«Mon prochain objectif : devenir sélectionneur du Cameroun» L'élimination sans gloire des Lions Indomptables du Cameroun lors du premier tour de la Coupe du monde en Afrique du Sud (3 matchs, 3 défaites) l'a marqué. Présent à Paris cette semaine pour les besoins de son sponsor, on a retrouvé l'attaquant et capitaine du Cameroun avec le sourire. Encore en vacances, le Milanais revient sur cette énorme déception et fait le point sur sa très belle carrière. Il nous a même parlé de la prestation de l'Algérie. Une équipe africaine n'a pu aller en finale. Est-ce une déception ? Oui, car c'était le souhait de tous les Africains. Le peuple sud-africain a mis le paquet pour que tout se passe bien et le Ghana a dignement représenté l'Afrique. Mais dans le foot, il y a toujours un petit facteur chance qui joue. Un but pratiquement à la 120' qui se trasforme en un penalty et on le manque. Cela arrive dans le sport et cela est arrivé au Ghana. Toutes les équipes africaines s'arrêtent en quart de finale, mais le Ghana avait les moyens d'aller jusqu'aux demi-finales. Avez-vous pu imaginer la pression qui reposait sur les épaules d'Asamoah Gyan, l'attaquant ghanéen, qui a raté le penalty ? Vous savez, ce ne sont que les joueurs courageux et importants qui peuvent prendre cette responsabilité. Il avait déjà marqué deux penaltys auparavant, mais un ratage peut arriver. Moi, je lui dis plutôt bravo d'avoir pris ses responsabilités, surtout qu'il a marqué lors des tirs au but. L'élimination du Cameroun a-t-elle été la plus grosse déception de votre carrière internationale... Je ne souhaite pas faire de commentaire sur la performance du Cameroun, mais j'espère vraiment que Dieu me donne des forces pour me relever. On vous reverra donc en 2014 à la Coupe du monde organisée au Brésil... C'est encore loin et d'ici là, beaucoup de choses pourraient se passer. Mais je jouerai toujours pour mon pays tant que mes jambes me le permettront. Pour nous Africains, vous savez, c'est la plus belle des choses que de représenter ce pays et ce drapeau qu'on aime. Mais je ne parlerai pas de revanche. Cette Coupe du monde en Afrique était-elle le plus beau rendez-vous pour les équipes africaines ? Oui, c'était le scénario idéal pour briller, car on était vraiment chez nous avec cette occasion d'organiser un événement majeur. Comme il y a quelques années, quand j'ai disputé ma première Coupe du monde en France en 1998 ou au Japon en 2002, je n'étais pas un étranger. Je me sentais chez moi. C'est comme si nous avions participé à cette organisation. Malheureusement pour nous, la fête n'a pas été au rendez-vous. Mais je suis plutôt content, car le peuple sud-africain a mis le paquet pour que tout se passe bien. Le retour au pays a dû être compliqué... C'est normal, car il y avait une grosse attente et il y a eu une grosse déception compréhensible à la fin. Il faut comprendre le peuple camerounais. Surtout que pour une fois, il n'y a pas eu de problèmes entre les joueurs et les dirigeants. Quand on voit le groupe où figurait le Cameroun ((NDLR : Pays-Bas, Danemark et Japon), on se dit qu'on aurait pu faire de belles choses. A qui la faute ? Aux joueurs ? Les joueurs ont le devoir et le pouvoir de changer les choses. On peut tout dire, mais nous les joueurs, on a le pouvoir du stade. Donc, ce sont les joueurs ? Je ne dirai pas qui est responsable. On est une équipe dans laquelle on gagne et on perd ensemble. Certains ont peut-être tiré sur moi par rapport au joueur que je suis devenu. Je comprends, car en tant que capitaine, je suis le dernier après tous mes coéquipiers à descendre de ce bateau. Donc, j'assume. Mais il ne faut pas accuser les gens. Les dirigeants savent ce qu'ils doivent faire pour que le Cameroun ne revive pas une telle situation. A partir de là, il faudra repartir du bon pied. Arsène Wenger a déclaré au sujet de l'équipe de France qu'il ne fallait pas passer l'éponge. Chez nous, c'est pareil. Vous a-t-on demandé de vous justifier ? Je n'ai pas à me justifier. Je n'avais qu'à demander pardon au nom de tous mes coéquipiers et de tous ceux qui étaient en Afrique du Sud pour représenter le Cameroun. Le pardon est la base de tout. On vous a pardonné ? Le peuple nous aime. Etes-vous toujours motivé ? La vie est un éternel recommencement. Dans le monde du football, chaque jour, vous n'êtes jamais fort. Il faut prouver que vous méritez votre place. Et ce n'est pas seulement avec le brassard de capitaine, car le brassard, je le remettais à chaque fois au coach. ça pouvait être quelqu'un d'autre. Ce décalage entre vos performances en club et en sélection est-il frustrant ? Quand vous êtes en club, vous avez la possibilité de jouer pendant 9 mois avec vos coéquipiers. Avec la sélection, vous n'avez que 3 ou 4 jours pour vous préparer et 2 ou 3 semaines avant une Coupe du monde. Vous essayer de créer la bonne ambiance qui vous permettra de vivre pendant un mois. Parfois ça prend, parfois ça ne prend pas. Restez-vous sur votre faim ? Ce n'est jamais trop. Moi, je ne suis jamais content de ce que j'ai eu. Je dis toujours ' «Merci mon Dieu pour ce que vous m'avez accordé», mais j'essaie toujours de faire mieux. En 2008, au Ghana, on a perdu une finale de Coupe d'Afrique. C'était une occasion ratée, car cela aurait été un trophée de plus à notre palmarès. Là en Afrique du Sud, il y avait une opportunité chez nous de prendre du plaisir et surtout d'en donner. On est passés à côté. Ce sont les années qui passent et il y a moins d'occasions. Quelle est la part de responsabilité de Paul Le Guen, le sélectionneur ? Je n'ai rien à lui reprocher et je le lui ai dit. Que les gens l'aiment ou pas, il a pris ses responsabilités à chaque fois. J'ai essayé de l'aider sans rien lui imposer. Durant ma carrière, j'ai eu la chance de travailler avec plusieurs entraîneurs. Luis Aragones disait toujours que lorsqu'on gagnait, c'était notre victoire et lorsqu'on perdait, c'était sa faute. C'est ce que Paul Le Guen a dit ? Il ne l'a pas dit, mais il l'a toujours fait. On a entendu dire que la Fédération camerounaise pourrait prolonger son contrat. Qu'en pensez-vous ? Je ne suis pas contre l'idée qu'il continue. Je suis Camerounais et ce qui est bon pour mon pays est bon pour moi. Je n'irai jamais contre la volonté de mon peuple. Pendant la Coupe du monde, vous avez essayé d'améliorer la situation... C'est normal. Je suis capitaine, mais mon rôle n'est pas de dire au coach qui doit ou ne doit pas jouer. Mon rôle est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de problèmes entre les joueurs et les dirigeants. C'est la première année qu'il n'y en a pas eu. On n'a pas dit que les dirigeants avaient bouffé l'argent ou que l'équipe avait fait un voyage de 3 jours. Maintenant, je dois pousser mes coéquipiers à donner le meilleur d'eux-mêmes. Mais ça, c'est difficile à expliquer. Comment vais-je être responsable de joueurs que quelqu'un d'autre a sélectionnés ? Je suis capitaine, je ne suis pas sélectionneur. Mais j'aide le coach et j'ai discuté beaucoup avec Paul avant et après le premier match. Vous lui avez donc demandé à rejouer dans l'axe après la défaite contre le Japon (1-0)... Non, non, jamais. A l'Inter Milan, j'ai pratiquement joué toute la saison sur le côté droit et avant le Coupe du monde, j'ai eu une discussion avec le coach sur mon positionnement. Il m'a dit : «Samuel, on a un coup à jouer, si tu peux jouer à droite». Je lui ai immédiatement répondu : «Si le Cameroun doit gagner et que Samuel Eto'o doit passer au second plan, c'est ce coup-là que je veux jouer et peu importe où je jouerai». A l'entraînement, le coach fait sa mise en place et on sait où l'on va jouer. C'est l'avantage que nous avons sur les journalistes. Donc, je savais que je jouerai dans l'axe contre le Danemark. Et là, il y a eu l'envie qui nous avait manquée contre le Japon. Après, si vous manquez de chance... L'Espagne est-elle un beau champion du monde ? Oui. Mais c'est dommage, car j'avais des amis dans les deux équipes. J'étais peiné pour certains comme Sneijder qui m'a soutenu tout au long de la saison dernière. Mais j'étais heureux pour d'autres comme Iniesta, Piqué, Valdes, Xavi et Puyol. L'Espagne est mon deuxième pays. Qu'avez-vous pensé du fiasco de l'équipe de France ? Je n'ai pas à juger. De l'extérieur, on peut tout dire. Mais on n'était pas là pour savoir ce qui s'est réellement passé. J'ai discuté avec Titi (Thierry Henry), mais nous n'avons pas parlé de ça. Je n'ai jamais entendu dire qu'il avait boudé. Le coach a fait ses choix. Allez-vous suivre votre entraîneur José Mourinho au Real Madrid, votre ancien club ? José est un grand monsieur, mais je suis encore en vacances ! (il rit). Je parlerai de ma carrière dans deux semaines, quand je reprendrai l'entraînement avec l'Inter. Deviendrez-vous un jour sélectionneur du Cameroun ? Oui, c'est l'un de mes souhaits. Au début de ma carrière, j'avais deux objectifs : remplir mes devoirs de joueur avec la sélection et créer un centre pour qu'il y ait une relève. Je les ai atteints tous les deux. Maintenant, j'attends que mes jeunes frères arrivent en équipe nationale pour pouvoir partir. Avez-vous suivi les matchs de l'équipe d'Algérie ? Oui, j'ai regardé les matchs de toutes les équipes africaines. Que lui a-t-il manqué pour franchir le premier tour ? De l'expérience, surtout lors du premier match contre la Slovénie. Il y a eu ce but encaissé et ce carton rouge reçu par l'attaquant... C'était Ghezzal... Il joue en Italie, lui ? Oui, à Sienne. J'ai joué le dernier match de championnat face à lui. Ce carton, c'est vraiment un manque d'expérience. Pourtant, l'Algérie était en train de faire un bon match. A n'importe quel moment de la rencontre, on pensait qu'elle était capable de marquer. Mais sur ce premier match, l'Algérie a eu peur de la qualification.