Synthèse de Ghada Hamrouche Le concept de sécurité alimentaire doit être réapprécié dans le nouveau contexte mondial. C'est la proposition du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, à l'occasion de la conférence internationale sur la sécurité alimentaire mondiale organisée par la FAO. Dans un message lu par son représentant, M. Saïd Barkat, ministre de l'Agriculture et du Développement rural, le chef de l'Etat a indiqué que «la crise actuelle a révélé et mis en exergue les limites opératoires du concept de sécurité alimentaire, du moins tel qu'il a été appréhendé et défini lors du sommet mondial de l'alimentation de 1996». A cet effet, a-t-il ajouté, «nous estimons que ce concept doit être réapprécié, de manière consensuelle, à la lumière des bouleversements qui semblent se dessiner et, éventuellement, à l'occasion d'un prochain sommet mondial de l'alimentation». Considérant que cette conférence permet de débattre du problème fondamental de la sécurité alimentaire mondiale, le chef de l'Etat précise que cet événement «coïncide avec un contexte de crise qui met en péril les grands équilibres écologiques, économiques et socio-politiques de notre planète et de nos sociétés». «Il nous échoit dès lors de dissiper une inquiétude qui ne cesse de grandir, de clarifier des enjeux qui restent complexes et de donner des raisons d'espérer à nos populations, en bute au doute et à l'incompréhension face à un monde qui n'a jamais atteint un tel niveau de progrès mais qui, paradoxalement, est marqué par de fortes incertitudes», indique-t-il. Abordant les principaux facteurs qui déstructurent les systèmes agricoles et aggravent l'insécurité alimentaire, le Président a cité «la pression démographique, le changement climatique et la production massive d'agro-carburants». La production massive et le développement globalisé des agro-carburants pèsent, ajoute-t-il, sur la balance alimentaire mondiale et aggravent ses déficits. S'exprimant sur les conséquences potentielles de la poursuite du développement industriel des agro-carburants, M. Bouteflika a avancé qu'elles portaient sur le transfert d'importantes quantités d'eau et de vastes territoires utilisés pour les cultures et de grandes étendues forestières, «véritables puits à carbone» vers la production de matières premières énergétiques. Le chef de l'Etat a ainsi expliqué que, dans un monde globalisé et interdépendant, «la responsabilité est l'affaire de tous et ne peut s'accommoder de décisions unilatérales dont les conséquences peuvent condamner à terme de centaines de millions d'êtres humains aux affres de la faim et de la malnutrition». Il estimera , en outre, que «Pour répondre aux nombreux questionnements qui nous interpellent, il est important de clarifier certaines notions telles la bioénergie et l'énergie renouvelable qui recouvrent des catégories aussi distinctes que les biogaz, les énergies éolienne et solaire ou les agro-carburants». Cet effort de différenciation «nous permettra de définir nos priorités, d'affiner nos choix et d'arrêter des stratégies communes pour l'avenir», a ajouté le Président. Abordant les bouleversements en cours qui ont montré «l'extrême fragilité et la permissivité des zones de grande précarité qui s'avèrent insuffisamment préparées pour affronter les rigueurs et les dysfonctionnements du marché mondial», le Président a appelé à «concevoir, pour des raisons à la fois éthiques, économiques et de sécurité, la possibilité de leur déconnexion transitoire de ce même marché mondial, seule alternative pour le développement des cultures vivrières». S'agissant de la vulnérabilité face aux changements climatiques, le Président a souligné que «les résultats obtenus restent en deçà des défis auxquels de nombreuses régions du monde sont confrontées. La généralisation des études d'impacts à l'ensemble de ces régions nous semble devoir constituer une des principales priorités de la conférence des parties à la convention climat». Dans son allocution, le chef de l'Etat a fait part de sa crainte «de voir s'installer de manière durable la défiance des peuples à l'endroit des mécanismes régissant le commerce mondial et de l'idée même que l'ouverture des marchés puisse être un facteur de croissance, de prospérité et de bien-être partagé». La communauté internationale, a-t-il affirmé, «ne peut continuer à produire des discours contradictoires au risque de devenir totalement inaudible et d'écorner sérieusement sa crédibilité.