efforts pour réduire les obstacles au commerce entre les pays du continent, mais parallèlement, ils doivent prendre de vigoureuses mesures pour stimuler leur secteur privé, indique ce rapport intitulé Commerce intra-africain : Libérer le dynamisme du secteur privé.
A ce propos, la Cnuced salue la décision prise en janvier 2012 par les dirigeants africains d'éliminer les obstacles au commerce intra-africain afin de dynamiser le commerce régional. C'est là une décision nécessaire, mais pas suffisante. Nécessaire pour permettre aux échanges commerciaux de renouer avec une courbe ascendante. Car, ces dernières années, la part du commerce intra-africain dans le commerce africain total a baissé de 22,4% en 1997 à 11,3% en 2011. Le commerce intra-africain (exportations et importations) s'est élevé à 130,1 milliards de dollars des Etats-Unis en 2011. Même si ces chiffres augmentent avec l'intégration des échanges commerciaux informels qui sont importants sur le continent, ils restent néanmoins faibles comparés à ceux enregistrés dans d'autres régions du monde. Par exemple, pour la période 2007-2011, la part moyenne des exportations intra-régionales dans les exportations totales était de 11% en Afrique, contre 50% en Asie et 70% en Europe.
Donc, l'élimination des obstacles au commerce est nécessaire et importante. Elle n'est toutefois pas suffisante. Car, elle ne servira à rien si les pays n'ont rien vendre. Aussi, les gouvernements doivent-ils travailler à l'accroissement de la diversité et la complexité des biens produits, recommande le rapport. Evidemment, le développement et la diversification des capacités productives ne se décrètent pas. Ils sont le produit de mesures et actions concrètes comme la modernisation des infrastructures, l'amélioration des compétences de la main-d'œuvre locale, l'encouragement et la promotion de l'entreprenariat… Et l'accompagnement des PME et des entreprises manufacturières dans leur accroissement afin qu'elles puissent investir de plus vastes marchés et produire en bénéficiant de plus grandes
économies d'échelle. Au-delà des mesures à prendre pour accroître le commerce régional -et bénéficier de la croissance économique qui devrait en découler- les pays africains doivent produire les marchandises à échanger entre elles, sinon les entreprises concurrentes étrangères combleront le vide, avertit le rapport de la Cnuced.
Il recommande aussi que les gouvernements africains encouragent le secteur privé en rendant le crédit plus accessible et moins onéreux, et en renforçant les mécanismes de consultation entre les pouvoirs publics et le secteur privé.
S'agissant des secteurs susceptibles d'être investit, le rapport indique que des débouchés à court terme inexploités en matière de commerce régional en Afrique existent en particulier dans le secteur agricole. L'Afrique possède 27% environ des terres arables dans le monde, qui pourraient servir à accroître la production agricole. Or de nombreux pays africains importent des denrées alimentaires et agricoles de pays d'autres continents. Entre 2007 et 2011, 37 pays africains étaient importateurs nets de denrées alimentaires, et 22 importateurs nets de matières brutes d'origine agricole. Mais seulement 17% environ du commerce mondial africain de denrées alimentaires et d'animaux vivants se faisaient entre pays africains. Dès lors, il apparaît que le défi qui se pose pour les responsables africains est de savoir comment exploiter ces possibilités pour accroître le commerce régional, en s'assurant que cela profite avant tout à l'Afrique. Mais le défi majeur qui ouvre cependant les meilleures perspectives à long terme, est l'amélioration des capacités industrielles pour produire les biens dont le commerce régional accroît généralement la demande. Les effets positifs d'une large expansion du commerce régional tiennent au fait que vendre sur des marchés proches donne aux entreprises un avantage de coût en raison de la proximité, de moindres frais de transport, d'une meilleure connaissance permettant d'adapter les produits aux conditions locales et, si les marchés de consommateurs sont suffisamment importants, d'une masse critique justifiant une expansion des capacités. Les flux commerciaux existants expliquent en partie le potentiel : les pays africains ont tendance à exporter un pourcentage plus élevé d'articles manufacturés vers d'autres africains (43% de l'ensemble du commerce intra-africain), alors que les articles manufacturés ne représentent que 14% des exportations totales africaines vers les marchés extérieurs. L'enjeu est clair.
L'Afrique ne représente que 1% de la production manufacturière mondiale, et l'activité manufacturière représente 10% environ du PIB africain, contre 35% en Asie de l'Est et dans le Pacifique et 16% en Amérique latine et dans les Caraïbes. Le faible niveau de l'activité manufacturière en Afrique implique que les articles manufacturés - automobiles, machines, biens électroniques- doivent être importés du reste du monde, ce qui peut être considéré comme un problème, mais aussi comme une chance potentielle. D'après le rapport, plusieurs marchés nationaux peuvent être intégrés en un vaste marché régional, le volume de clientèle devrait être suffisant pour soutenir une expansion de l'industrie dans la région.
Pour la Cnuced, la nature des biens produits et exportés par les entreprises africaines a une grande importance pour la croissance et l'expansion du commerce intra-africain. Les pays africains produisent et exportent une gamme restreinte de marchandises, le plus souvent des produits de base tels que pétrole, gaz naturel et métaux. Pour la période 2007-2011, deux produits seulement ont représenté plus de 80% des exportations vers d'autres pays africains de l'Algérie, de l'Angola, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Nigéria. L'absence de diversification économique et une faible base manufacturière freinent le commerce intra-régional.
Libérer le potentiel commercial du secteur privé impose de s'attaquer aux caractéristiques de la structure des entreprises africaines qui entravent le commerce régional. Par exemple, les entreprises africaines sont souvent très petites, ce qui les empêche d'opérer à l'échelle minimale nécessaire pour être compétitives. La taille moyenne d'une entreprise manufacturière en Afrique subsaharienne est de 47 employés, contre 171 en Malaisie, 195 au Viet Nam, 393 en Thaïlande et 977 en Chine.
On relève aussi la faiblesse des liens entre petites et grandes entreprises en Afrique, qui rend difficile pour les premières de profiter des compétences et des capacités d'innovation des secondes, avec de lourdes conséquences pour leur croissance. D'autres problèmes structurels concernent le pourcentage élevé d'entreprises relevant du secteur informel, le faible niveau de compétitivité des exportations et un manque de capacités d'innovation commerciale, auxquels s'ajoute l'écueil des coûts de transports très élevés en Afrique. Enfin, la Cnuced note l'importance de la paix, la sécurité et la stabilité pour tout développement économique et dynamisation du commerce
intra-africain. De récentes données ont montré que le conflit politique en Côte d'Ivoire, fin des années 1990, avait réduit le commerce intracommunautaire au sein de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) d'environ 60% entre 1999 et 2007.
Par ailleurs, le Président de la Banque africaine de développement (BAD), Donald Kaberuka, a également plaidé pour le développement du commerce inter-régional qui contribuerait à hisser le niveau des chaînes de valeur.
M. Kaberuka s'exprimait à la 4e Revue globale de l'aide pour le commerce de l'OMC, qui a eu lieu du 8 au 10 juillet 2013 à Genève, sur le thème «Se connecter aux chaînes de valeur». Des responsables gouvernementaux, d'organisations internationales et du secteur privé étaient présents à cette réunion pour discuter de la manière dont l'aide pour le commerce devrait venir en appui aux efforts des entreprises dans les pays en développement pour accroître leurs capacités de production et les rattacher aux chaînes de valeurs.
Dans son allocution, le patron de la BAD a insisté sur la croissance remarquable enregistrée par l'Afrique au cours de la dernière décennie en matière de commerce et d'investissements. Il a toutefois noté que malgré cette croissance, les entreprises africaines se trouvent encore au plus bas de l'échelle des chaînes de valeur mondiales. Car elles exportent des produits de base et importent des produits finis. Pour Kaberuka, il existe de nombreuses opportunités pour relever le niveau des chaînes de valeur par le biais du commerce inter-régional ; et les décideurs africains devaient s'inspirer des modèles de production au niveau régional et mondial, tout en cherchant à se relier à ces modèles.
R. C.
Sources : Cnuced et BAD


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