«Face à Manchester United en 99, on a vraiment senti que le Vélodrome avait tremblé» Pierre Issa est sans doute le plus célèbre footballeur sud-africain de France. Marseille, Coupe du monde, France-98, l'ancien défenseur de l'OM et international sud-africain témoigne, pour Chronofoot, des grands moments de sa carrière sportive. Présent sur la pelouse du Vélodrome le soir du 19 octobre 1999 lors de la victoire des Marseillais contre Manchester United (1-0), il revient notamment sur cet exploit, à quelques jours d'un nouveau choc contre les Red Devils. En France, on vous connaît avant tout comme ancien Marseillais. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre carrière? Je suis né à Johannesburg en Afrique du Sud, où je suis resté jusqu'à l'âge de neuf ans, puis j'ai passé le reste de ma jeunesse en banlieue parisienne. Tout a commencé avec Marseille. J'ai toujours été supporteur de l'OM. J'ai intégré le centre de formation du club où j'ai côtoyé Dianbobo Baldé ou Jacques Abardonado. Puis j'ai pu y signer mon premier contrat pro. C'était pour moi une grande fierté de jouer à l'OM et un rêve qui se réalisait. N'est-ce pas difficile d'évoluer à Marseille? C'est comme tout grand club. On va dire qu'à Marseille, c'est un peu plus délicat parce qu'on ne peut pas avoir d'anonymat, que ce soit sur le terrain comme en dehors. Mais c'est tellement agréable de jouer devant un public aussi bouillant que celui de l'OM. Je n'ai que des bons souvenirs à Marseille, c'est pour cela qu'aujourd'hui je me suis installé ici et que je reste le premier supporteur du club. Votre meilleur souvenir à l'OM? La victoire en Ligue des Champions face à Manchester United (octobre 1999 1-0, ndlr). Ce match avait été l'occasion d'une énorme communion avec les supporteurs. Ce soir-là, on a vraiment senti que le stade avait tremblé. Ça fait plaisir d'apporter autant de plaisir et de fierté à 60 000 personnes. Quelles avaient été les clés du succès? L'équipe était très très soudée que ce soit des jeunes aux stars qu'étaient à l'époque Ravanelli ou même Laurent Blanc. Nous avions vraiment bien préparé cette rencontre et nous avions livré le match parfait. Cette victoire contre Manchester reflétait à elle seule les deux saisons exceptionnelles que l'on avait vécues à cette époque. La première c'était une finale de Coupe d'Europe (défaite 3-0 contre Parme en finale de la Coupe de l'UEFA, ndlr) et une deuxième place en Championnat et la seconde, une série de bons matches en Ligue des Champions, même si le Championnat n'aavait pas suivi. L'OM a-t-il encore une chance contre Manchester United? Je pense que oui. Les Olympiens ont été un peu critiqués lors du match aller parce qu'ils avaient un peu trop joué avec le frein à main mais comme ils n'ont pas encaissé de but c'est quand même un demi point de pris. Je pense que Manchester va prendre les choses en main lors du match retour mais si l'OM arrive à rester aussi solide défensivement que lors du match aller, ils auront quatre-cinq occasions de contre-attaque qu'il faudra exploiter au mieux. Avec des joueurs comme Gignac ou Valbuena qui sentent le but, Brandao ou Rémy et même le petit Ayew qui est en grande forme, l'OM est suffisamment armé au niveau offensif pour aller chercher quelque chose. Vous avez joué en Angleterre, il y a tout juste 10 ans. Le niveau a-t-il évolué depuis? Quelle différence avez-vous constaté avec la Ligue 1? Le niveau a beaucoup évolué en Angleterre mais cette évolution est aussi due au fait que les clubs anglais arrivent à recruter les meilleurs joueurs au monde. On a souvent l'impression que le championnat français a un peu stagné mais la différence vient aussi des enveloppes financières. Si l'on prend le budget de l'avant dernier du championnat anglais, c'est peut-être équivalent à l'un des meilleurs budgets de la Ligue 1. Si un joueur doit choisir entre renouveler son contrat en France ou partir en Angleterre, malheureusement le choix est vite fait. C'est donc assez difficile de faire une comparaison entre les deux championnats. Comment jugez-vous la Ligue 1 actuelle? Les grosses écuries n'ont pas pris l'ascendant dès le départ. Maintenant le championnat va se jouer avec les effectifs les plus étoffés. Plus les matches vont s'enchaîner plus la fatigue va se faire sentir. Quant au favori, je pense que Lyon revient bien mais en tant que supporteur, je vais opter pour Marseille même si le jeu pratiqué n'est pas vraiment le meilleur de la Ligue 1. Lille pratique vraiment un très très bon football mais Marseille et Lyon sont, pour moi, les favoris de cette fin de saison. Au delà de votre carrière en club, vous avez également eu une importante carrière internationale, avec 47 sélections en équipe sud-africaine. L'Afrique du Sud, c'était le choix du coeur? J'ai choisi l'Afrique du Sud par rapport à Nelson Mandela et l'histoire du pays. La première fois que j'y suis retourné, mon ressenti avait été immense. L'Afrique du Sud avait réintégré le calendrier FIFA, le pays venait de remporter la Coupe du Monde de Rugby, la CAN de football... Quand j'ai été convoqué, c'était surtout une fierté de pouvoir aider ce pays à se réunifier à travers le sport. Il y avait une belle entente au sein de l'équipe. En plus de ça, on avait Nelson Mandela, on représentait vraiment sa bataille et son envie de changer le pays. Toutes ces raisons extra-sportives m'ont incité à enfiler le maillot des Bafanas. Vous avez participé à deux Coupes du Monde (1998, 2002). Comment avez-vous vécu ces rendez-vous si particuliers ? La Coupe du Monde, c'est vraiment le summum d'une carrière. C'est ce qu'on attend en tant que footballeur et c'est aussi pour ça qu'elle n'a lieu qu'une fois tous les quatre ans. C'est l'apothéose. Votre tout premier match de Coupe du Monde, vous le jouez chez vous, au Vélodrome à Marseille, dans votre stade, devant votre public, face à l'équipe de France, c'est forcément spécial... C'est vrai que c'était assez particulier. Je connaissais le vestiaire, je connaissais le stade, je jouais à Marseille, qui plus est contre des coéquipiers, Laurent Blanc, Robert Pirès, Christophe Dugarry, donc c'est vrai que je ne me sentais pas vraiment dans une Coupe du Monde. Cela ressemblait plus à un match de Ligue 1. Les matches suivants, nous les avons joué à Toulouse et Bordeaux, là encore des stades que je connaissais. C'était donc moins excitant que d'aller jouer en Asie ou au Japon par exemple comme en 2002. Lorsqu'on se déplace pour jouer dans des pays comme le Qatar ou la Russie, on réalise plus l'importance de l'événement. Ceci étant, 1998, c'était quand même historique pour nous, vu que c'était notre première participation. Après tout ce qui c'était passé dans le pays, c'était la fierté et la victoire de tout un peuple. Que pensiez-vous de l'Equipe de France à l'époque? Etaient-ils vraiment supérieurs? Avaient-ils les moyens de remporter le tournoi? Pas du tout. Auparavant, ils avaient fait des matches assez difficiles. Par la suite, ils ont pris confiance au fur et à mesure que le tournoi avançait. L'engouement populaire aidant, ils sont allés au bout. C'est fabuleux pour un pays organisateur de gagner sa Coupe du monde chez soi. Après concernant leur premier match contre nous, le score ne reflète pas la physionomie de la rencontre. En 1ère mi-temps, ils n'ont pas eu tant d'occasions que cela. Puis avec l'entrée de Dugarry, ils marquent sur corner. Quant aux deux autres buts, bon... (silence) on va dire que ce n'était pas non plus de réelles occasions franches, plus des actions un peu gag. Deux buts sur lesquels vous n'êtes pas forcément innocent. (Les buts en question ont été inscrits pas Pierre Issa, contre son camp). Comment l'avez-vous vécu mentalement ? Vous y repensez encore aujourd'hui ? A chaud, c'est vrai que j'étais assez déçu mais le coach et mes partenaires sont venus me voir rapidement, ils m'ont dit que la défaite était pour tout le monde. Il fallait se concentrer sur les deux autres matches contre le Danemark et l'Arabie Saoudite. Je n'ai pas eu le temps de cogiter. J'ai fait un match où je me suis donné à 100%, après malheureusement, ça fait partie du football. C'est sûr que j'aurais préféré que ça se passe autrement, peut-être face à une autre équipe, dans un autre stade. Là, c'était contre l'équipe de France, à Marseille, c'était assez spécial, on va dire ! (rires). Il y a une autre Coupe du monde, celle de 2010 en Afrique du Sud, à laquelle vous n'avez pas participé. Avez-vous envisagé de la jouer ? Vous regrettez de ne pas l'avoir fait ? Tout joueur aimerait jouer une Coupe du monde, surtout chez soi, qui plus est pour la première fois en Afrique. Je pense que le tournoi a été une réussite. Au départ, les gens appréhendaient un peu. Il y avait de grosses incertitudes, notamment sur la sécurité et l'organisation. Et puis, tout le monde a vite été rassuré. La Coupe du monde a beaucoup apporté, beaucoup de choses ont évolué depuis. Il y a tout un mélange de population qui s'est fait. Pendant la compétition, on a pu voir dans la rue que les Blancs, les Noirs et les Métisses avaient tous le même maillot des Bafanas, c'était quand même assez énorme. A partir de maintenant, il faudra toujours garder en tête ce qu'il s'est passé parce qu'on ne peut pas oublier mais c'est vrai que les mentalités ont changé. Fiche technique Nom : Issa Prénom : Pierre Date et lieu de naissance : 11 septembre 1975 à Germiston (Afrique du Sud). Nationalité : sud-africaine (il est d'origine libanaise) Carrière : 1994-1995 : USL Dunkerque (France) 1995-2000 : Olympique de Marseille (France) 2000-2001 : Chelsea (Angleterre) 2001-2002 : Watford (Angleterre) 2002-2004 : Olympic Beyrouth (Liban) 2005 : Ionikos Le Pirée (Grèce) 2005-2009 : OFI Crète (Grèce) Palmarès : En équipe nationale International sud-africain (47 sélections) de 1997 à 2006. Participation aux Coupes du monde 1998 et 2002. En club : Finaliste de la Coupe UEFA en 1999 avec l'Olympique de Marseille. Champion du Liban en 2003 avec l'Olympic Beyrouth Vainqueur de la Coupe du Liban en 2003 avec l'Olympic Beyrouth