«Mon fils Yasser est un supporter du Mouloudia, c'est un Chenoui qui le lui a fait aimer lorsque je jouais à l'USMA» «La relégation de l'Entente en 1994 reste le point noir de ma carrière» Après avoir mis fin subitement à sa carrière au milieu de la saison 2008/2009 pour cause de blessure, Issad Bourahli s'est retiré complètement de la scène footballistique. Le renard des surfaces a accepté volontiers notre invitation au bureau régional de Sétif. Accompagné de ses deux fils et quelques amis, Bourahli a répondu sans ambages à toutes nos questions et raconté avec forces détails ses bons souvenirs, et les mauvais également, qui ont marqué son parcours. La relégation de l'Entente en 1994 en D2 reste le point noir, selon lui, de toute sa carrière. Bienvenue Issad, cela fait plus d'une année qu'on n'a pas eu de vos nouvelles ? Merci pour l'invitation. Je me trouve toujours à Sétif, il est vrai que je me suis éloigné du football et du sport en général depuis plus d'une année et demie. Je m'occupe de mon commerce à Sétif. Racontez-nous vos débuts en football… La plupart des joueurs à Sétif commencent à jouer à l'USMS, moi j'ai débuté à l'Université de Sétif en minimes en 1987-1988. Ammi Boualam Sensaoui, que Dieu ait son âme, m'a repéré et ramené à l'ESS en cadets. Quels sont les joueurs que vous avez trouvés à cette époque ? Nacerdine Sadi était l'entraîneur des cadets, il y avait Samir Bentaleb, Rouikem, Djellal comme joueurs. Après une année en cadets, j'ai été promu en juniors où j'ai trouvé Nabil Azzoug, Hocine Bouâoune et l'entraîneur Kamel Abassen. Lors de la phase retour de la deuxième année juniors, j'ai intégré l'équipe première. Et comment avez-vous reçu votre première convocation ? C'était sous la houlette de l'entraîneur Diaa Edine Boulahdjilet lors de la saison 1991/92. J'étais à la maison et on m'a informé que j'étais du déplacement à Guelma. J'étais naturellement très heureux. Comment était votre premier match ? Très difficile, Guelma et l'ESS jouaient leur survie. J'étais sur le banc, et je ne me souviens pas quel joueur s'était blessé pour que Boulahdjilet m'incorpore à sa place. Comment était votre rendement ? Bien que je n'aie pas marqué, j'ai bien joué et donné deux passes à Mustapha Ghrib qui a marqué un but. Je suis resté chez les seniors depuis ce match. Contre quelle équipe avez-vous marqué votre premier but ? La saison 1991/92 ne s'est pas achevée en juin, à cause de l'assassinat de Mohamed Boudiaf. Cinq ou six journées ont été reportées au mois de septembre 1992, c'est là que j'ai signé mon premier but. J'ai marqué contre le MCA au stade Bologhine où on a perdu 2 à 1. Votre histoire avec le Mouloudia a commencé tôt, donc ? Absolument. J'ai marqué de beaux buts contre le Mouloudia, que ce soit avec l'ESS ou l'USMA. Il n'y a pas de secret à cela, seulement il y a des équipes qui réussissent à certains joueurs. C'est notre cas à l'ESS où certains joueurs, comme El Hadi Adel ou Samir Alliche nous marquent à chaque fois qu'ils nous croisent. Peut-être que c'est parce que je marquais des buts décisifs contre le Mouloudia qu'on parlait de moi de cette façon. Au point où mon fils Yasser est devenu un fan du Mouloudia. C'est un peu surprenant que le fils de Bourahli soit un fan du Mouloudia… C'est la réalité, mon fils supporte le Mouloudia depuis que j'étais installé à Alger à l'époque où je jouais à l'USMA. Un supporter du MCA qui habite Bab El Oued plus connu sous le nom de «Zakou» lui parlait tellement du Mouloudia qu'il a fini par devenir l'un des leurs. Revenons à l'Entente, en 1992 après le tournoi de la Jordanie, les anciens joueurs ont quitté tous l'équipe, il ne restait que vous les jeunes… On a participé à ce tournoi sur invitation du club El Wihdat en notre qualité de champion afro-asiatique avec des équipes nationales comme la Jordanie, l'Irak, l'Ethiopie et le Congo. On a battu ces deux dernières équipes et on a terminé à la quatrième place, après avoir été éliminés par l'Irak en demi-finale. L'effectif était un mélange d'anciens et de nouveaux avec l'arrivée notamment de Samir Djilani et Mustapha Mehdaoui. Après ce tournoi, c'était l'explosion ? Absolument, le président Belbey et plusieurs autres joueurs comme Serrar, Matem, Rahmouni, Adjas, Zorgane, Ghrib sont partis. Et les frères Madani, Ezzine et Djamel sont arrivés et il ne restait que les jeunes avec l'entraîneur Hadj Noureddine. Et c'est à cette époque que le public a découvert Bourahli dans un match télévisé, vous vous rappelez ? C'était contre l'USMB à Sétif. On a gagné 2 à 1 et j'ai marqué un but exceptionnel. C'était l'occasion pour le public algérien de me découvrir pour la première fois, alors que le public sétifien me connaissait déjà. C'était une période difficile pour nous où on a perdu plusieurs matchs, même à domicile. Hadj Noureddine était parti après le match de la JSK, n'est-ce pas ? On était dans une situation compliquée, on n'avait que 7 points après 11 journées, la défaite à Sétif contre la JSK sur le score de 3-0 a précipité le départ de Hadj Noureddine. La JSK avait une grande équipe avec Meftah, Benhamlat… qui nous ont humiliés. C'est alors que Mansour Hadj a succédé à Hadj Noureddine… La direction du club a appelé d'abord Khelfa Abdekrim, pour diriger l'équipe. C'est lui qui leur avait dit qu'il y a un entraîneur compétent qu'il a connu en Allemagne où il a fait ses études, à savoir le Palestinien Mansour Hadj. La direction du club n'a pas trouvé d'inconvénient à l'appeler. Comment étaient les débuts avec l'entraîneur Mansour Hadj ? Heureusement que la venue Mansour Hadj a coïncidé avec la trêve d'un mois. Cela lui a permis de refaire tout le travail, notamment le volet physique. Car lorsqu'il a effectué des tests physiques, il nous a trouvés dans une situation lamentable. On a effectué un stage de préparation pendant 20 jours à «Dar Lemâalem». On n'avait pas les moyens nécessaires à cette époque. Je me souviens que les observateurs ont été tous unanimes à dire que l'Entente était la première équipe à descendre en deuxième division. Mais nous avons relevé le défi dans la seconde manche du championnat et on a repris confiance. On a commencé à cueillir les fruits de notre stage d'un match à l'autre. Vous aviez une équipe jeune à cette époque. N'étiez-vous pas habités par cette peur de descendre en D2 ? Effectivement, on était sept juniors dans l'équipe et un cadet même, Khaled Ayadi. On a commencé par un match nul à Sétif, contre Mostaganem, qui avait le défunt Abdelkader Bahmane comme entraîneur. On a fait match nul ensuite 0-0 à Bordj Menaïel. C'est lors de cette rencontre justement que nous avions renoué avec la confiance. Bordj Menaïel sous l'ère Tahanouti était parmi les grandes équipes de l'époque. Un nul à Takdjerad était un exploit. Le déclic a eu lieu contre le Mouloudia au 5-Juillet, lorsque vous avez réussi à renverser la vapeur et gagner sur le score de 3-2 après avoir été menés 2-0… Après Bordj Menaïel, on a concédé un autre match nul à domicile, et je ne me souviens pas contre quelle équipe. C'est par la suite qu'on a commencé à cueillir les frits du travail accompli par Mansour Hadj. On a joué contre le Mouloudia d'Alger au mois de Ramadhan, et à 12 minutes de la fin, on était menés 2-0. Nos supporters quittaient le stade car ils étaient convaincus de notre défaite. Dans les dix dernières minutes, nous avons réussi à marquer trois buts, et j'ai marqué moi-même le quatrième que l'arbitre n'a pas accordé. Et au retour à Sétif, on a vécu une situation insolite. Laquelle ? Je me souviens que lors de cet après-midi, la radio a interrompu la diffusion des matchs à cause d'un événement politique dont je ne me souviens pas. Nos supporters à Sétif ignoraient le résultat de la rencontre. Dans leur tête, l'ESS a perdu, même les supporters présents au 5-Juillet, et qui ne sont pas restés jusqu'à la fin, ne savaient rien. Lorsqu'on a rencontré certains d'eux dans les restaurants aux environ de Bouira, ils nous regardaient d'un mauvais œil, ils ne savaient pas qu'on avait renversé complètement le match dans les ultimes moments du match. Ils ne se sont rendus compte de notre victoire que le soir en regardant les informations de 20h. C'est là que vous avez cru en vos chances de maintien, n'est-ce pas ? Tout à fait, lorsque vous revenez avec une victoire du 5-Juillet conte le Mouloudia, vous avez certainement le moral. Et on a commencé à renouer avec la confiance match après match. On a continué notre parcours avec Mansour Hadj et Khelfa, et les joueurs se sont beaucoup sacrifiés même s'il y avait 7 juniors et un cadet parmi l'effectif, qui manquaient d'expérience. Ne pensez-vous pas que c'est lors de la rencontre contre l'US Chaouia lors de la même saison 1992-93 que Bourahli a explosé ? Oui, il est vrai que l'US Chaouia avait une grande équipe, la meilleure à l'époque, et voulait s'adjuger le titre de champion dans sa première saison parmi l'élite. Nous les avons battus à Sétif sur le score de 4 à 1, à deux journées de la fin du championnat. Je crois que c'est cette rencontre qui a privé l'USC du titre remporté par le MCO. J'ai marqué deux buts, le premier et le quatrième. Nous avons fait une démonstration de force en dominant notre adversaire de bout en bout. Ce qui a poussé le président de l'USC à l'époque, Yahi, à déclarer dans la presse que les joueurs de l'Entente se dopaient. C'était une saison où nous avons relevé le défi et avons réussi à maintenir le club en première division. Vous étiez jeune à l'époque, comment avez-vous gérer la pression de jouer pour éviter la relégation ? Ce n'est pas facile pour un joueur de commencer sa carrière en jouant la relégation. Surtout à cette époque où les supporters de l'Entente ne vous pardonnaient pas, surtout que l'équipe avait été championne d'Afrique et afro-asiatique quatre ou cinq ans auparavant. Ce n'est donc pas facile de se retrouver en train de jouer pour éviter la descente. Nous les joueurs, on subissait une pression terrible, et cela s'est répercuté sur notre rendement. On gagnait difficilement nos matches sur des scores étriqués. A votre avis, à qui l'Entente doit son maintien lors de la saison 1992/1993 ? A Mansour Hadj, Khelfa, et sans oublier les joueurs qui se sont sacrifiés. Je citerai le gardien Abed, Harkat, Djilani, Mehdaoui, Ziat et tous les autres, et même le public qui a fui son équipe lors de la phase aller, avant de revenir nous soutenir en force lors de la phase retour. Ils ont compris que nous n'avions pas une équipe riche comme les autres clubs. A la fin de la saison, Hadj Mansour est parti, Kermali l'a remplacé à l'été 1993, qu'est-ce qui a changé dans l'équipe à cette époque ? Après le retour de Kermali, les frères Madani qui étaient responsables du club, ont recruté quelques joueurs et ont fait revenir Zorgane, Adjas et Rahmouni, partis en Tunisie. Ils ont fait venir aussi le gardien Abdenouri et le défenseur Kifadji d'Annaba. Mais on a connu plus de difficultés que la saison d'avant. Certains joueurs qui étaient de retour dans l'équipe, comme Rahmouni, n'étaient pas à la hauteur des attentes, en plus de la pression du public qui exigeait de nous de jouer les premiers rôles. C'était une saison difficile avec Kermali. Et vous aviez eu un problème au stade du 20-Août avec cette histoire de maillot… Absolument. J'avais un problème avec Kermali. Peut-être qu'il y avait des gens qui l'avaient induit en erreur me concernant. On habitait le même quartier (Boumechri), il m'a parlé, je me rappelle bien, un lundi. Il m'avait dit de bien travailler pour que je devienne le meilleur avant-centre d'Algérie. Jeudi, au 20-Août contre le CRB, il me fait jouer cinq minutes avant de me faire sortir. Je ne pouvais me maîtriser et j'ai commis une erreur de jeunesse. Vous lui avez jeté votre maillot, comment ça s'est passé par la suite ? C'était une erreur de jeunesse comme je viens de vous le dire. Après deux semaines, je lui ai présenté des excuses et j'ai réintégré le groupe. Quand étiez-vous persuadé que l'Entente allait descendre cette saison-là ? Personnellement, je crois que l'équipe a signé son acte de décès lors de la rencontre contre Bordj Menaïel, lorsqu'on a concédé le nul 1-1. On menait au score jusqu'aux dernières minutes, lorsque Kourifa a réussi l'égalisation. C'est ce résultat qui nous a précipités dans le coma avant que l'USM Bel Abbès nous achève dans l'avant-dernière journée. Mais lorsque vous vous êtes déplacés à Bel Abbès, l'USMBA était déjà reléguée. Pourquoi n'avez-vous pas réussi à les battre ? L'USMBA était déjà en deuxième division, mais ils ont arrangé le match avec le CAB, qui se battait, lui aussi, pour éviter la relégation. Les joueurs de l'USMBA nous disaient sur le terrain qu'ils allaient nous battre pour l'argent du CAB. C'était le cas. On a perdu 1 à 0 et on est descendus, alors que le CAB a réussi le maintien. Le sentiment de la relégation est très pénible, n'est-ce pas ? La relégation est difficile. Vous savez, ce qu'on ressent lorsqueson équipe descend, je ne le souhaite à aucun joueur. D'autant plus que j'étais jeune quand l'ESS a été reléguée en deuxième division (il avait 20 ans, ndlr). En fin de carrière, ma foi, c'est supportable, mais pour un jeune joueur c'est tellement difficile de digérer au point que je croyais que tout le monde nous regardait, les autres joueurs et moi, avec dédain. La relégation de l'Entente en 1994 reste un point noir dans ma carrière de footballeur. Pourtant l'Entente avait les moyens cette saison, comment expliquez-vous cet échec ? C'est tout le monde qui est responsable, la direction, le staff technique et les joueurs car on prenait les choses à la légère. On menait au score dans plusieurs matchs, avant d'encaisser le but assassin dans les ultimes moments. Ce sont les matchs nuls concédés sur notre terrain contre Boufarik, le CAB, Bordj Menaïel et les autres qui nous ont fait descendre. Mathématiquement, c'est au 8-Mai que nous sommes descendus. En Coupe d'Algérie, la JSK vous a éliminés. Avez-vous joué ce match ? Oui, et on a joué le premier jour du mois de Ramadhan en 1994, on a fait un bon match, mais nous n'avons pas réussi à nous imposer. On a perdu après prolongations aux tirs au but. Une élimination qui venait s'ajouter aux difficultés vécues en championnat. L'Entente était entrée dans un tunnel sombre. Lorsque l'équipe s'est retrouvée en Dé, vous êtes resté pour une saison supplémentaire… Après la descente de l'équipe, on a commencé la saison avec Bouzid Cheniti et Diya Edine Boulahdjilet. On était l'équipe à battre. Toutes les équipes jouaient le match de la saison contre nous. On a réalisé une bonne saison, mais il y avait aussi un bon concurrent, l'USM Aïn Beïda, qui possédait de bons joueurs et un bon entraîneur, Bouarrata en l'occurrence. On a disputé l'accession jusqu'à ce que nous ayons perdu chez eux (1-0) et ils ont accédé.