Dans un cadre exceptionnel, un contexte extraordinaire et un cénacle de haut niveau, le président de la République a eu d'abord raison de rappeler la vocation de l'OPEP. Celle que les pères fondateurs lui ont fixée : satisfaire de manière appropriée les besoins de l'économie mondiale à un prix rémunérateur pour les producteurs. Ce qu'elle fit pendant le temps où son volume de production et ses décisions consensuelles avaient une influence réelle sur les cours du baril. Ça, c'était presque dans une autre vie. Depuis, beaucoup de pétrole a coulé sous les ponts et le marché a progressivement échappé à une nécessaire régulation. Ainsi sera-t-il soumis à des fluctuations démesurées des prix. Ces oscillations s'alimentent au robinet d'une spéculation débridée, source première d'une déstabilisation préjudiciable du marché. Sévère fragilisation favorisée également par une financiarisation excessive de l'économie mondiale avec la formation de bulles financières dont l'éclatement génère des crises, parfois majeures comme celle des subprimes. La crise qui en a découlé, déferlant sur les marchés financiers et l'économie réelle tel un tsunami. Avec comme conséquences, un ralentissement net de l'activité économique, une très forte baisse des prix du pétrole et une consubstantielle réduction des revenus des pays producteurs, assez drastique. Alors même que sa part dans la production mondiale n'excède pas 40%, l'OPEP a beaucoup ramé pour stabiliser les marchés en ajustant l'offre pétrolière. Ce qu'elle fit d'ailleurs à Vienne le 24 octobre. Il lui restait alors, pour enrayer la spirale négative de la baisse draconienne amorcée l'été dernier, à frapper les imaginations, prendre des décisions énergiques, en somme, envoyer des signaux forts au marché. Ce qui n'a pu être fait lors de la réunion extraordinaire du Caire incombera in fine à celle d'Oran qui décidera alors de fermer un peu plus les vannes. Cette fois-ci, l'OPEP, après avoir enregistré, non sans satisfaction d'ailleurs, le respect de la discipline observée par ses membres ayant respecté la décision de Vienne de réduire de 1,5 mbj leur production, a frappé fort. Vraiment fort. En ce sens que la réduction globale de 4,2 mbj de la production, incluant la baisse décidée en octobre, est inédite. Inespérée même car elle va au-delà des attentes et des fourchettes de baisse projetées. C'est donc une décision historique. Et mieux qu'un succès d'estime pour l'Algérie, pays hôte. Et, derrière la Russie, invité de marque à Oran et observateur inhabituel au sein du cartel, il est vrai de poids et particulièrement coopératif, les pays non OPEP s'inscriront en principe dans la logique baissière. Finalement, les producteurs ne pouvaient pas se permettre de jouer petits bras. Il était pour eux indispensable de réguler les stocks, plus élevés que la normale. Par conséquent, de rétablir l'équilibre… C'est que, comme le dit un adage algérien, «le couteau était [déjà] dans l'os». Et encore, selon une autre maxime du terroir algérien, les pays OPEP et NOPEP avaient leurs «têtes dans un même turban». Ce «turban», c'est naturellement les intérêts stratégiques des producteurs et ceux bien compris des consommateurs et de l'industrie pétrolière dans son ensemble. Il y aura donc dans l'histoire de l'organisation un avant et un après Oran. Reste donc à espérer que les marchés, qui ne manqueront pas d'apprécier ce geste puissant de l'OPEP, basculeront progressivement vers le «juste prix». Celui de 75 dollars, fixé initialement par l'Arabie saoudite. Et ce qui est bon pour le royaume n'est pas forcément mauvais pour l'OPEP. N. K.