«J'ai apprécié Chaouchi à la CAN, mais M'bolhi a bien fait le travail.» George Weah, ou Mister George comme aiment à le surnommer les journalistes, est l'une des figures emblématiques du football africain. Il fait partie, avec Rabah Madjer et Abedi Pelé, du cercle très fermé de joueurs ayant su s'imposer dans des clubs européens de renom et ayant pu remporter un trophée européen des clubs. Le Libérien, qui compte se représenter aux élections présidentielles dans son pays après avoir échoué une première fois, suit toujours le football en sa qualité d'ambassadeur de la FIFA pour l'Afrique et de consultant pour la chaîne de télévision sud-africaine SABC. C'est avec plaisir que nous l'avons retrouvé pour cet entretien où il est beaucoup question de l'Afrique. Votre avis est souvent sollicité par les représentants des médias parce que vous êtes connu pour votre franchise, parfois poussée à l'extrême. Revendiquez-vous cette franchise ? Oui, je la revendique car j'estime que lorsqu'on voit que les choses vont mal, il faut dire la vérité pour situer les erreurs et essayer de faire mieux. Je ne dis pas les choses franchement pour faire du mal ou bien pour le plaisir de critiquer. Si on voit une erreur et qu'on ne la dénonce pas ou qu'on ne la signale pas, ce n'est pas du tout la peine de parler. Vous avez l'été l'un des défenseurs de l'organisation, par un pays africain, de la Coupe du monde. A présent que l'on est au stade des quarts de finale, à une dizaine de jours de la fin de la compétition, êtes-vous satisfait du succès de l'organisation de ce Mondial par l'Afrique du Sud ? Non seulement satisfait, mais aussi très content et très fier. Lorsque nous menions la campagne pour décrocher l'organisation du Mondial en Afrique, nous avions insisté sur le fait que l'Afrique du Sud était le pays africain le mieux indiqué pour abriter ce genre d'événement. L'avenir nous a donné raison puisque nous remarquons que l'organisation a été à la hauteur, que tout a été mis en place pour faire les choses en grand et que tout le monde est content. De quoi faire raviser les personnalités sportives européennes qui ne croyaient pas à la capacité de l'Afrique d'organiser une Coupe du monde… Oui, ces personnalités ont changé d'avis après avoir constaté qu'il y a une organisation de premier plan. Elles n'ont rien à redire. Ces gens avaient parlé du risque d'insécurité. Cela fait plus de deux semaines que nous sommes là, nous n'avons pas vu la moindre petite violence, le moindre petit incident. Ce n'était que des procès d'intention qui se sont révélés faux. Le fait est là : tout se passe bien au niveau organisationnel. C'est une bonne chance pour l'Afrique. Allez-vous militer désormais pour qu'un autre pays africain obtienne, dans les années à venir, l'organisation d'une Coupe du monde ? Ce ne sera certainement pas dans l'immédiat, car organiser un Mondial est difficile. Mais lorsque le temps viendra, je m'investirai dans une telle campagne. Peut-être que des pays comme la Tunisie, l'Egypte ou le Maroc pourront le faire un jour. Ce qui est certain, c'est que ce sera plus facile de convaincre les gens. Pour l'Afrique, il y a eu quand même la déception des résultats puisque seul le Ghana est arrivé à passer le premier tour. Où s'est situé le mal pour les sélections africaines, selon vous ? Il se situe dans le manque de travail et de préparation. La majorité des sélections africaines se sont mal préparées pour le Mondial, tout simplement. Et puis, n'oubliez pas qu'il y a des sélections dont l'entraîneur a été désigné deux mois seulement avant le début du Mondial. Trouvez-vous cela sérieux ? On ne désigne pas un entraîneur à quelques semaines d'un aussi grand événement. Cela se ressent sur la qualité du jeu et nous l'avons bien vu. Faites-vous allusion à la Côte d'Ivoire et au Nigeria qui ont recruté de noveaux entraîneurs après la Coupe d'Afrique des nations ? Je n'accuse personne. Je pose juste une question: les équipes qui ont changé d'entraîneur après la CAN ont-elles fait mieux pour autant ? Elles n'ont rien montré en Coupe d'Afrique et elles n'ont rien montré au Mondial. Elles ont joué aussi mal. Donc, changer pour changer n'est pas la solution. Pourquoi, selon vous, le Ghana a-t-il réussi à s'extirper de la phase des poules ? Il faut le reconnaître : le Ghana a eu de la chance. Il a perd son dernier match contre l'Allemagne, mais pour son bonheur, le résultat de l'autre match entre la Serbie et l'Australie lui a permis de se qualifier. Maintenant, il faut espérer qu'il aille encore plus loin dans la compétition (entretien réalisé hier matin, avant le match Uruguay- Ghana, ndlr). Pendez-vous que la stabilité du staff technique et des joueurs a été pour quelque chose dans ce beau parcours ? Non, cela n'a rien à voir. Si les Ghanéens se sont qualifiés pour le deuxième tour, c'est par miracle ! Si la Serbie avait gagné contre l'Australie ou que cette dernière s'était imposée contre les Serbes par deux buts d'écart ou plus, les Ghanéens seraient chez eux en ce moment. Il ne faut pas se leurrer : le Ghana a eu de la chance. Dieu a voulu qu'il passe et c'est tant mieux. Que pensez-vous de la participation algérienne, de retour en Coupe du monde après 24 ans d'absence ? C'est une équipe jeune qui possède beaucoup de qualités. Si elle est passée à côté dans ses matchs, c'est parce qu'elle n'a pas su exploiter les opportunités de scorer qui s'étaient présentées à elle. C'est vrai que les Algériens sont rentrés à la maison après le premier tour, mais ils n'ont absolument pas démérité. Ils ont une large marge de progression et peuvent faire beaucoup de choses intéressantes à l'avenir. Donc pour vous, il ne manque que l'efficacité ? Dans l'équipe d'Algérie, il y a tout, sauf des buteurs. Ça joue bien, ça construit bien, ça fait bien circuler le ballon, mais il n'y a pas quelqu'un pour concrétiser devant. Il faut beaucoup travailler cet aspect parce que, pour une équipe qui développe un si beau jeu, il faut qu'il y ait un attaquant de talent pour que le travail collectif se concrétise. Je dirai même qu'il n'en faudra pas seulement un, mais que plusieurs joueurs, dans tous les compartiments de jeu, apprennent à marquer. Y a-t-il des individualités qui vous ont plu ? J'ai vu l'Algérie en Coupe d'Afrique et j'ai constaté qu'il s'agit plus d'un collectif que d'individualités. Ce sont des jeunes qui donnent se beaucoup sur le terrain et qui jouent en équipe. En Coupe du monde, je n'ai pas suivi attentivement tous leurs matchs parce que je travaille comme consultant pour la chaîne de télévision locale, mais j'ai bien vu dans leur match contre les Etats-Unis qu'ils ont eu des occasions de marquer. En football, à plus forte raison en Coupe du monde, ce sont les buts qui comptent, pas le beau jeu ou le nombre d'occasions. On a beaucoup parlé du gardien de but algérien Raïs Mbolhi Ouhab… Oh, lui ! Quel gardien de but ! Le titulaire (Chaouchi, ndlr) est très bon et j'ai vu qu'il a fait de belles prestations durant la CAN, mais il a commis une erreur contre la Slovénie qui a coûté un but. Son remplaçant n'est pas forcément meilleur que lui, mais il a eu le mérite de bien faire son travail. C'est cela avoir la confiance. Les Algériens gardent de vous le souvenir d'un match disputé entre l'Algérie et le Liberia à Annaba et au cours duquel vous aviez joué comme libéro pour dépanner, mais la seule fois où vous êtes monté vers l'attaque, vous aviez inscrit un but pour votre équipe. Vous souvenez-vous de ce match ? Oui, je m'en souviens ! J'étais obligé de rester en défense parce que, tellement les enfants (ses coéquipiers, ndlr) voulaient marquer vite, ils ont encaissé des buts. Je suis monté une fois pour tenter ma chance et ça a marché. J'avais, ce jour-là, un rôle inédit, mais je l'ai assumé parce que, en football, on ne peut pas toujours choisir. Cela dit, mon équipe avait fait de son mieux pour marquer sans se cantonner en défense. Je me rappelle que nous avions été très bien accueillis à l'occasion de ce match-là. On avait fait les choses en grand pour nous. Vous êtes très respecté en Algérie… Oui, je le sais. J'ai toujours été très bien reçu là-bas, comme je suis très bien reçu dans tous les pays arabes : Tunisie, Egypte, Maroc… A chaque fois que nous allons dans un de ces pays, nous nous sentons comme chez nous. Ce jour-là, les Algériens avaient gagné et c'était mérité. Durant votre passage au Paris Saint-Germain, avez-vous connu des footballeurs algériens ? J'ai connu beaucoup d'Algériens, mais pas footballeurs. Ce sont des Algériens qui vivent à Paris et que j'ai rencontrés dans ma vie de tous les joueurs, ainsi que des Tunisiens aussi. Il y en a qui sont restés mes amis à ce jour. Que manque-t-il aux sélections africaines pour conquérir le monde ? Elles ont toutes les qualités. Il leur manque juste le travail. Si elles arrivaient à travailler un peu plus, elles iraient plus loin. Travail, discipline, respect de soi et de l'adversaire, ce sont les ingrédients de la recette pour devenir un champion.