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Un symbole défiant le temps et les intolérances
La Basilique Saint-Augustin à Annaba
Publié dans La Tribune le 19 - 10 - 2013

Le symbole. A Annaba, la basilique Saint-Augustin, plus qu'un lieu de culte, est un monument érigé à la mémoire de ce saint, docteur et père de l'Eglise chrétienne, une merveille de l'architecture où s'allient l'art musulman et l'art chrétien pour donner naissance à une œuvre qui a défié le temps et vaincu les intolérances.
La basilique étant respectée parce que maison du Seigneur, musulmans et chrétiens sont pour une fois unis pour admirer ce joyau au-delà des différences et des confessions, comme pour prouver au monde que la cohabitation des deux grandes religions monothéistes n'est pas une vue de l'esprit et qu'elle est vécue dans l'amour d'un même Dieu, chacune selon ses rites, ses cérémonials et sa liturgie propre.

L'historique
La construction de la basilique qui, aujourd'hui, se dresse sur un mamelon à l'entrée est de la ville de Annaba, à quelques centaines de mètres des ruines de l'antique Hippone remonte au 9 octobre 1881, date à laquelle la première pierre fut posée.
Cette première pierre fut bénie par Monseigneur Combes, évêque de Constantine et d'Hippone, avant que le chantier ne démarrât sur la base des plans dressés par l'abbé Pougnet du diocèse d'Avignon. L'église devait avoir une forme architecturale prenant en compte l'histoire et la culture de la ville avec un style arabo-mauresque bien intégré.
Le 29 mars 1909, soit 70 ans après l'arrivée en 1839 de Monseigneur Dupuch, véritable initiateur du projet, l'église fut consacrée en grande pompe en présence d'une foule de prêtres et de centaines de fidèles venus de toute la région pour assister à la première messe. Vingt-quatre ans plus tard, la garde de la basilique fut confiée par l'évêque de Constantine et d'Hippone à l'Ordre de Saint-Augustin représenté par la Province augustinienne de Malte.

Les ravages du temps
Aujourd'hui, soit plus d'un siècle plus tard, la basilique, qui garde toute sa superbe et sa majesté, souffre, malgré tout, des ravages du temps ayant mis à mal tout l'édifice qui commence à se détériorer. Un état de délabrement avancé qui n'a rien épargné : des murs lézardés, un toit qui tombe en ruine, des vitraux cassés et un dôme qui a besoin d'être rénové. Pendant des années, la situation n'avait pas changé et on croyait que ce joyau représentant la chrétienté allait péricliter pour disparaître dans les arcanes de l'ignorance des Hommes. Cela ne découragea point certaines bonnes âmes des deux côtés de la Méditerranée de sauver cette basilique-symbole qui représente un exemple d'intercompréhension religieuse et de fraternité.

La restauration de l'édifice
Pouvoirs publics algériens et français ont décidé d'un commun accord de procéder à la restauration de ce lieu de culte en s'y investissant complètement. Les fonds nécessaires à cette entreprise ont été collectés des deux côtés de la Méditerranée, l'équivalent de 460 millions de dinars a été réuni par des sociétés algériennes et étrangères. Les travaux confiés à une entreprise spécialisée qui a, à son actif, la restauration de la basilique Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille ainsi que Notre-Dame-d'Afrique d'Alger avancent bien.
Lors de notre première rencontre en décembre 2010, Monseigneur Paul Desfarges, évêque de Constantine et d'Hippone, nous avait déclaré que le chantier avait atteint sa vitesse de croisière : «L'étanchéité de la tour lanterne, dôme du centre, est déjà restaurée, les travaux sur les murs, le ravalement, les rosaces et les vitraux sont en train d'être réalisés. Les délais pour la restauration complète de la basilique sont fixés au 1er trimestre 2013 et nous pensons que tout sera achevé durant cette période.» Quinze mois plus tard, la situation a bien changé, et on constate déjà une nette amélioration, l'édifice est comme flambant neuf, du moins les parties où les travaux sont terminés. Visible de loin, juchée sur son promontoire, la basilique avec son dôme, éclairée de nuit, apparaît comme un
prolongement du «terrestre vers le céleste», une élévation de l'Homme pour se rapprocher de son Créateur.
La statue de saint Augustin, la tête tournée vers le ciel, les mains levées, indique la voie, le droit chemin vers le bonheur et la félicité dans l'amour de Dieu, l'Eternel. «Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d'un pas ferme», disait-il dans l'un de ses livres.

Les travaux racontés par le père Abdallah Raphael
Aujourd'hui, la restauration de la basilique, ce projet culturel et interculturel qui consolide les ponts entre les deux rives de la Méditerranée, avance bien grâce au concours des pouvoirs publics algériens, de la wilaya de Annaba et de l'APC mais aussi de sociétés nationales et étrangères. Tous ont contribué par des dons pour que cet édifice retrouve tout son prestige et toute son aura d'antan et ainsi rendre hommage à ce grand ancêtre commun à l'Eglise et à l'Algérie, parce que, avant tout, cet homme est algérien. Le père Abdallah Raphael, recteur de la basilique Saint-Augustin déclare que les travaux de restauration qui ont commencé en décembre 2010 avancent bien et qu'on en est à 40%. «La grande coupole, avec sa lanterne, intérieur et extérieur, est achevée, l'extérieur du chevet de la basilique est entièrement restauré, les travaux sur les vitraux des quatre petites coupoles ainsi que les rosaces sont terminés, le nettoyage des pierres et des peintures est en cours, l'intérieur du transept gauche est lui aussi achevé, la toiture complètement remplacée et une nouvelle installation électrique est en train d'être réalisée», nous a-t-il déclaré. Concernant l'équipe chargée de la restauration, le père Raphael nous dira que celle-ci est constituée de professionnels qui ont beaucoup d'expérience et à laquelle on a intégré une équipe de jeunes Algériens «pour apprendre sur le terrain les métiers de la restauration. Il y en a une dizaine, les services de la wilaya s'intéressent beaucoup à ces travaux et ont dépêché un fonctionnaire pour constater l'avancement. Les autorités locales, particulièrement la wilaya et l'APC, nous ont aidés et nous ont facilité le travail, nous les remercions beaucoup», a précisé notre
interlocuteur. S'agissant des désagréments causés par les travaux aux fidèles et aux visiteurs, le recteur nous dira que cela ne pose pas de problème. «Nous nettoyons les mardis et jeudis et nous célébrons les messes normalement en attendant l'achèvement des travaux. Nous accueillons beaucoup d'étudiants subsahariens inscrits à l'université de Annaba mais aussi beaucoup d'étrangers ; quant aux visiteurs, ils sont assez nombreux et nous en avons dénombré en 2011 près de 20 000. Mais une fois la basilique complètement rénovée, il y en aura certainement plus», poursuit-il. Effectivement, lors de notre entretien, nous avons assisté à l'arrivée d'une dizaine de jeunes et de moins jeunes, tous algériens, venus visiter les lieux et découvrir la basilique et ses religieux. Le père Raphael, accueillant et affable, dut interrompre notre entrevue pour se consacrer quelques instants à ses visiteurs. En revenant, il nous confiera qu'il est heureux de voir tous ces gens venir ici. «C'est un lieu de rencontre pour tous, nous déclare-t-il, pour tous et nous accueillons tout le monde, on ne parle plus de tolérance, c'est dépassé, maintenant c'est l'amitié et c'est plus profond, ma porte est ouverte, je t'accueille chez moi, dans ma propremaison, la maison de Dieu.»

«La résurrection»
La façade principale non encore restaurée est malgré tout belle à voir, un chef-d'œuvre d'architecture où se côtoient les arts de deux cultures unies dans l'amour de Dieu et d'où se dégage une harmonie qui force l'admiration et le respect de tout un chacun. «La restauration de la façade se fera en dernier, nous confie le père Raphael, et ce sera quelque chose de vraiment exceptionnel puisque tous auront contribué à cette œuvre.» La basilique dont les travaux de restauration seront achevés en 2013 sera «ressuscitée» et retrouvera toute sa majesté et sa splendeur pour continuer encore à veiller sur l'antique Hippone qui a vu saint Augustin officier écrire ses œuvres ayant marqué à jamais la chrétienté.
M. R.
In Tassilit


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