Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a rendu hommage hier au militant anticolonialiste, Henri Alleg. Dans un message adressé à la famille du défunt lu par Jean Salem, fils de Henri Alleg, lors d'une cérémonie-hommage, ayant réuni hier à la coupole du cimetière parisien Père Lachaise, les membres de la famille, une foule d'amis et compagnons de lutte de l'auteur de La Question, le président Bouteflika qui a affirmé avoir appris «avec une très grande tristesse, le décès de notre vaillant compagnon de lutte», a tenu à rappeler que le défunt «fut aux côtés de toutes les causes justes dans le monde». Saluant son «poignant et courageux témoignage contre la torture» et son parcours «exceptionnel», le Président a mis en exergue «son combat inlassable contre le colonialisme et le racisme, contre toutes les formes d'oppression et d'injustice, sa dénonciation de la torture ont marqué les mémoires et font partie de l'histoire». «Henri Alleg, laissera le souvenir d'un homme de conviction, épris des idéaux de paix, de justice sociale, de progrès, de liberté et d'émancipation des peuples», a poursuivi le président de la République. «A cet égard, son poignant et courageux témoignage contre la torture dans La Question est à compter parmi les textes majeurs qui, par leur retentissement universel et la prise de conscience qu'ils ont suscitée à travers le monde, ont indéniablement contribué à servir la noble cause des droits de l'Homme en général», a tenu à relever le chef de l'Etat. «En ce sens, son parcours exceptionnel restera, à n'en pas douter, une source d'inspiration pour ceux qui partagent ces valeurs fondamentales et ont à cœur de veiller à leur défense», a-t-il dit dans son message. «En ces moments douloureux, je tiens à exprimer ma profonde gratitude et toute ma reconnaissance au valeureux militant qui s'est pleinement investi dans le combat de l'Algérie contre le joug colonial», a conclu le chef de l'Etat qui a présenté à la famille de Henri Alleg, ses «sincères condoléances», les assurant de sa «chaleureuse sympathie». Hier, plusieurs centaines de personnes aux côtés de la famille et une foule d'amis et de camarades de combat, ont également rendu un dernier hommage à Henri Alleg, le journaliste franco-algérien qui fut l'un des premiers à dénoncer la torture pendant la Guerre d'Algérie. «Nous tenons à remercier mon frère Jean et moi-même, toutes les personnes qui, d'Algérie et de France et de bien d'autres pays, nous ont envoyés des messages de soutien pour nous dire l'estime et l'admiration qu'ils avaient pour notre père», a indiqué André Salem, fils du défunt devant la foule nombreuse venue exprimer son soutien à la famille du disparu. Henri Alleg, auteur de La Question, est décédé jeudi dernier, trois jours avant son 92e anniversaire. Son vrai nom était Harry Salem mais il était connu sous le nom d'Henri Alleg, un nom pris lors de son passage dans la clandestinité, après l'interdiction par les autorités coloniales du journal Alger Républicain dont il était le directeur. Dans son livre La Question qui reste un document majeur sur la pratique de la torture autorisée en haut lieu en Algérie, durant la guerre, il avait témoigné sur les sévices qu'il avait subis, en 1957, entre les mains des parachutistes de l'armée française. Henri Alleg qui a été séquestré et torturé en 1957 avant d'être condamné pour «atteinte à la sécurité extérieure de l'Etat» en 1960, écrira son ouvrage La Question en 1958. Ce livre-témoignage accablant avait fait l'objet de saisie au lendemain de sa parution. La Question avait réussi à rendre publiques les pratiques de la torture de l'armée coloniale durant la Guerre de libération nationale. Durant toute sa vie, l'historien et militant communiste a lutté afin que la France coloniale reconnaisse ses crimes de guerre. D'ailleurs, Alleg fut signataire le 31 octobre 2000 de «l'Appel des douze», au président de la République Jacques Chirac et à Lionel Jospin, Premier ministre pour condamner la torture pratiquée par l'armée française en Algérie. Dans cet Appel, les signataires, affirmaient : «Il reste que la torture, mal absolu, pratiquée de façon systématique par une armée de la République et couverte en haut lieu à Paris, a été le fruit empoisonné de la colonisation (…) Pour nous qui avons combattu la torture sans être aveugles aux autres pratiques, il revient à la France, eu égard à ses responsabilités, de condamner la torture qui a été entreprise en son nom durant la Guerre d'Algérie. Il en va du devoir de mémoire auquel la France se dit justement attachée et qui ne devrait connaître aucune discrimination d'époque et de lieu.» Dans un éditorial signé par Patrick Le Hyaric, publié au lendemain du décès de ce combattant de la vérité, le quotidien L'Humanité, écrivait notamment que «le meilleur hommage que pourrait lui rendre aujourd'hui l'Etat français serait de reconnaître enfin officiellement la torture en Algérie et les crimes de guerre». H. Y./Agences