«Benchikha m'a donné la chair de poule en prononçant «Mout waqef !»» Profitez-vous bien de vos vacances ? Jusqu'à maintenant, ça se passe plutôt bien. Je viens d'effectuer une omra. Cela m'a fait énormément de bien, tant sur le plan physique que sur les plans psychologique et spirituel. Cela a irrigué beaucoup de sérénité dans mon cœur et mon âme. Je pense que je vais faire une omra au moins une fois chaque année, avec ma petite famille. Wallah, ça repose beaucoup. Sinon, vous vous reposez bien ? J'essaye. Là, je vais aller à Dijon afin de me ressourcer auprès de ma famille, avant de retourner à Glasgow à la fin du mois, pour la reprise des entraînements avec les Rangers. La saison très chargée que je viens de réaliser fait que j'ai vraiment besoin de récupérer. Je vais profiter de chaque jour afin d'être dispos pour la reprise des entraînements. Vous allez reprendre les entraînements avec les Rangers. Est-ce à dire que vous avez renoncé à quitter ce club ? Je l'ai toujours dit : si je quitte les Rangers, c'est pour un vrai challenge, pour jouer à un plus haut niveau. Pour l'instant, nous n'en sommes qu'au début du marché des transferts. Pour l'instant, il n'y a pas de proposition qui soit à la hauteur de mes ambitions. Une telle proposition peut venir d'ici la fin août, mais je ne m'en fais pas une obsession. J'ai toujours été bien considéré chez les Rangers, un club où j'ai gagné quand même six titres en trois ans, dont trois titres de champion d'affilée. Cela ne me poserait aucun problème d'honorer ma dernière année de contrat avec ce club. Si on comprend bien, il n'y a plus de projets au Qatar ? Je ne vous cache pas que j'ai reçu une proposition très alléchante d'un club qatari. C'est une proposition vraiment tentante sur le plan financier. Or, j'ai bien réfléchi ces dernières semaines. J'ai même associé quelques joueurs de la sélection à ma réflexion. Je suis arrivé à la conclusion que, pour me donner les chances de participer avec les Verts à la campagne des qualifications pour le Mondial-2014 et, pourquoi pas, pour pouvoir participer à la Coupe du monde, il faut que je privilégie l'aspect sportif. L'argent peut attendre. J'ai encore quelques années de football et j'ai encore le temps de penser à l'argent. Je n'ai que 29 ans et je pense que, pour le bien de ma carrière, il me faudrait jouer encore quelques années en Europe, de préférence dans des clubs qui participent à la Ligue des champions. Donc pour l'instant, et a priori, vous restez aux Rangers ? Comme je l'ai dit, s'il faut que je reste une année encore chez les Rangers, ça ne me dérangerait pas. On ne peut pas être dérangé de jouer dans un club qui vous a permis de gagner des titres. Cependant, si un challenge sportif intéressant se présente, j'examinerai la question. Ce qui est sûr, c'est que si je quitte les Rangers, c'est pour un meilleur club, de niveau supérieur, quoi. Vous allez privilégier la Premier League, sans doute ? Oui. J'ai toujours répété que le football britannique me convient très bien. Déjà, l'un des meilleurs joueurs de Premier League, Rio Ferdinand, nous a déclaré que vous êtes un très bon joueur… Il me connaît sans doute depuis que les Rangers avaient tenu Manchester United en échec à Old Trafford, l'automne passé (0-0 en phase des poules de la Ligue des champions, (Bougherra ayant été désigné homme du match par l'UEFA, ndlr). J'ai aussi joué contre lui lorsque j'évoluais à Charlton. C'est flatteur qu'un défenseur de son talent reconnaisse ma valeur. Dommage que je sois arrivé en retard à la fête de Adlene Guedioura ! J'aurais aimé le croiser et le saluer. Pour en revenir à l'actualité, il est question du recrutement d'un sélectionneur étranger pour remplacer Abdelhak Benchikha. Votre avis ? En tant que joueur, je n'ai aucun avis à donner sur la question. C'est un sujet qui concerne les dirigeants du football algérien. Quel que soit le sélectionneur qui sera nommé, je travaillerai avec lui. Je pense que c'est aussi l'avis de tous mes coéquipiers. Le plus important est l'intérêt de la sélection nationale. Quelle impression vous a laissée Benchikha ? C'est vraiment dommage qu'il n'ait pas eu le temps de travailler en profondeur et d'appliquer ses idées. Sur ce que j'ai vu de ses méthodes de travail, je dois reconnaître qu'il maîtrise son sujet. Il s'y connaît en tactique et est très proche des joueurs. Je pense que ce dont il a manqué, ce sont le temps et la chance. Je garde de lui sa détermination, son énergie qu'il a su nous transmettre à nous aussi. Avant le match face au Maroc, il nous avait dit une phrase qui m'a marqué : «Mout waqef !» (Meurs debout, ndlr). Il a répété l'extrait du film L'Opium et le bâton qui a marqué beaucoup d'Algériens. Personnellement, j'ai eu la chair de poule quand il nous a dit ça. Nous regrettons vraiment de ne pas avoir été à la hauteur de sa recommandation. Les joueurs ont globalement été tellement nuls dans ce match que des voix ont même exigé qu'ils soient tous chassés de la sélection. Mesurez-vous l'étendue de la colère du peuple ? Oui, je la mesure parfaitement. Je pense que c'est une colère légitime. Nous avons failli, il n'y a rien à dire. Vous savez, le football, c'est ça : une fois, tu es porté aux nues, la fois d'après, tu vaux moins que rien. C'est la dure loi de la victoire et de la défaite. Je comprends donc la colère populaire. C'est pour ça qu'il est impératif de désigner rapidement un nouveau sélectionneur et de jouer un match pour plier définitivement l'épisode de Marrakech. J'ai appris qu'en football, il ne sert à rien de regarder derrière. Mieux vaut voir devant soi. Etes-vous prêt vous, personnellement, à vous retirer de la sélection pour laisser place à un autre ? S'il y a des joueurs meilleurs que moi, je me retirerai sans aucun problème. Je ne suis pas abonné à la sélection nationale. Viendra un jour où je laisserai ma place à d'autres. Cela fait 7 ans que je suis international, vivant le bon et le moins bon. Les 4 premières années ont été très difficiles pour moi, alors que les 3 dernières m'ont valu beaucoup de joie et de satisfactions. C'est au nouveau sélectionneur de voir si je peux encore rendre service à la sélection. J'accepterai sans tiquer toute décision qu'il prendra. Cela dit, je trouve dommage que l'on condamne un joueur sur un seul match. Tout joueur peut rater un match. Vous êtes donc contre le renvoi des joueurs actuels ? Le sélectionneur sera libre de renvoyer qui il veut. Je pense juste que le joueur le plus âgé du groupe actuel a 29 ans et ce n'est pas l'âge de la retraite. Qu'on dise qu'il faut mettre à l'écart, momentanément ou définitivement, les joueurs en méforme, c'est logique, mais qu'on parle d'envoyer à la retraite des joueurs qui ne sont même pas trentenaires, ça a de quoi surprendre. Pour en revenir à Benchikha, certains l'ont accusé d'avoir fait trop de travail physique durant le stage de La Manga Club alors que vous étiez en fin de saison. Pensez-vous que ce travail vous a porté préjudice ? Là, vous me donnez l'occasion de démentir catégoriquement ces allégations. Non, Benchikha ne nous a pas lessivés physiquement. Il a suivi un programme d'entretien et de remise en forme cohérent. Vous êtes très bien placé pour parler de ce stage puisque vous étiez le premier joueur à arriver en Espagne, en même temps que le staff technique… Effectivement, j'ai participé au stage depuis le premier jour et je n'ai rien à redire sur la préparation qui a été faite à La Manga Club. Benchikha a fait le nécessaire et n'a rien à se reprocher de ce côté-là. Le jour du match, nous étions dans un jour sans, voilà tout. Comment expliquez-vous que depuis presque deux ans, chaque bon résultat de l'Algérie est suivi d'une contre-performance ? Est-ce parce que vous ne savez pas gérer l'euphorie, quand on vous met sur un nuage, après chaque victoire ? C'est seulement qu'on ne sait pas enchaîner les bons résultats. A quoi cela est-il dû ? Je l'ignore. Je pense que c'est dans le mental de chaque joueur. Le professionnalisme nous apprend à avoir faim de victoires tout le temps, à avoir un esprit de gagneur. Il faut que nous soyons imprégnés de cet esprit-là lors de tous nos matchs. Serait-ce un manque de motivation ? Je ne peux pas parler de mes coéquipiers, mais en ce qui me concerne, je suis toujours motivé. Puisque j'étais motivé à l'époque où la sélection était au plus bas, ce n'est pas aujourd'hui que je ne serai pas motivé. Contre le Maroc, nous étions motivés, mais nous avons raté notre match. Vous qui connaissez bien vos coéquipiers, avez-vous senti que la défaite de Marrakech les a plus affectés que celles face à l'Egypte en Angola et contre la Slovénie en Afrique du Sud ? Ah, oui ! Ils étaient complètement sonnés. C'est faux d'affirmer que certains rigolaient après le match. Vraiment, la défaite les a beaucoup touchés. Ils étaient conscients de l'importance particulière de ce match. Ça n'a pas marché sur le terrain, mais il ne faut pas accuser les joueurs de laisser-aller et de négligence. Le prochain match sera un rendez-vous amical contre la Tunisie à Florence. Auriez-vous aimé jouer ce match en Algérie, devant votre public, ou bien pensez-vous que c'est mieux de jouer à l'étranger afin d'éviter les supporters en colère ? Je suis toujours pour l'idée de recevoir nos adversaires en Algérie. Certes, nos supporters sont en colère, mais je suis convaincu qu'ils nous pardonneront, si nous leur offrons une belle prestation et une victoire. C'est pour ça que je serai motivé de jouer en Algérie. Cela dit, jouer à Florence a aussi un avantage pratique : comme il s'agira d'un match en milieu de semaine, ce sera plus facile pour les joueurs professionnels de rejoindre l'Italie, à partir des villes européennes. Vous êtes à Paris pour assister au lancement officiel du site Web de Adlene Guedioura. Pensez-vous que les joueurs algériens devraient donner de l'importance au domaine de la communication ? La communication, c'est important. Guedioura, qui est au début de sa carrière, essaye de faire les choses suivant les normes. Depuis que nous sommes ensemble en sélection, j'ai eu le temps de le découvrir. Au point de vue sportif, il a un potentiel énorme, même si les gens ne s'en rendent pas compte. Il a plus de talent que certains ne le croient et je suis convaincu qu'il percera dans le championnat anglais. Sur le plan de la gestion de sa carrière, il est «carré» dans le bon sens du terme, c'est-à-dire qu'il est soucieux que tout soit organisé dans sa vie professionnelle. Je pense que c'est un exemple à suivre.
